Dans un arrêt du 1er octobre 2013, Société Espace Habitat Construction (Req. n° 349099 aux Tables), le Conseil d'Etat vient de préciser le rôle du juge administratif du contrat lorsque celui-ci est saisi d'un recours en reprise des relations contractuelles.

On se trouve dans l'hypothèse où le juge administratif du contrat est saisi d'un recours contre la décision de résilier un contrat, dans laquelle la victime de la résiliation lui demande, en outre, d'ordonner la reprise des relations contractuelles.

En l'espèce, la société Espace Habitat Construction avait saisi le tribunal administratif de Melun d'un recours tendant à l'annulation de la délibération par laquelle le conseil municipal d'Ozoir-la-Ferrière avait prononcé la résiliation, au nom de l'intérêt général, de deux conventions relatives la construction d'une résidence pour personnes âgées donnée à bail à la commune et dont la gestion devait être confiée, par celle-ci, à une association.

La société victime de cette résiliation pour motif d'intérêt général demandait au juge administratif du contrat d'annuler bien entendu la décision de résiliation mais aussi de prononcer la reprise des relations contractuelles.

La requête a été rejetée par les premiers juges.

En cassation, le Conseil d'État rappelle d'abord "qu'il incombe en principe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, de rechercher si cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et, dans cette hypothèse, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité".

Mais, il précise que "dans le cas où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, qui le conduirait, s'il était saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, à prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles".

En l'espèce, le Conseil d'État a conclu à l'irrégularité du contrat au motif qu'une de ses clauses stipulait que la commune renonçait à l'exercice de son pouvoir de résiliation unilatérale.

Or, le pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général ne peut faire l'objet d'une renonciation.

Ainsi, s'il était saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat, le juge administratif ne pourrait que prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation ou l'annulation de ce contrat.

La clause de renonciation au pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d'intérêt général constitue donc un vice d'une particularité, de sorte que le Conseil d'Etat ne peut que rejeter la demande de reprise des relations contractuelles, même si la décision de résiliation doit, par ailleurs être annulée comme illégale.

Cet arrêt, particulièrement intéressant, doit faire réfléchir aux demandes formulées (indemnisation vs reprise des relations contractuelles) en cas de demande d'annulation d'un décision de résiliation d'un contrat devant le juge administratif.

Catherine Taurand

Avocat droit public - droit fiscal

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