Ce matin il pleut, un peu. Une seule voie s'offre à moi, celle de rejoindre ma chambre. Elle porte le numéro 11. Éclairée à la seule lumière des néons, elle est sombre(*). Aucune lueur naturelle ne filtre au travers de la porte pourtant restée entrouverte pour attirer le chaland. Je perçois des ombres noires, qui s'agitent, se bousculent dans ce lieu pourtant voué au silence. Chacun attend son tour. Le mien arrive. La torpeur. Ne souhaitant pas m'étendre, je me relève et vais directement à l'essentiel espérant donner ce que l'on attend de moi. Me voilà faisant la cour dans une chambre froide, tentant d'envouter mes interlocuteurs par des paroles choisies dans un vocabulaire soigné. La chambre est arène. Vient le tour de ma concurrente dont la verve prolixe n'a d'égal que la longueur de sa littérature hémorragique qui endormirait un insomniaque. Vivement la fin que je ne l'entende plus, sa voix m'agace, et les propos qu'elle me fait tenir à tort aussi. De toute façon j'aurai le dernier mot, la laisser s'enfoncer, et la mettre en colère.
Je sors enfin de ce lieu de débauche juridique et c'est alors que je m'aperçois qu'il ne pleut plus. Le soleil à l'horizon. Vite il me faut sortir. Afin de regagner mes éternelles contrées, dans un élan d'aventure, je décide d'emprunter le passage secret qui relie Verdun à Montclar, passage que seul les initiés connaissent et empruntent. L'émerveillement est à son comble.
C'est dans ces petits moments de liberté volée au travail que je me rends compte de la chance que j'ai d'exercer mon métier ; la joie d'entrer dans ces chambres froides, la joie d'en sortir vidée, celle de se divertir d'un rien, d'une visite improbable dans un lieu mystique rempli d'émotion et de spiritualité. La beauté froide des lieux est due à son dépouillement. Là encore l'obscurité, bien que la blancheur des pierres éclaire ce lieu chargé d'histoire. Y séjourner un instant, s'y arrêter pour ressentir le besoin de refaire surface, et se dire que la prochaine fois on s'y attardera un peu plus longtemps pour contempler l'arrière salle si fascinante et effrayante à la fois, lorsque l'on pense à ceux qui l'ont parcourue.
(*) Pour les puristes, certes la 11ème chambre est éclairée, mais laissez moi rêver de la cour d'Appel d'Aix !
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