Profession avocat : un beau métier certes, mais si ingrat.

Ce matin, me voilà prête à affronter une tempête invisible. Invisible parce que je sais que mon confrère adverse ne comparaîtra pas alors que je m'apprête à m'opposer au renvoi qu'il sollicite. Je sais vous allez penser : « mais quel manque de confraternité... !!! ».

Cependant les raisons de mon opposition étaient aussi légitimes qu'étaient infondées les raisons de sa demande de renvoi. Pour la petite histoire, un des motifs du renvoi, oui parce qu'il y en a eu plusieurs pour tenter d'emporter la conviction du juge..., était que lors de l'audience de non-conciliation qui devait se tenir ce matin pour une requête déposée en juillet 2008, l'enfant devant être auditionné n'avait pas eu d'avocat désigné pour l'assister.

Reprenons dans l'ordre parce que cela parait quelque peu confus, même pour moi qui connais l'histoire.

Une audience de non conciliation est fixée à aujourd'hui. Vendredi après midi je reçois une télécopie de mon confrère adverse qui m'explique que son client a demandé l'audition de l'enfant pour l'audience de non conciliation (sic) et que le greffe n'ayant pas eu le temps de désigné ledit avocat d'enfant, il faut faire renvoyer l'affaire ! ! !

Diantre, me dis-je, voilà que les règles applicables en matière d'audition d'enfant et d'audience de non conciliation semblent inconnues de mon adversaire.

Je prends donc la peine de lui répondre que les raisons de son renvoi ne semblent pas opérantes puisqu'il appartient au seul magistrat, si l'enfant lui en fait la demande écrite, de décider de son audition mais certainement pas au cours d'une audience de non conciliation.

Fort de mon argumentation, je l'invite à se mettre en état pour aujourd'hui.

Une autre télécopie me sera adressée pour m'informer d'un troisième motif du renvoi, tiens donc, à savoir un déplacement à Paris...après avoir invoqué un deuxième motif à savoir des cours à l'université...le mercredi 8 octobre, c'est pas de chance quand même !

Elles ont bon dos ces audiences parisiennes pour nous, avocats de Province Provençales. Bref, les motifs n'étant pas avérés, ou à tout le moins, suspects douteux, j'informe mon client de cette difficulté.

Me voilà donc devant le présentoir qui supporte le rôle entrain de chercher mon nom et celui de mon client. Une dame, agréable accompagnée d'une amie me demande comment cela fonctionne, car si elles ont trouvé le nom de l'une d'entre elle sur le rôle, elles ignorent s'il y a un appel ou s'il faut attendre.

Très gentiment, je sais c'est mon gros défaut, je leur explique que les audiences JAF sont un peu comme celles de la foire d'empoigne, et qu'il faut se précipiter vers la porte dès qu'elle s'ouvre, sous peine d'attendre passivement jusqu'à 13 heures, bien entendu après avoir pris son rang, après le nombre inconsidérable d'avocats qui attendent déjà...

Elles m'expliquent qu'elles viennent pour un renvoi et que l'avocat qui représente l'une d'elle n'est pas là, ni d'ailleurs l'époux convoqué. J'explique alors que vu l'heure, il faut laisser le temps d'arriver, et que si leur démarche est de solliciter un renvoi, elles n'ont qu'à demander poliment aux avocats présents de les laisser passer puisque la prestation sera courte, s'agissant d'un renvoi. Il serait stupide de rester tard pour cela.

Me trouvant fort sympathique de les avoir si bien renseigner, elles me remercient chaleureusement, en me disant que je suis très aimable, et s'avance vers la porte me souriant quand nos regards se croisent.

Tiens voilà que mon client arrive. Je lui explique que l'on va se positionner devant la porte pour savoir si l'affaire est retenue ou renvoyée, dans la première hypothèse nous ressortirons pour laisser les avocats déjà présents plaider leur dossier, dans la seconde nous partirons tôt sans avoir attendu.

Et voilà que les deux dames pour lesquelles j'avais été si agréable me fusillent du regard. Et mon client de dire, mon épouse est en face de nous juste à côté de la porte.

Je fais alors mon travail dans la salle d'audience.

Lorsque nous sortons de la salle, je ne suis plus sympathique, aimable, je suis la dernière des dernières, sans aucune considération, je n'ai pas droit à un regard, ni à la moindre formule de politesse qui commencerait et finirait par « au revoir »...