L’article R. 4127-19 du code de la santé publique pose, pour les médecins, un principe d’interdiction générale et absolue de toute publicité, directe ou indirecte. Les obligations déontologiques du praticien lui imposent également de se garder de toute attitude publicitaire et de veiller à ce que son nom ne soit pas utilisé à des fins publicitaires par les organismes, publics ou privés, où il exerce ou auxquels il prête son concours (articles R. 4127-13 et R. 4127-20 du code de la santé publique).

Sous l’influence de la jurisprudence européenne, la règlementation devrait prochainement évoluer compte tenu de ses incompatibilités avec l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 sur le commerce électronique.

L’essor de l’économie numérique a modifié les pratiques du public qui recourt plus systématiquement à internet pour effectuer ses recherches sur l’offre médicale. Or, la règlementation restrictive en matière de communication des professionnels de santé ne permet pas au public de s’assurer de la fiabilité et de la pertinence des renseignements ainsi obtenus. L’adaptation des règles déontologiques en la matière permettrait aux praticiens d’assurer davantage leur « e-réputation » en disposant de la possibilité de présenter leur activité. Si une évolution de ces obligations déontologiques est nécessaire, leur non-respect par des médecins a conduit récemment la juridiction disciplinaire à prononcer des sanctions à leur encontre.

Le Conseil d’Etat a jugé, dans un arrêt du 27 avril 2012, qu’il était possible de faire état, sur un site internet, d’informations médicales à caractère objectif et à finalités scientifique, préventive ou pédagogique, à condition que ce site ne constitue pas un élément de publicité, de valorisation personnelle du praticien et/ou de son cabinet.

Dans cette espèce, le Conseil d’Etat a précisé que le site internet litigieux constituait une présentation publicitaire du cabinet excédant de simples informations objectives, en raison de la mise en avant du profil personnel du praticien, des réalisations opérées sur les patients, des soins prodigués et des spécialités dont il se recommandait (CE, 27 avril 2012, n°348259).

En ce domaine, la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins indique quant à elle que, si l’ouverture d’un site internet par un professionnel de santé n’est pas répréhensible, les indications à caractère publicitaire telles que :

  • le classement du cabinet parmi les meilleurs centres de traitement en médecine esthétique,
  • la dégressivité des tarifs en fonction du nombre de zones traitées,
  • les photographies de patients après intervention,
  • les témoignages de patients vantant notamment les mérites du « coolsculpting » (technique d’amincissement par le froid) et ceux du praticien,

contreviennent aux règles interdisant de pratiquer la médecine comme un commerce (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 13 septembre 2016, n°12613).

De même, elle a pu juger que le site internet intitulé « cabinet nutrition et esthétique » mentionnant comme objectif « vous faire sentir mieux dans votre corps et améliorer votre image esthétique, proposant de « vaincre définitivement vos soucis de poids » et présentant le cabinet comme « un cabinet médical entièrement centré sur vous et votre forme » n’avait pas pour objet l’information des patients mais la promotion des soins prodigués par le professionnel de santé et que son exploitation contrevenait donc aux règles déontologiques du médecin (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 3 juillet 2018, n°13492).

Plus récemment encore, un praticien a été sanctionné pour avoir méconnu, notamment, les dispositions en matière de publicité prévues à l’article R. 4127-19 du code de la santé publique, au motif que figurait, sur au moins quatre sites informatiques accessibles par internet, des présentations visant à promouvoir l’activité du médecin dans le domaine esthétique. La juridiction disciplinaire précise que « si ces sites ne sont désormais plus accessibles, ils n’en n’ont pas moins fonctionné plusieurs années » (Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins, 9 janvier 2019, n°13615).

Sans pour autant revenir sur le principe d’interdiction d’exercice de la médecine comme un commerce, ces règles déontologiques en matière de publicité devraient cependant connaître un assouplissement. Cette prochaine évolution a été abordée dans la décision rendue par l’Autorité de la concurrence le 15 janvier dernier.

L’Autorité de la concurrence, saisie par une plainte de la société Groupon dirigée contre des pratiques mises en œuvre par le Conseil national de l’Ordre des médecins dans le secteur de la promotion par internet d’actes médicaux, a constaté que le droit français n’était plus conforme au droit européen, la Cour de justice de l’Union européenne ayant jugé récemment qu’une prohibition générale et absolue de la publicité relative à des prestations de soins était contraire à l’article 56 du TFUE et à la directive 2000/31/CE (CJUE, 4 mai 2017, Vanderborght., C-339/15, EU : C/2017/335). 

Lors de la séance de l’Autorité de la concurrence, la représentante du Ministère des Solidarités et de la Santé a indiqué que le gouvernement et plusieurs ordres professionnels, dont celui des médecins, travaillaient à la refonte des dispositions réglementaires applicables à la publicité en vue de l’adoption de nouvelles dispositions dans un délai de six à douze mois, tenant compte des propositions émises par le Conseil d’Etat dans son étude « Règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information et de publicité » réalisée en 2018 (Autorité de la concurrence, 15 janvier 2019, n°19-D-01) .

Dans cette étude, le Conseil d’Etat propose de supprimer l’interdiction générale de la publicité directe ou indirecte et de poser un principe de libre communication des informations par les praticiens au public, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel. Il suggère également d’autoriser les professionnels de santé à communiquer au public des informations sur leurs compétences et pratiques professionnelles, leur parcours professionnel, des informations objectives, scientifiques, préventives ou pédagogiques et scientifiquement étayées sur leurs disciplines. De telles mesures devraient, à terme, se traduire par une réduction des litiges portant sur les pratiques publicitaires des professionnels de santé.