Problématique : Le permis de construire peut-il être refusé si le raccordement du projet au réseau électrique entraine la mise à la charge de la commune d’une contribution, au bénéfice d’ENEDIS ?
L’article L. 342-11 du code de l’énergie dispose :
« La contribution prévue (…) pour le raccordement des consommateurs au réseau de distribution est versée, dans des conditions, notamment de délais, fixées par les cahiers des charges des concessions ou les règlements de service des régies ou, à défaut, par décret en Conseil d'Etat, par les redevables mentionnés aux 1°, 2°, 3°, 4° et 5° suivants :
1° Lorsque l'extension est rendue nécessaire par une opération ayant fait l'objet d'un permis de construire (…) la contribution correspondant aux équipements mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme est versée par le bénéficiaire du permis ou de la décision de non-opposition.
La part de contribution correspondant à l'extension située hors du terrain d'assiette de l'opération reste due par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour la perception des participations d'urbanisme »
Ainsi, et par principe, la contribution nécessaire au raccordement d’un projet immobilier au réseau de distribution d’électricité géré par ENEDIS comprend une part imputée au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme (travaux réalisés sur le terrain d’assiette du projet) et une part imputée à la commune (travaux réalisés hors du terrain d’assiette du projet).
L’article L. 111-11 du code de l’urbanisme dispose :
« Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés »
Ces dispositions s’appliquent aussi bien en cas d’absence que d’insuffisance des réseaux publics, et surtout quel que soit le zonage du terrain d’assiette du projet, y compris donc dans les zones urbaines « U » où, normalement, les équipements publics existants ou en cours de réalisation sont censés avoir, conformément à l’article R.151-18 du Code de l’urbanisme, une capacité suffisante pour desservir les constructions (CE, 5 novembre 1984, Ministre de l’Urbanisme et du Logement c. Assoc. SOS Boulevard de Strasbourg, req. n° 49964).
Ainsi, le code de l’urbanisme ne conditionne pas la possibilité de délivrer ou refuser le permis de construire sollicité à la mise à la charge de la commune d’une contribution par ENEDIS, nécessaire pour financer le raccordement d’une construction au réseau.
Il y a cependant lieu de différentier entre les simples travaux de branchement ou raccordement d’un projet et les travaux d’extension ou de renforcement du réseau public nécessaires à la desserte d’un projet. En effet, l’article L.111-11 précité ne peut être opposé que lorsque le projet nécessite un renforcement ou une extension des réseaux publics. A l’inverse, lorsque la desserte ne requiert que de simples travaux de raccordement ou de branchement, le permis ne peut être refusé par principe.
L’article L. 332-15 du code précité définit à contrario les travaux d’extension ou de renforcement du réseau. En l’occurrence, lorsque la desserte du projet nécessite des travaux d’extension (+ de 100m) ou de renforcement du réseau tels la modification d’un poste de distribution par exemple (voir en ce sens CAA de Lyon, 26 mai 2015, Société Aménagement Foncier Création, req. n° 13LY03160), l’article L. 111-11 du code de l’urbanisme pourra être opposé et le permis refusé.
A ce titre, tout financement de l’extension ou du renforcement du réseau public par le bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme est exclu, sauf éventuelle mise en place, sous conditions, d’un projet urbain partenarial (Article L. 332-11-3 du code de l’urbanisme).
A l’inverse, en présence de simples travaux de raccordement (branchement) le permis ne pourra être refusé par principe, quand bien même une contribution serait mise à la charge de la commune.
L’article L. 332-15 précité définit les travaux de raccordement (branchement) comme ceux n’excédant pas le tirage d’une ligne, passant hors du terrain d’assiette du projet, d’une longueur supérieure à 100 mètres, dimensionnée pour correspondre exclusivement aux besoins du projet et n’étant pas destinée à desservir d’autres constructions présentes ou à édifier (A défaut, la ligne ainsi réalisée deviendrait alors un réseau public). L’on constate bien que dans ce cas de figure, une contribution sera mise à la charge de la commune par ENEDIS.
Toutefois, ce même article permet à la commune, avec l’accord du bénéficiaire du permis de construire, de mettre à sa charge les travaux de raccordement à réaliser sous les voies ou emprises publiques. A ce titre, la ligne réalisée, financée par le bénéficiaire du permis, sera considérée comme un équipement propre au projet autorisé et non comme un réseau public.
Ainsi, dès lors que le pétitionnaire précise dans son dossier de permis, ou bien sur demande de la commune, son accord quant à la prise en charge des travaux de raccordement de son projet à réaliser hors du terrain d’assiette de celui-ci, le permis de construire sollicité ne pourra être refusé et la commune devra prescrire, dans l’arrêté pris, que les travaux de raccordement sont à la charge du seul bénéficiaire de l’autorisation délivrée (Voir en ce sens pour l’annulation d’un certificat d’urbanisme négatif, CAA de Nantes, 2 mai 2014, Duffau, req. n°13NT00181).
En conclusion, il conviendra dans un premier temps de vérifier l’ampleur des travaux nécessaires à la desserte par le réseau électrique de la construction objet du permis de construire.
Si ceux-ci consistent en des travaux d’extension ou de renforcement du réseau, le permis pourra être refusé. A l’inverse, si ces travaux consistent en un simple raccordement, même donnant lieu à contribution à charge de la commune, le permis ne pourra être refusé si le bénéficiaire de l’autorisation accepte de prendre ceux-ci à sa charge.
Le point de raccordement aérien le plus proche de mon terrain est à 376m, donc plus de 100m. Dans la mesure où je suis prêt à payer la totalité des frais d'extension du réseau et que mon voisin situé à 167m de chez moi est dans la même situation (ce qui pourrait permettre de diviser les frais), la mairie peut-elle toujours me refuser le permis de construire ? Dans l'affirmative, pensez-vous q'une action commune avec mon voisin pourrait-elle contribuer à l'acceptation d'un permis de construire à des fins de raccordement des deux habitations ?
D'avance merci pour votre réponse.