Le secret professionnel attaché à la confidentialité des échanges entre les avocats et leurs clients empêche toute autorité, même étatique, à détenir, consulter ou récupérer les informations liées aux missions réalisées par les avocats (nom des clients, nature des prestations réalisées, conclusions retenues par l'avocat, échanges avec les clients, etc.).

 

Depuis quelques années, ce secret professionnel se voit être grappillé au profit de la lutte contre la fraude fiscale. S'il était initialement limité à la seule matière fiscale, cette atteinte va devenir bien plus générale dans les prochaines années : chaque avocat aura l'obligation de transmettre ses factures et les données essentielles permettant de distinguer son client et les missions réalisées.

 

Comment ? Par la voie de la "e-invoicing".

 

Mais la e-facturation ou e-invoicing, qu'est-ce que c'est exactement ?

En quelques mots, c'est l'obligation pour toute entreprise qui vend un bien ou effectue une prestation de services de transmettre à l'administration fiscale ses factures et autres données de facturation.

 

Focus sur la e-facturation et e-reporting

La e-Facturation ou le e-reporting, qu'est-ce que c'est  ?

La e-facturation ou le e-reporting, ce n'est pas juste émettre des factures électroniques et les transmettre ses factures par voie dématérialisée. Non plus seulement le fait de réaliser des factures infalsifiables.

 

Avec la e-facturation et le e-reporting, on va un peu plus loin.

Pour faire simple, le professionnel émettant sa facture devra transmettre (normalement automatiquement) sa facture (e-facturation) ou les données de facturation (e-reporting) directement depuis une plateforme mise à disposition par les services étatiques (a priori, aujourd'hui, la plateforme qui existe déjà pour les opérateurs travaillant avec des organismes publiques).

Dans certains cas, il ne s'agira pas non plus de seulement de transmettre toutes vos factures sur cette plateforme. Non, il faudra compléter votre document en y intégrant différentes informations susceptibles de retracer l'opération exacte (le montant de votre facture et de la TVA facturée, les coordonnées exactes de vos clients, la nature de la prestation réalisée, etc.). C'est dans cette situation que l'on parlera de « e-reporting ».

 

Comme vous allez vous en douter, e-invoicing et e-reporting permettront de reconstituer l’activité économique d’ensemble d’une entreprise. 

 

Si cette solution a un objectif louable, à savoir lutter contre la fraude à la TVA qui s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros chaque année en France, les conséquences d'une telle télétransmission automatique ne sont pas neutres pour les entreprises, qui vont voir leurs obligations déclaratives d'autant plus lourdes.

Envie d'en savoir + ? Découvrez notre article plus général sur la e-facturation et le e-reporting

 

A partir de quand sera-t-elle applicable ?

Les entreprises devront s'adapter à ces nouvelles règles et répondre à leurs obligations de e-reporting et e-invoicing :

1.    A compter du 1er juillet 2024 pour les grandes entreprises
2.    A compter du 1er janvier 2025 pour les établissements de taille intermédiaire (ETI)
3.    A compter du 1er janvier 2026 pour toutes les autres (TPE-PME)

 

La réception des factures électroniques sera, quant à elle, obligatoire à compter du 1er juillet 2024 et ce pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dès lors que leur fournisseur à l’obligation d’émettre des factures électroniques.

 

Quelles sont les opérations concernées par la e-facturation ? 

Seront soumises à l'obligation de e-facturation :

  • les opérations internes en B2B entre opérateurs assujettis

 

Seront soumises à l'obligation de e-reporting

  • Les opérations en B2C
  • Les opérations en B2B à destination d'un opérateur non assujetti à la TVA ou d'un opérateur établi hors de France
  • Les opérations réalisées en B2B par des entreprises étrangères au profit d'un  opérateur situé en France et soumis à TVA.

 

Et si on ne respecte pas ses obligations ?

Les sanctions seront différentes selon les obligations, et notamment :

  • e-invoicing :  amende de 15 € par facture électronique non émise, avec un plafond de 15 000 € par année civile
  • e-reporting :  amende 250 € par transmission de données non effectuée, avec le même plafond de 15 000 € par année civile.

 

En quoi les mesures actuelles sont-elles incompatibles avec  le respect du secret professionnel ?

Le e-invoicing concernera donc les transactions en B2B et le e-reporting les transactions en B2C. Tous les avocats seront donc concernés soit par le e-reporting ou le e-invoicing, soit par les deux, puisqu’ils délivrent des services de conseils juridiques et/ou fiscaux à des clients tant professionnels que particuliers.
 

Or, ne s’agit-il pas là d’une réelle atteinte au secret professionnel, principe fondamental de la profession d’avocat ?

Le secret professionnel est défini par le RIN comme d’ordre public, général, absolu et illimité dans le temps.
 
L’avocat ne peut donc, en application de ce principe, divulguer aucune information concernant son client ou son affaire, sauf « strictes exigences de sa propre défense devant toute juridiction et des cas de déclaration ou de révélation prévues ou autorisées par la loi » (article 2 du RIN).
 
Divulguer des informations sur la nature et le montant des opérations juridiques et/ou fiscales projetées de ses clients professionnels dans le cadre du e-invoicing ou dans le cadre de le e-reporting, contrevient donc tout bonnement à son obligation de respecter le secret professionnel.
 
Que choisir entre respecter son obligation de secret professionnel, sanctionnée tant pénalement, disciplinairement que civilement, ou respecter son obligation de e-facturation, sanctionnée pénalement ? L’avocat se retrouvera dans une situation bien délicate ; situation qui n'a absolument pas été anticipée en amont.
 

Quelle solution pour – essayer – de concilier obligation légale de e-invoicing et de e-reporting et respect du secret professionnel ?

D'abord, il conviendrait d'en appeler à nos instances ordinales ou nationales, pour qu'une mesure de tempérance (voire d'exonération) soit appliquée aux avocats.

 

Toutefois, en attendant une réponse légale adaptée, chers confrères, la première des choses sera de limiter le contenu de vos factures électroniques au strict minimum (adieu le descriptif des diligences accomplies dans vos factures). N'hésitez toutefois pas à doubler cette facture d'un détail des diligences accomplies dans un courrier à votre entête. Celui-ci, tout comme votre convention d'honoraire, n'a pas à être transmis, et vos clients pourront aisément comprendre un peu plus ce qui se cache derrière votre facture.

 

Ceci ne répondra pas à toutes nos obligations, puisqu'il nous est interdit de communiquer le nom de nos clients, quant la législation à venir nous en imposera la communication. Aujourd'hui, la solution simple revenait à "noircir" nos factures en cas de contrôle de nos cabinets. Mais il n'est pas possible de noircir nos factures électroniques d'une part, non plus de se soustraire à l'obligation de e-reporting (transmission des noms et coordonnées de nos clients particuliers ou professionnels non assujettis).

 

Pour en savoir plus en matière de e-facturation, n'hésitez pas à consulter les autres articles réalisés sur le sujet sur notre site internet :

- Article sur le report de la réforme applicable à la facturation électronique

- Article plus général sur la e-facturation et le e-reporting