Des propriétaires ont fait annuler par le tribunal administratif de Versailles un permis de construire. Le projet immobilier prévoyait 62 logements et 70 places de stationnement.

Justine Chevalier | Publié le 20.07.2012, 05h52

Suresnes, hier. Si le projet de Bouygues immobilier allait à son terme, la vue dégagée du jardin de ce couple de propriétaires serait obstruée par un immeuble haut de sept étages. | (LP/J.C.) Réagir David contre Goliath. La comparaison peut être simpliste mais des « petits propriétaires » viennent de donner un grand coup à un programme immobilier mené par Bouygues entre le 129 et le 133, rue de Verdun. Le 5 juillet, le tribunal administratif de Versailles a décidé d'annuler le permis de construire octroyé au promoteur par la mairie de Suresnes le 15 juin 2009.

En cause : le dossier de permis de construire manquait de précisions. « Le droit administratif est objectif et rigoureux », assure Me Catherine Taurand, avocate des plaignants et spécialiste du droit administratif, qui assure avoir développé de nombreux moyens pour arriver à ce résultat. Car il fallait bien cela pour trouver le détail qui contredirait les plans du géant du béton.

Des retraités soucieux de préserver leur cadre de vie

Le recours, demandant l'annulation du permis de construire, a été porté par un couple de propriétaires d'un appartement en rez-de-chaussée au 135, rue de Verdun. Le programme immobilier de 62 logements et de 70 places de stationnement, soit un peu plus de 3800 m2 répartis sur sept étages, aurait totalement dénaturé son environnement, les privant de la pleine jouissance de leur bien. « Mes clients ont travaillé toute leur vie pour s'offrir une retraite paisible dans leur logement, le jardin a été un élément déterminant pour l'achat », assure le conseil. Un terrain bien entretenu et très garni que la propriétaire, qui préfère rester anonyme jusqu'à la fin de la procédure, est heureuse de faire admirer. « Quand nous sommes arrivés, c'était une friche, raconte cette ancienne gardienne d'immeuble, fière de la décision de justice. Aujourd'hui, il y a toutes sortes de plantes, on a un arbre qui nous donne des noix, le soleil et on veut nous enlever tout ça, mettre des bâtiments encore plus hauts! »

S'ils sont les seuls à avoir porté l'affaire en justice, dans le quartier, c'est également le soulagement. « Heureusement que cette décision a été prise, ça va être horrible s'ils construisent ces immeubles », assure le locataire du 1er étage.

C'est en lieu et place de trois maisons bourgeoises, mitoyennes de ce jardin, qui ont fait l'objet d'un permis de démolir, que Bouygues immobilier souhaite construire deux bâtiments de logements. « Le Code de l'urbanisme précise que, dans un dossier de permis de construire où le terrain d'origine comporte déjà des constructions, il doit être inscrit leur destination, leur surface et si elles seront maintenues ou modifiées par le nouveau projet, commente méticuleusement Me Taurand. Or, dans ce dossier, il n'y a pas la preuve que la commune ait eu un quelconque détail sur l'avenir des constructions, l'entier du permis de démolir n'a pas été joint au dossier. »

Argument avancé par le promoteur : la ville était forcément au courant de l'avenir des trois bâtisses, ayant délivré au préalable un permis de démolir. Le maire UMP de Suresnes, en déplacement à l'étranger, minimise cette décision, attendant de voir le jugement. « Si on commence à annuler tous les permis de construire, je ne vois pas comment nous allons pouvoir atteindre les objectifs fixés en termes de logement. » Coup d'arrêt ou simple retard pour le projet immobilier, pour le moment, rien n'est sûr. Bouygues Immobilier, que nous avons contacté hier, n'a pas souhaité faire de commentaire. Il a deux mois pour faire appel de la décision. A terme, il lui restera toujours la possibilité de relancer une procédure auprès de la mairie.

Le Parisien