Le Conseil d’Etat, saisi en référé, a décidé de ne pas suspendre l’interdiction du port de l'abaya et du qamis dans l'enceinte des établissements scolaires (CE 7 septembre 2023, n°487891, Association Action droits des musulmans).

 

Dans la mesure où il s’est prononcé sur l’absence de tout moyen sérieux (et non sur la condition d’urgence), on ne peut que s’attendre à ce que la décision au fond soit le rejet de la demande d’annulation de la décision du ministre de l’éducation nationale formulant cette interdiction.

Dans cette affaire, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse avait, par note de service relative au respect des valeurs de la République publiée le 31 août 2023 au bulletin officiel de l'éducation nationale, interdit le port de l'abaya et du qamis dans l'enceinte des établissements scolaires.

L'association Action droits des musulmans avait alors saisi le juge des référés en urgence afin d’obtenir la suspension de cette interdiction.

 

Sur le fond, on rappellera que l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation, issu de l'article 1er de la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes, de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics dispose que :

" Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. / Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève ".

 

Sur la base de ces dispositions, le Conseil d’Etat considère que les élèves des écoles, des collèges et des lycées publics peuvent porter des signes religieux à condition que ces signes soient discrets.

 

Il rappelle qu’en revanche, sont interdits :

  • « les signes ou tenues, tels notamment un voile ou un foulard islamique, une kippa ou une grande croix, dont le port, par lui-même, manifeste ostensiblement une appartenance religieuse »,
  •  les signes ou tenues « dont le port ne manifeste ostensiblement une appartenance religieuse qu'en raison du comportement de l'élève ».

 

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat s’est appuyé sur des éléments de fait, tels que la forte augmentation au cours de l'année scolaire 2022-2023, des signalements d'atteinte à la laïcité liés au port de signes ou de tenues contraires à l'article L. 141-5-1 du code de l'éducation.

Ces signalements sont effectivement passés de 617 au cours de l'année scolaire 2021-2022 à 1 984 pour l’année 2022-2023.

A l'audience de référé, il avait été mis en évidence que ces signalements concernaient majoritairement le port par des élèves de tenues de type abaya.

 

A l’audience également, les représentants de l'administration avaient défini l’abaya comme « un vêtement féminin couvrant l'ensemble du corps à l'exception du visage et des mains » et le qamis comme son équivalent masculin.

L’administration avait soutenu que « le choix de ces tenues vestimentaires s'inscrit dans une logique d'affirmation religieuse », le ministre relevant que « le port de ces vêtements s'accompagne en général, notamment au cours du dialogue engagé, en application des dispositions législatives précitées, avec les élèves faisant le choix de les porter, d'un discours mettant en avant des motifs liés à la pratique religieuse, inspiré d'argumentaires diffusés sur des réseaux sociaux ».

 

C’est sur le fondement de cette argumentation que le Conseil d’Etat a considéré que le port de l’abaya « qui ne peu(t) être regardé comme étant discret,  constitue une manifestation ostensible de l'appartenance religieuse des élèves concernés méconnaissant l'interdiction posée par les dispositions de l'article L. 145-5-1 du code de l'éducation ».

 

Il a donc conclu que l’interdiction de porter une telle tenue ne constituait pas une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée, à la liberté de culte, au droit à l'éducation et au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant ou au principe de non-discrimination.

 

Le Conseil d’Etat a conclu dans le même sens et pour les mêmes motifs dans le cadre d’un second référé qui avait été initié par l'association La voix lycéenne et l'association Le poing levé (CE 25 septembre 2023, n°487896).