Discipline des avocats

En jargon constitutionnaliste, l’avis des amis de la Cour, l’amicus curiae du droit américain, est une « porte étroite ».

La Cour de cassation par son arrêt 400 du 1er mars 2017 (voir l’article https://www.hub-avocat.fr/publications/article.php?articleid=13893 ) a transmis au Conseil Constitutionnel la question de la légalité des délits et des peines disciplinaires des avocats ; seuls membres de la famille judiciaire qui en sont exclus.

Nos représentants, le CNB et l’Ordre des avocats de Paris, sans débat ni vote s’opposent à ce que nous bénéficions de la légalité disciplinaire.

Ils revendiquent l’arbitraire de pratiques archaïques.

D’un avis différent, j’ai adressé au Conseil Constitutionnel ce courrier :

« Monsieur le Président,

Le Conseil constitutionnel est saisi de la question de la constitutionnalité de la délégation infra législative et infra règlementaire des délits et des peines disciplinaires des avocats.

Qu’il me soit permis de faire part au Conseil constitutionnel de mon expérience d’ancien membre du conseil de l’ordre ayant exercé des fonctions disciplinaires[1].

L’absence de légalité des peines et délits disciplinaires pose notamment trois difficultés :

  • Une première née de la source et du flou des incriminations disciplinaires définies comme tout ce qui est contraire au Règlement Intérieur National des avocats.

Pas seulement la délicatesse (reprise par un décret de 2005), mais aussi la compétence ou la prudence, qui sont des devoirs nés de décisions normatives du Conseil national des barreaux ; décisions pas même reprises par un décret.

La doctrine la plus autorisée et la plus conservatrice, celles des bâtonniers Ader et Damien écrivant à propos de la légalité des incriminations disciplinaire :

« Le respect du serment de l’avocat : sous cette incrimination relativement vague … ».

Les auteurs ajoutant à propos des décisions disciplinaires :

« Certaines décisions sont d’une grande incertitude de termes »[2].

  • Une deuxième vient de l’absence de proportion entre les incriminations et les peines.

Un défaut de délicatesse peut être sanctionné par une suspension de trois ans et un défaut de probité par un avertissement (les deux se sont déjà vus).

  • Cet arbitraire est une troisième difficulté, les exemples d’instrumentalisations des poursuites disciplinaires ne sont pas rares.

A titre d’illustration, j’ai été relaxée par la Cour d’appel de Paris d’une sanction disciplinaire de mon ordre dont le fondement était de m’être opposé à la campagne d’un candidat au bâtonnat (Cour d’appel de Paris 27 octobre 2011, RG 11/14695).

En substance, en dépit de la loi de 1971 créant la nouvelle profession d’avocat, le droit disciplinaire n’a pas changé depuis le 13eme siècle, il est demeuré féodal.

Au 19e puis au 20e la légalité des délits et des peines disciplinaires de toutes les professions judiciaires a été organisé.

Seule la profession d’avocat demeure organisée par un régime anachronique.

La question qui vous est posée est le moment de rendre aux avocats une même dignité.

Veuillez croire Monsieur le Président en l’expression de ma très haute et très déférente considération.

Je vous prie de me croire votre bien dévouée consoeur.

 


[1] Membre du conseil de l’Ordre du Barreau de Paris (2005 à 2007) et membre de formation de disciplinaire N°3 du Barreau de Paris (2005 à 2009 puis 2012 et 2013)

[2] Bâtonniers Ader et Damien « Règles de la profession d’avocat » Dalloz, n°81.121.