Dans son arrêt « Syndicat de promotion de l’activité transmanche » (SMPAT) du 30 juin 2017 le Conseil d’Etat a étendu la possibilité de recours des tiers contre un contrat administratif (CE 30 juin 2017, n° 398445).

 

Depuis le revirement jurisprudentiel opéré par l’arrêt « Département du Tarn-et-Garonne », le Conseil d’Etat permettait à tous les tiers justifiant d’un intérêt lésé par un contrat administratif de contester sa validité devant le juge du contrat, à condition  qu’il existe des illégalités particulièrement graves ou en rapport direct avec leur intérêt lésé (CE 4 avril 2014, N°358994).

 

Cette décision revenait sur une jurisprudence ancienne réservant cette voie de recours aux parties au contrat et aux concurrents évincés lors de sa passation.

 

Le nouvel arrêt du 30 juin 2017 est dans la droite ligne de l’arrêt de 2014 et élargit encore les possibilités de recours des tiers aux contrats administratifs. En effet, après leur avoir ouvert la possibilité de contester la validité d’un contrat dans le délai de deux mois, le Conseil d’Etat leur permet désormais de demander qu’il soit mis fin à l’exécution d’un contrat en cours.

 

Il pose le principe en ces termes :

 « un tiers à un contrat administratif susceptible d’être lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine par une décision refusant de faire droit à sa demande de mettre fin à l’exécution du contrat, est recevable à former devant le juge du contrat un recours de pleine juridiction tendant à ce qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat ».

 

En outre, le Conseil d’Etat confirme que les tiers « de droit commun » ne peuvent agir que s’ils sont lésés dans leurs intérêts de façon suffisamment directe et certaine, il ne retient pas cette condition à l’égard du préfet et des membres de l’organe délibérant de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concerné.

 

Par exemple, les tiers autres que le Préfet et les élus ne peuvent soulever que moyens qui sont en rapport direct avec leur intérêt lésé. Par conséquent, ils ne peuvent pas arguer d’autres irrégularités tenant, par exemple, aux conditions et formes dans lesquelles la décision a été prise. Au contraire, le Préfet et les élus le peuvent.

 

Reste que, pour aboutir, le recours, qu’il soit initié par un tiers, le Préfet ou des élus de l’opposition par exemple qui demanderaient à ce qu’il soit mis fin à l’exécution d’un contrat en cours passé par la collectivité, (on pense à un marché public notamment) doit remplir les conditions alternatives suivantes :

 

  • la personne publique contractante était tenue de mettre fin à son exécution du fait de dispositions législatives applicables aux contrats en cours ;

  • le contrat est entaché d’irrégularités qui sont de nature à faire obstacle à la poursuite de son exécution et que le juge devrait relever d’office ;

  • la poursuite de l’exécution du contrat est manifestement contraire à l’intérêt général.

 

Cette jurisprudence est d’application immédiate de sorte que tous les contrats administratifs actuellement en cours d’exécution peuvent faire l’objet d’un tel recours.

 

Si les conditions sont remplies, il appartient au juge du contrat d’apprécier si les moyens soulevés sont de nature à justifier qu’il fasse droit à la demande. Mais le juge doit aussi vérifier que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

 

Compte tenu de cette balance des intérêts, le juge pourra alors ordonner qu’il soit mis fin à l’exécution du contrat, le cas échéant avec un effet différé.

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Catherine TAURAND

Avocat droit public – droit fiscal

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