Le Grenelle sur les violences conjugales est en voie d'achèvement. Il a été une formidable rencontre de professionnels, de bonnes volontés, mais que va-t-il en rester ?

 

Sans doute, une photographie assez précise des violences conjugales en France, grâce aux différents rapports, études réunis à l'occasion de ce Grenelle.

Mais, le décompte glaçant des victimes décédées sous les coups de leur conjoint ne cesse d'augmenter.

Le rapport de l'IGJ sur les homicides conjugaux démontre le nécessaire développement des ordonnances de protection, comme outil de protection.

Sur les 88 procédures judiciaires d'homicides conjugaux étudiés par la mission, seuls deux d'entre elles ont donné lieu à des requêtes aux fins d'ordonnance de protection et une seule ordonnance a été obtenue.

La séparation c'est un moment délicat tout comme l'annonce de celle-ci quels sont considérés comme motivation du passage à l'acte. Par ailleurs, dans 47 % des cas des enfants mineurs ou majeurs étaient présents au domicile le jour des faits.

S'agissant des enfants, des mesures simples et efficaces peuvent être prises.

En effet, les enfants doivent être considérés comme des victimes à part entière des violences conjugales. Ils sont souvent témoins, mais ils sont aussi des victimes et parfois un enjeu dans le cadre de la séparation.

Les ordonnances de protection peuvent être rendues pour protéger les enfants, mais dans les faits elles ne le sont pratiquement pas.

Pourtant, « l'ordonnance de protection est délivrée, dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, s'il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ». (article 515-11 du code civil)

Aujourd’hui les juges aux affaires familiales ont beaucoup de mal à prononcer des décisions octroyant l’exercice de l’autorité parentale exclusif au parent victime de violences conjugales.

Pourtant, depuis 2010, la loi prévoit que le juge, lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale prend notamment en considération « les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre ». (article 373-2-11 du code civil)

Une précision importante, si on ne demande pas, on n’a pas. Ainsi si la victime de violences conjugales ne demande pas l’exercice de l’autorité parentale exclusif, le juge aux affaires familiales ne peut pas actuellement prononcer cette mesure.

 

Une évolution apparait souhaitable.

 

Il est difficile pour une victime de violences conjugales qui obtient une ordonnance de protection de lire que :  

«  La séparation parentale est sans incidence sur les règles d'exercice de l'autorité parentale.

Les parents continueront à exercer conjointement l'autorité parentale. Ils pourront se concerter par écrit »

Il est pourtant certain que des violences vraisemblables ne permettent pas d'envisager dans un 1er temps un exercice serein de l'autorité parentale entre les parents.

 

En effet, comme le souligne Edouard Durand, juge des enfants :

"Lorsqu'on a un agresseur qui est dans l'emprise, il ne peut pas y avoir de coparentalité".

 

De plus, au regard de l’interdiction de contact ordonnée entre les parents, l’exercice de l’autorité en commun n’apparait pas envisageable.

Or, l’ordonnance de protection a pour but de « protéger » en prononçant comme première mesure l’interdiction à la partie défenderesse de recevoir ou  rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le juge ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit.

Cette interdiction de contact rend très difficile voire impossible un exercice conjoint de l’autorité parentale.

 

L’exercice conjoint de l’autorité parentale contraint la victime des violences conjugales à se référer à son conjoint violent pour prendre les décisions pour les enfants : l’inscription des enfants à l’école, leurs activités extrascolaires, le suivi psychologique des enfants deviennent alors des enjeux et surtout des occasions de pression.

 

Alors que l’ordonnance de protection permet de dissimuler son adresse, il faut communiquer l’adresse de l’établissement scolaire, mais aussi celles des enfants au conjoint. L’effectivité de la dissimulation d’adresse n’est pas assurée.

 

Il parait souhaitable que le juge aux affaires familiales qui rend une ordonnance de protection se prononce sur l’exercice de l’autorité parentale, avec une présomption que cette autorité parentale devrait être exclusivement exercée par la victime des violences conjugales.

Il pourrait s’agir d’une présomption simple. L’autre partie pourrait rapporter la preuve que l’intérêt de l’enfant serait un exercice conjoint de l’autorité parentale.

La dissimulation de l’adresse de l’établissement scolaire pourrait également être prononcée par le juge aux affaires familiales.

 

L’article 515-11 du code civil pourrait être voir son 5° complété comme suit :

« 5° se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et le cas échéant sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un PACS et sur la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants.

Sauf circonstances particulières l’exercice de l’autorité parentale est confié exclusivement au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences.

6°ter Autoriser la partie demanderesse à dissimuler l’adresse de l’établissement scolaire des enfants ».