L’incarcération de l’employeur le libère t-il de ses obligations envers ses salariés ?

Hypothèse peu fréquente mais toutefois bien réelle ; l’incarcération de l’employeur est susceptible d’influencer la poursuite du contrat de travail notamment lorsque l’employeur n’est pas que gestionnaire de l’entreprise mais en quelque sorte « l’entreprise ».

La jurisprudence a eu l’occasion de se pencher sur la question et a dégagé une ligne constante.

L’incarcération de l’employeur n’entraîne pas suspension du contrat de travail laquelle suppose une force majeure, soit un événement irrésistible, imprévisible et extérieur.

Ainsi : l’incarcération de l’employeur ne revêt pas un caractère de force majeure justifiant la rupture du contrat de travail (Paris, 16 mai 1989).

L’incarcération de l’employeur qui assurait la direction et la gestion effective et personnelle de l’entreprise, ayant interrompu l’activité, peu important la survivance de la personnalité morale qui n’implique pas la poursuite de l’activité, rend la rupture du contrat de travail imputable à l’employeur (Paris, 17 septembre 1992).

Confirmant la jurisprudence des Cours d’appel, la Cour de cassation a jugé le 5 mai 2004 que l’incarcération de l’employeur n’est pas une cause de suspension du contrat de travail du salarié (cass. Soc. 5 mai 2004, n°03-10010).

Il appartient en conséquence à l’employeur détenu de donner du travail à ses salariés et de les payer : « l’incarcération de l’employeur ne dispense pas celui-ci du paiement des salariés demeurés à sa disposition » (Rennes, 11 oct. 2011, n°10/02180)

Dans la continuité de cette jurisprudence, la Cour d’appel d’Aix en Provence a jugé que la fermeture de l’établissement consécutive à une procédure pénale toujours en cours, n’est pas fondée sur un motif économique (Aix-en-Provence, 16 janvier 2014, n°12/20638).

Seul bémol pour les salariés, les obligations de l’employeur ne perdurent que si ceux-ci se sont maintenus à sa disposition.

Il peut se poser à cet égard une difficulté de preuve, comment démontrer que le salarié est resté à la disposition effective de l’employeur ?

Le fait de ne pas travailler pour un autre employeur suffit-il ?

Faut-il se présenter chaque matin sur le lieu de son emploi pour constater la porte close ? Ecrire des courriers à répétition pour signaler sa volonté de reprendre le travail ?

La difficulté se posera notamment pour le salarié qui se sera maintenu à la disposition de son employeur mais faute de mieux, sera resté à domicile dans l’attente, sans conserver la moindre preuve de ses éventuelles démarches.

Ce salarié ne sera pas dépourvu de droits, la Cour de cassation ayant mis à la charge de l’employeur la preuve que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou qu’il ne s’est pas tenu à sa disposition (cass. Soc. 23 oct. 2013, n°12-14237).

Ces décisions sont sévères à l’égard de l’employeur qui se trouve dans la tourmente et doit prendre garde à ne pas entraîner ses salariés avec lui.

Reste qu’en cas de négligence, volontaire ou non, il reviendra à la garantie des salaires et donc à la solidarité interprofessionnelle, de palier cette carence.