Tout copropriétaire est tenu classiquement au paiement des charges de copropriété au profit du syndicat des copropriétaires, lesquelles sont nécessaires notamment à l’entretien de l’immeuble. Cependant, qu’en est-il lorsque le syndicat des copropriétaires n’a pas respecté ses obligations envers l’un des copropriétaires ? Celui-ci peut-il refuser le paiement des charges de copropriété pour ce motif ? La réponse de la Cour de cassation est sans ambiguïté : non !

 

M. et Mme X ont acquis un appartement constituant un lot d’une copropriété. L’accès à celui-ci se faisait par une voie située sur une copropriété voisine. Par un jugement de 2013, M. et Mme X se sont vus interdire l’utilisation de la voie située sur la copropriété voisine. Ils n’avaient donc plus d’accès à leur lot.

Le syndicat des copropriétaires, lors d’une AG, a refusé l’aménagement d’un accès à leur lot passant sur la copropriété mais a donné pouvoir au Syndic de conclure une servitude de passage avec la copropriété voisine. Cependant, aucune convention n’a été conclue, M. et Mme X ne peuvent ainsi plus accéder à leur lot.

C’est pour cette raison que ceux-ci, estimant la responsabilité du syndicat des copropriétaires engagée, ont refusé de régler leurs charges de copropriété, mettant en avant le principe d’exception d’inexécution prévu par l’article 1219 du code civil. En d’autres termes, si le syndicat des copropriétaires ne respecte pas son obligation (assurer un accès au lot de M. et Mme X), ceux-ci n’exécutent pas non plus la leur (payer les charges de copropriété). Par un arrêt du 9 février 2017, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a donné raison aux époux X et a rejeté les demandes de paiement formées par le syndicat des copropriétaires.

 

Toutefois par un arrêt du 13 septembre 2018, la Cour de cassation a jugé :

« Qu'en statuant ainsi, alors que le vice de construction de l'immeuble, à le supposer caractérisé, n'exemptait pas M. X... et Mme Y... de leur obligation au paiement des charges de copropriété, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

 

L’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose :

« Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot.

Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes… »

Sur le fondement de ce texte, la Cour de cassation avait déjà rappelé que les copropriétaires ne peuvent refuser de régler leurs charges quand bien même le syndicat des copropriétaires n’aurait pas mis en œuvre des travaux pourtant décidés en AG (Cass. civ. 3, 19-12-2007, n° 06-21.012). Il en est de même lorsque l’état de répartition des charges prévu au règlement de copropriété ne respecte plus les dispositions législatives applicables et doit être adapté (Cass. civ. 3, 03-11-2016, n° 15-24.793).

La situation d’espèce apparait toutefois particulière dès lors que les époux X n’avaient vraisemblablement plus accès à leur lot et ne pouvaient ainsi plus en jouir. Or l’article 9 de la loi précitée prévoit expressément que « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives… », disposition elle aussi d’ordre public.

 

Cependant, la Cour ne rattache classiquement l’obligation de paiement des charges qu’à la qualité de copropriétaire et non à la jouissance des lots. L’exception d’inexécution ne peut donc être retenue dès lors que les époux X ont bien cette qualité.

Le copropriétaire concerné doit ainsi, dans une telle situation :

  • Contesté la décision d’AG refusant de réaliser un accès à son lot depuis les parties communes de la copropriété ;
  • Saisir la juridiction compétente pour obtenir la condamnation sous astreinte du Syndicat des copropriétaires à réaliser lesdits travaux ou à obtenir une servitude de passage et la réparation du préjudice de jouissance subi.

En tout état de cause, le copropriétaire concerné reste cependant redevable de l’ensemble des charges de copropriété.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 septembre 2018, 17-17.514.