1/ La rédaction d'un testament par le majeur protégé sous tutelle

Le testament est un acte personnel qui peut être accompli par le majeur protégé sous tutelle sur autorisation du juge des tutelles.

Rédiger un testament quand on est placé sous tutelle est donc possible sous certaines conditions.

Le juge des tutelles procède alors à l'audition du majeur protégé, et contrôle sa capacité à exprimer clairement sa volonté.

La Cour de cassation a précisé qu’il ne s'agit pas d'examiner le contenu du testament mais de vérifier si les conditions requises pour autoriser une personne sous tutelle à tester sont réunies[1] (Notre publication : Rédiger un testament sous tutelle : est-ce possible ?).

2/ Qu’en est-il avant l’ouverture de la tutelle ?

Le même jour la Cour d’appel de Paris a refusé d’annuler un testament rédigé par un majeur protégé alors qu’il venait d’être placé sous sauvegarde de justice[2].

a/ Quels étaient les faits ?

M. Georges N., né en 1930, a été hospitalisé au début de l'année 2011 à la suite d'un infarctus.

Le service social de l'hôpital a demandé au médecin gériatre, d'établir un rapport sur l'état de santé physique et mental de ce patient.

Dans son rapport daté du 13 avril 2011, le Dr C. estimait que M. N. présentait une 'altération modérément sévère de son autonomie psychique et de la gestion de son quotidien' qui était le fait d'une 'démence de type mixte (composante vasculaire et Altzheiner)' et préconisait, compte tenu de l'évolution prévisible de la maladie, une mesure de tutelle.

Le 4 juillet 2011, le juge des tutelles a désigné Mme W. comme mandataire judiciaire dans le cadre d'un mandat spécial, à l'effet de percevoir les pensions et revenus de M. N., les appliquer à son entretien et à son traitement et de révoquer toutes procurations antérieures qui auraient pu être données par l'intéressé.

Puis, le juge des tutelles a désigné Mme W. en qualité de tutrice aux biens et à la personne de M. N.

Le 11 mars 2013, Mme Mathurine L. a adressé à la tutrice une lettre aux termes de laquelle elle indiquait que M. N. était son ami et fidèle compagnon depuis plus de 20 ans et à laquelle elle joignait la copie d'un testament rédigé par l'intéressé daté du 26 juin 2011.

Le juge des tutelles a demandé à la tutrice d'envisager une action en nullité de ce testament.

Le tribunal de grande instance d'Evry a jugé que le testament établi le 26 juin 2011 par M. N. était valable.

La tutrice a fait appel de cette décision.

b/ Sur ce, la Cour d’appel de PARIS a considéré que :

- Mme L. fait plaider que la tutrice ne peut solliciter l'annulation du testament alors qu'elle ne démontre pas le préjudice subi par M. N. qui n'a aucune famille, auquel cet acte n'enlève rien et qui peut disposer de tous ses biens jusqu'au jour de son décès ;

- Elle ajoute que si l'article 464 du code civil prévoit la possibilité de procéder à une annulation de certains actes passés par la personne protégée, ces sanctions ne sont pas automatiques ;

- Elle affirme que M. N. qui ne connaissait, en avril 2011, que les prémices de la maladie d'Alzheimer et vivait quasiment normalement, a rédigé le testament dans un moment de parfaire lucidité et que cet acte est le résultat de son souhait de gratifier sa compagne de longue date ;

- M. N. a établi le testament en cause avant l'ouverture de sa tutelle, de sorte qu'il n'avait pas à obtenir pour ce faire l'autorisation du juge des tutelles ;

- Le testament est un acte unilatéral par lequel le testateur dispose de ses biens et droits pour le temps où il n'existera plus et qu'il peut révoquer à tout moment et ce, même placé sous tutelle ;

- Aux termes de l'article 414-2 du code civil, sa nullité ne peut être poursuivie, du vivant du testateur, que par ce dernier ;

En conséquence, le recours formé par la tutrice est rejeté et la validité du testament confirmée.


Claudia CANINI

Avocat à la Cour

www.canini-avocat.com

https://consultation.avocat.fr/blog/claudia-canini/


[1] Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 8 mars 2017, 16-10.340

[2] Cour d'appel, Paris, Pôle 3, chambre 1, 8 Mars 2017 – n° 15/24862