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Après la diffusion de plusieurs vidéos dénonçant des actes de cruauté envers les animaux dans les abattoirs, le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll souhaite créer un "délit de maltraitance aux animaux", avec "sanctions pénales". Que va changer cette mesure ? Éclairage d'Éric Alligné, Avocat au Barreau de Paris et spécialiste du droit des animaux.

La notion de nécessité prend tout son sens avec l’abattage des animaux. Si pour cette filière, l’abattage reste une nécessité, cet abattage doit être fait sans faire souffrir l’animal. Cela reviendrait à dire qu’il faut "abattre les animaux plus humainement", même si cela n’a pas toujours un sens pour les défenseurs de la cause animale.
En tout état de cause, la méthode d’abattage employée est considérée comme "humaine" si l’animal ne ressent pas de souffrance au moment de sa mise à mort. C’est pourquoi quand des sévices volontaires infligeant des souffrances à l’animal sont constatés dans ces abattoirs, nous sommes bien loin de ce qui devrait être mis en place par cette filière et ses organismes de contrôle.

Mettre en cause les responsables des abattoirs
La maltraitance animale est déjà réprimée par la loi par le Code pénal et le Code rural. De plus, depuis le 1er janvier 2015, l’animal est considéré comme un être vivant et sensible par le Code civil.
Mais actuellement, seuls les actes de cruauté et les sévices graves envers les animaux sont qualifiés de délit et donc réprimés en tant que tel par le Code pénal avec une peine de prison ferme ou avec sursis.
Les actes de "mauvais traitements" ou d’atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l’intégrité d’un animal ne sont réprimés quant à eux qu’à titre contraventionnel, par une amende donc. Le Code rural, quant à lui, réprime plus la maltraitance exercée volontairement ou involontairement par les propriétaires et détenteurs d’animaux domestiques ou autres.
La création d’un "délit de maltraitance aux animaux" permettrait ainsi de mettre directement en cause les responsables ou dirigeants des abattoirs contrevenants. C’est une bonne idée, car il est nécessaire de durcir la répression afin de faire évoluer les mentalités et les pratiques dans cette filière.

Marquer l'opinion publique
Actuellement, il est rare que des peines de prison, avec sursis ou ferme, soient appliquées par les tribunaux pour punir des actes de cruauté envers les animaux. Pourtant, renforcer les sanctions pénales et leur application permettrait de marquer l’opinion publique. Ce serait aussi un moyen efficace d’éduquer les contrevenants passés mais aussi futurs.
Dans le cadre de ce "délit de maltraitance aux animaux", Stéphane Le Foll propose également de former certains salariés des abattoirs, afin qu’ils deviennent des "représentants pour la protection animale" et qu’ils dénoncent ainsi les possibles actes de maltraitance constatés sur leur lieu de travail.
Si ces salariés sont protégés légalement et que cette protection leur permet de porter plainte auprès des autorités (directions départementales de la protection des populations, police ou gendarmerie), il s’agirait là encore d’une idée judicieuse.

Vers un assainissement du secteur de l'abattage
Depuis des années, le contrôle des abattoirs français laisse quelque peu à désirer. La création d’un "délit de maltraitance aux animaux" permettrait un contrôle plus systématique de ces établissements et entraînerait, à terme, un assainissement du secteur de l'abattage.
Il faut simplement espérer que les déclarations du Ministre de l’Agriculture ne soient pas aujourd’hui qu’un simple effet d’annonce gouvernemental. Si elles se trouvent suivies d’actions pratiques sur le terrain, elles pourraient réellement faire évoluer le droit de l’animal dans cette filière.

Propos recueillis par Anaïs Chabalier.