Si l'assurance dommages-ouvrage est couramment associée au délai décennal prévu par le régime de responsabilité institué par les articles 1792 et suivants du code civil, un autre délai est également à prendre en compte par les maîtres d'ouvrage : il s'agit de la prescription biennale applicable aux rapports entre assuré et assureur, prévue par l'article L 114-1 du code des assurances.

L'article L 114-1 du code des assurances prévoit ainsi que "toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance."

Cela signifie que l'assuré dispose, pour déclarer le sinistre à l'assureur, d'un délai de deux ans à compter du sinistre.

En matière d'assurance dommages-ouvrage, le point de départ du délai de deux ans pour déclarer le sinistre à l'assureur est fixé au jour où l'assuré a eu connaissance des désordres (Cass., civ. 1, 4 mai 1999, n°97-13.198Cass., civ. 3, 15 décembre 2004, n°02-16.581).

Mais il existe une particularité de l'assurance dommages-ouvrage, qui a vocation à intervenir non seulement une fois l'ouvrage achevé, après réception, mais également avant la réception lorsque "après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations", en vertu de l'article L 242-1 du code des assurances.

Les dispositions précitées de l'article L 242-1 du code des assurances visent en effet à ne pas priver le maître d'ouvrage de recours à l'assurance dommages-ouvrage face à un abandon de chantier ou à la disparition de l'entreprise avant la réception des travaux.

Cette situation n'est pas rare, et il apparaît donc intéressant de maîtriser les règles de la prescription en matière d'assurance dommages-ouvrage en cas de défaillance de l'entreprise avant la réception des travaux.

Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 février 2020 (Civ. 3, 13 février 2020, n° 19-12.281), destiné à une large publicité, vient de préciser le point de départ du délai de prescription biennale dont bénéficie l'assuré vis-à-vis de l'assureur, en cas de dommage survenu avant la réception des travaux.

Il s'agit ici d'articuler le mécanisme légal de l'assurance dommages-ouvrage régi par l'article L 242-1 du code des assurances avec la prescription biennale applicable dans les rapports assuré-assureur.

1) La Cour de cassation commence par rappeler que la mise en demeure de l'entreprise d'avoir à exécuter ses obligations n'est pas requise "quand elle s'avère impossible ou inutile".

Aussi, en cas de disparition de l'entreprise (Cass., civ. 1, 10 juillet 1995, n° 93-13.027), ou de cessation d'activité de l'entreprise (Cass., civ. 1, 23 juin 1998, n° 95-19.340), la mise en demeure de l'entrepreneur défaillant n'est pas requise pour l'application de l'assurance dommages-ouvrage.

La Cour de cassation rappelle également que la condition de résiliation du contrat de louage d'ouvrage est remplie en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise (Cass., civ. 1, 3 mars 1998, n° 95-10.293).

2) La Haute juridiction en déduit que le point de départ du délai de prescription biennale ne peut se situer à la date de la mise en demeure lorsque celle-ci s'avère impossible ou inutile, mais à la date du placement en liquidation judiciaire de l'entreprise :

"c’est cette circonstance qui constitue l’événement donnant naissance à l’action, au sens de l’article L. 114-1 du code des assurances, et, partant, le point de départ du délai de la prescription biennale."

3) L'arrêt d'appel est donc cassé, en ce qu'il avait déclaré prescrite la demande à l'égard de l'assureur dommages-ouvrage, au motif :

- que les maîtres d'ouvrage n'avaient pas mis en demeure l'entreprise d'exécuter ses obligations ni résilié son contrat dans le délai de deux ans suivant le jour où ils avaient eu connaissance des désordres ;

- que le placement en liquidation judiciaire de l'entreprise ne leur donnait pas un nouveau délai d'action de deux ans.

La Cour de cassation énonce en effet que :

"En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la résiliation du contrat n’était intervenue que le 24 juin 2008, date de l’ouverture de la liquidation judiciaire de l’entreprise, la cour d’appel, qui a fixé le point de départ du délai de deux ans à une date antérieure à celle de l’événement donnant naissance à l’action, a violé les textes susvisés".

Le maître d'ouvrage qui souhaite actionner les garanties dommages-ouvrage dispose ainsi, pour déclarer le sinistre à l'assureur, d'un délai de deux ans dont le point de départ diffère selon que les désordres se manifestent avant ou après la réception de l'ouvrage :

- lorsque les désordres se manifestent antérieurement à la réception : le délai de prescription biennale commence à courir, en cas de disparition de l'entreprise, à compter de la cessation d'activité ou du placement en liquidation judiciaire de l'entreprise ;

- lorsque les désordres se manifestent postérieurement à la réception : le délai de prescription biennale commence à courir à compter du jour où le maître d'ouvrage a eu connaissance des désordres.

Pour finir, notons cependant que pour pouvoir opposer la prescription biennale à son assuré, l'assureur doit avoir rappelé, dans la police d'assurance, non seulement le délai de prescription, en application de l'article R 112-1 du code des assurances, mais également les différents points de départ de ce délai (Cass., civ. 2, 28 avril 2011, n°10-16.403 ; 10 décembre 2015, n° 14-28.012), ainsi que les causes d'interruption de la prescription (Cass., civ. 3, 16 novembre 2011, n° 10-25.246).