Un ressortissant algérien a demandé la régularisation de sa situation administrative en se prévalant d'une présence en France de plus de 10 ans, en vertu de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Bien que cette disposition ait été supprimée du Code de l'entrée et du séjour des étrangers en France (CESEDA), elle reste applicable aux ressortissants algériens, qui bénéficient d'un statut dérogatoire, tout comme les ressortissants tunisiens (article 7 ter d).

Cette disposition permet à un ressortissant algérien justifiant d'une présence continue de plus de 10 ans en France, avec des documents probants, d'être admis de plein droit au séjour. Un certificat de résidence temporaire d'un an, renouvelable, portant la mention « vie privée et familiale », lui est alors délivré.

Le Conseil d'État, dans une décision rendue en chambres réunies (en raison de la complexité de la question), a statué sur la situation des étrangers ayant fait l'objet d'une interdiction de retour non exécutée. La question posée était de savoir si un étranger en situation d'interdiction de retour, mais continuant à séjourner en France, pouvait toujours être considéré comme résidant en France au sens de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien.

Le Conseil d'État a confirmé l'analyse de la Cour administrative d'appel, en déclarant que « (…) les périodes durant lesquelles l'intéressé faisait l'objet d'une interdiction de retour en France, alors même qu'il a continué à séjourner sur le territoire national sans respecter cette interdiction, ne peuvent être prises en compte pour l'appréciation de la durée de résidence mentionnée au 1° de l'article 6 de l’accord franco-algérien (…) » (Conseil d'État - 7ème et 2ème chambres réunies, 30 juillet 2024 / n° 473675).

En d'autres termes, même si l'étranger peut justifier d'une présence effective en France pendant plus de 10 ans, le non-respect d'une interdiction de retour interrompt la continuité de cette présence.

L'interdiction de retour sur le territoire français (IRTF) doit être distinguée de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF). La première interdit à l'étranger de revenir en France pendant une période déterminée (jusqu'à 5 ans), tandis que la seconde impose à l'étranger de quitter le territoire français dans un délai imparti ou sans délai (dans ce dernier cas, l'IRTF est automatique). 

Jusqu’à présent, l’OQTF non exécutée n’interrompait pas à elle seule la continuité de la présence de l’étranger. Il existe d’autres situations où les périodes passées en France ne sont pas comptabilisées dans le calcul de l’ancienneté de la présence en France, comme les périodes passées en détention. Désormais, l’IRTF produit le même effet.

En conclusion :

  • La présence de l'étranger cesse d'être reconnue administrativement après une IRTF.
  • Cette décision pourrait avoir un impact considérable sur les étrangers concernés par une IRTF non abrogée.
  • La suppression de la possibilité de régularisation sur la base de l'ancienneté de la présence en France pourrait rendre certains étrangers définitivement « non régularisables ».