Le 5 février dernier, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle en 2010, laissant certains élus à leurs inquiétudes et les solutions de compensation à trouver. Créée par la loi du 29 juillet 1975 pour succéder à une imposition d'origine révolutionnaire devenue anachronique (la patente), la taxe professionnelle est l'un des quatre impôts directs locaux perçus par les collectivités locales. Retour sur la mort annoncée de l'une des « quatre vieilles ».
Une taxe au champ d'application large
Elle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent en France, à titre habituel, une activité professionnelle non salariée. Cette définition, très large, rend redevables 3,6 millions de personnes physiques ou morales (ramené à 2,7 millions grâce au jeu des exonérations).
La taxe est établie dans chaque commune où le redevable dispose de locaux ou de terrains et est fixée à un taux voté par les collectivités locales, par conséquent, variable d'une commune à une autre. Depuis la suppression de la part pesant sur les salaires engagée en 1999 puis aboutie en 2003, la taxe professionnelle ne repose plus, pour les entreprises commerciales et industrielles, que sur les seules immobilisations corporelles. Son rendement s'appuie pour 20% sur les biens immobiliers des entreprises et pour 80 % sur leurs biens d'équipement et de production.
En un mot, en France, la taxe professionnelle porte sur les facteurs de production et non sur les résultats, sur le facteur capital et non sur le facteur travail.
Il existe différents cas de plafonnement, de dégrèvements et deux types d'exonérations : d'une part, les exonérations temporaires, qui dépendent des décisions des collectivités territoriales bénéficiaires de la taxe et d'autre part, les exonérations permanentes, qui sont au contraire, des dispenses du paiement de l'impôt accordées de plein droit, en principe appliquées sans intervention des collectivités territoriales et sur l'ensemble du territoire. Il s'agit notamment des activités des collectivités publiques, de nature administrative, ou de caractère essentiellement culturel, éducatif, sanitaire, social, sportif ou touristique, en cas de gestion directe seulement, des activités agricoles ou organismes agricoles, de certaines activités industrielles et commerciales comme les entreprises de presse, les loueurs en meublé (location d'une pièce à un étudiant par exemple), les activités artisanales, certaines activités non commerciales, telles que les professions artistiques, les sages-femmes..., les établissements privés d'enseignement et les entreprises de spectacle.
En tendance, la taxe professionnelle a connu, depuis sa création, une progression constante et régulière due tant au dynamisme de ses bases qu'à la hausse de ses taux et la participation croissante de l'Etat. Elle rapporte 29 milliards par an aux communes, départements et régions (45% environ de leurs ressources), dont environ 20 milliards sont payés par les entreprises et 8 milliards par l'Etat sous forme de compensation des exonérations et des allégements octroyés.
Une taxe objet des plus vives critiques depuis l'origine
La taxe professionnelle, une taxe inéquitable :
la combinaison des règles d'assiette et d'exonération et la multiplicité des taux associées à l'absence de prise en compte des capacités contributives des entreprises et le débat sur la pertinence des indicateurs retenus en font une taxe hétérogène sectoriellement et géographiquement qui posent la question du respect des principes constitutionnel d'égalité devant l'impôt et européen de non-discrimination.
La taxe professionnelle, une taxe inefficace :
le principe même de la taxe aboutit à pénaliser l'investissement et l'emploi en grevant directement la marge brute des entreprises et en faisant de ses dernières, selon certains, les otages d'un pouvoir fiscal local qu'elles ne peuvent sanctionner puisqu'elles ne votent pas, situation responsable, pour les mêmes, de la délocalisation des entreprises françaises à l'étranger.
La taxe professionnelle, une taxe compliquée :
dans un contexte de concurrence fiscale entre les Etats, les gouvernements successifs ont multiplié compensations, exonérations et dégrèvements, cette taxe devenant ainsi très complexe et ses coûts de gestion et de contentieux conséquents tant pour les administrations que pour les entreprises.
La taxe professionnelle est morte, vive la taxe professionnelle ?
Voulue depuis tant d'années, la mort de cette taxe décriée comme « injuste » et même « imbécile » a été annoncée, de façon on ne plus concrète, par le Président de la République, pour 2010. Plus exactement, il s'agirait de supprimer la part de la taxe pesant sur les équipements et les biens immobiliers, laissant exister les 20% restant portant sur les biens immobiliers.
Le Premier Ministre comme le Président de la République ont assuré que cette perte de recettes pour les collectivités sera compensée.
Des pistes ont déjà été avancées. Alors que le Grenelle I a proposé l'instauration d'une taxe carbone, qui est déjà appliquée en Allemagne et en Belgique, Monsieur Estrosi croit en une taxe sur l'excédent brut d'exploitation, c'est-à-dire calculée à partir de la valeur ajoutée en déduisant les impôts, les salaires et les charges sociales, précisant qu'une telle assiette permettrait de ne pas pénaliser les entreprises créatrices d'emploi.
Le Premier Ministre n'a pu qu'affirmer la nécessité de « ressources fiscales supplémentaires » et s'en remet finalement aux conclusions du comité sur la réforme des administrations locales présidé par Edouard Balladur, dont la remise du rapport est prévue fin février.
En attendant, si nombre de collectivités ont gardé leurs projets 2009, elles s'avèrent plus frileuses pour 2010. On voulait sa mort, on redoute sa mort.
Catherine TAURAND
Avocat au Barreau de Paris
Droit public - Droit fiscal
5 rue Jean Mermoz 75008 PARIS
tel : 01 53 30 72 72 fax : 01 40 06 91 30
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