Alors que les vidéos chocs montrant les sévices infligés aux animaux dans certains abattoirs ne cessent de se multiplier sur Internet, l’heure est venue de faire un point sur les progrès faits ces dernières années sur la question du bien-être animal. A l’occasion de la Journée mondiale des animaux, ce mardi, Eric Alligné, avocat spécialisé en droit de la protection animale, a
répondu aux questions de FranceSoir [1].

Ce mardi 3 est la Journée mondiale des animaux, l’occasion de revenir sur les avancées faites sur la question du bien-être animal ces deux dernières années. Spécialisé en droit de la protection animale, l’avocat Eric Alligné a répondu aux questions de FranceSoir. Pour lui, il n’y a aucun doute : les droits des animaux ont progressé. Toutefois, il reste beaucoup à faire dans l’agroalimentaire et les abattoirs.
D’un point de vue juridique, la question du bien-être animal a-t-elle avancé ces deux dernières années ?

Quels sont les domaines où la France a stagné ?
« Au 1er janvier 2015, le Code civil a changé le statut des animaux. Ils sont passés d’un statut de chose, de meuble, à un statut d’être vivant doué de sensibilité. C’est une grande avancée, un grand changement qui a eu lieu dans certains autres pays. Mais pour une fois, nous ne sommes pas les derniers.

Aussi, dans un arrêt du 9 décembre 2015, la Cour de cassation estime que l’animal est un être vivant unique et irremplaçable. Par exemple, si vous avez chez vous un chien qui est membre de la famille, que vous l’avez depuis un certain nombre d’années, vous ne pouvez pas l’échanger comme une simple marchandise. C’est un animal de compagnie destiné à recevoir l’affection de son maître, sans aucune vocation économique.


Il y a eu des avancées majeures du point de vue légal et juridique. Toutefois, nous avons un problème au niveau des abattoirs, de l’agroalimentaire. L’industrie de l’abattage reste un peu sur des vieux standards. Nous avons une tension très forte entre ce nouveau statut légal où il faudrait que les animaux soient traités d’une autre manière et ces problèmes, mis en avant par plusieurs associations. Dans certains cas, les protocoles ne sont pas respectés. Nous avons des situations dramatiques dans certains abattoirs.
L’animal n’est plus juridiquement ce qu’il était. Il y a donc quelque chose à faire. »


Pour Olivier Falorni (le président de la Commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage des animaux, NDLR), il faudrait imaginer une « constitutionnalisation des droits des animaux ». Qu’en pensez-vous ? « C’est un vieux débat. Je crois que l’on y arrive étape par étape. Au fond, nous devons arriver sur un statut de l’animal qui n’est pas un statut de personne humaine mais qui n’est pas non plus un statut de chose. Concrètement, il s’agit d’un statut à part. Nous avons une avancée législative et juridique qui va dans ce sens là. A partir du moment où on l’aura, on ne pourra plus traiter les animaux comme on les traite actuellement. Il va y avoir un réel changement. C’est un statut qui va arriver, qui va sans doute être
fait de manière internationale ou en concertation avec les États.

En tout cas, il y a une réelle prise de conscience de la population française. Il y a une volonté d’aller vers quelque chose de mieux avec l’animal. Je le vois au niveau de ma clientèle, au niveau des cas que je traite tous les jours dans mon cabinet. »


La France a-t-elle pris du retard sur ses voisins européens ?
« Il y a des points positifs et négatifs. La France n’est pas si en retard que ça. C’est plus une question de mentalité qu’une question d’outil. En France, nous avons dans le Code pénal, dans le Code rural et même dans le Code civil, beaucoup d’outils qui nous permettraient de traiter très décemment nos animaux. Or le problème, c’est que nous avons des mentalités qui n’ont pas encore suffisamment évoluées. Il faut éduquer ce pays pour aller vers un mieux au niveau de l’animal. Au fond, nous avons mis en place tous les outils qu’il faut pour que l’animal soit traité décemment. Nous ne sommes pas en retard mais parallèlement, nous avons
des scandales qui sont terribles. Ces affaires sont parfois héritées du Moyen Âge. »

Avez-vous un mot à faire passer en cette Journée mondiale des animaux ?
« Nous sommes tous concernés par ce problème des animaux. Nous sommes tous sur la même planète, sur le même biotope. Je pense qu’au fond, si nous faisons évoluer le statut de l’animal, si nous traitons les animaux d’une manière différente, je pense quenous traiterons la société et les personnes qui la composent d’une manière différente. Ce que l’on peut dire en cette Journée mondiale des animaux c’est : ’traitons bien nos animaux pour mieux traiter notre prochain’ »
Propos recueillis par Amandine Zirah.