Dans son exercice professionnel, le praticien hospitalier peut être mis en cause dans le cadre d’une procédure disciplinaire engagée à son encontre dès lors qu’il a commis un ou plusieurs manquements à ses obligations professionnelles constitutifs d’une faute, et ce, indépendamment de poursuites ordinales [1] ou pénales dont il pourrait parallèlement faire l’objet pour les mêmes faits.

 

Toutefois, la sanction disciplinaire éventuellement infligée à un praticien hospitalier fait l’objet d’un contrôle attentif du juge administratif comme le montre un récent arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 26 octobre 2017 [2] qui donne l’occasion de revenir sur la procédure disciplinaire qui s’applique aux praticiens hospitaliers.

 

A titre liminaire, il n’est pas inutile de rappeler que ce pouvoir de sanction appartient au Directeur général du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière (C.N.G.) [3]. Auparavant, ce pouvoir était exercé directement par le ministre chargé de la santé. Les sanctions prises peuvent aller du simple avertissement à la révocation pure et simple du corps des praticiens hospitaliers. En tout état de cause, les sanctions pouvant être infligées sont limitativement énumérées par les textes.

 

Les plus faibles d’entre elles ne nécessitent toutefois pas la saisine préalable pour avis du conseil de discipline [4]. Néanmoins, lorsque l’avertissement ou le blâme est envisagé, le Directeur général du C.N.G. devra, préalablement à toute décision de sanction, recueillir l’avis du directeur de l’agence régional de santé, du directeur d’établissement et de la commission médicale d’établissement siégeant en formation restreinte aux praticiens titulaires, cette dernière ayant deux mois à compter de sa convocation pour rendre son avis. Le praticien se verra communiquer l’intégralité de son dossier.

 

Lorsqu’une autre sanction plus grave est envisagée, le Directeur général du C.N.G. doit saisir le conseil de discipline pour avis et le praticien concerné doit être avisé de la séance du conseil au moins deux mois avant la date prévue [5] . En tout état de cause, le conseil de discipline devra se prononcer dans le délai de quatre mois, en principe [6], suivant sa saisine [7]. Toutefois, le non-respect de ce délai n’entache pas d’illégalité la sanction disciplinaire finalement prise à l’encontre du praticien [8] .

 

Le conseil de discipline est présidé par un conseiller d’État et comprend, président inclus, treize membres dont six sont des représentants des praticiens hospitaliers titulaires à temps plein et à temps partiel [9]. Devant le conseil de discipline, le praticien mis en cause pourra être assisté du défenseur de son choix, faire citer des témoins et présenter des observations écrites et orales [10] lesquelles doivent être communiquées aux membres du conseil de discipline [11].

 

Un rapporteur qui n’est pas membre du conseil de discipline est nommé par le président [12]. Il a été jugé récemment que le rapporteur peut exprimer au conseil de discipline son opinion quant à l’opportunité de prononcer une sanction à l’encontre d’un praticien hospitalier et sur le caractère adapté de la sanction au regard des faits dès lors que son impartialité n’est pas remise en cause [13]. Le rapporteur établira un rapport écrit qu’il présentera au conseil de discipline mais il ne prendra pas part au vote, sa voix n’étant que consultative [14].

 

Il a été jugé que la présence du directeur d’un centre hospitalier lors du délibéré entache d’illégalité la sanction prise in fine [15].

 

En tout état de cause, pour être adopté par le conseil de discipline, la sanction doit recueillir la majorité absolue des membres du conseil de discipline présents [16]. L’avis sera transmis au Directeur général du C.N.G. pour qu’il prenne sa décision qui devra être motivée.

 

En cas de sanction, le praticien hospitalier pourra saisir le tribunal administratif compétent pour contester la décision prise à son encontre soit parce qu’il estime n’avoir commis aucun manquement caractérisant une faute soit parce qu’il estime que la sanction est disproportionnée au regard de la faute commise.

 

Il est important de souligner que, durant la procédure disciplinaire et pour une durée maximale de six mois [17] en principe, le praticien hospitalier peut faire l’objet d’une décision de suspension de ses fonctions par le Directeur général du C.N.G. Cette mesure ne revêt toutefois pas le caractère d’une sanction disciplinaire comme le rappelle régulièrement la juridiction administrative [18]. A cet égard, il n’est pas inutile de rappeler que le directeur d’un centre hospitalier dispose également du pouvoir de suspendre un praticien hospitalier de ses activités cliniques et thérapeutiques dès lors que son comportement nuit gravement au fonctionnement du service et met en danger la sécurité des patients [19].

 

Par ailleurs, les praticiens hospitaliers professeurs des universités (PU-PH) qui sont soumis à un statut propre et distinct de celui des praticiens hospitaliers [20], la procédure disciplinaire est différente puisqu’ils relèvent d’une juridiction disciplinaire nationale présidée par un conseiller d’État ou un professeur de l’enseignement supérieur [21] [22]. Les sanctions disciplinaires encourues sont également quelque peu différentes [23]. Comme les praticiens hospitaliers, ils peuvent également être suspendus durant la procédure disciplinaire [24] ce qui implique que la suspension ne puisse être que temporaire [25].

 

Jusqu’à un revirement de jurisprudence il y a quelques années, le juge administratif effectuait un contrôle restreint de la sanction infligée à un praticien hospitalier en n’annulant une sanction disciplinaire qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation commise par le Directeur général du C.N.G [26]. Cette jurisprudence était conforme à celle qui était appliquée à l’ensemble des agents publics [27]. En 2013, dans un important arrêt, le Conseil d’État a mis fin à cette jurisprudence en décidant de contrôler la proportionnalité de la sanction disciplinaire infligée au regard des faits reprochés à un agent public [28] .

 

L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy du 26 octobre 2017 fait précisément application de cette jurisprudence aux praticiens hospitaliers qui ne sont, rappelons-le, certes pas des fonctionnaires mais bien des agents publics. Le Conseil d’État n’avait pas manqué de le rappeler à l’occasion du contentieux relatif à l’éligibilité des praticiens hospitaliers à l’exonération des rémunérations issues de l’accomplissement de temps de travail additionnel [29] .

 

Ainsi, la cour administrative d’appel de Nancy rappelle qu’ « il incombe à l’autorité investie du pouvoir disciplinaire d’apporter la preuve qui lui incombe de l’exactitude matérielle des griefs sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes ».

 

L’affaire concernait le service de chirurgie cardiaque du Centre hospitalier régional (C.H.R.) de Metz-Thionville. Un rapport de l’Agence régionale de santé du 11 octobre 2010 avait conclu à des dysfonctionnements graves au sein de ce service et la Directrice générale du C.N.G. avait décidé le 7 juin 2011 à titre de sanction de révoquer le praticien hospitalier chef de service qui avait été considéré comme l’auteur de manquements en se fondant sur une mortalité péri-opératoire élevée. Ce praticien avait, avant cette décision de sanction, fait l’objet d’une décision de suspension conservatoire par la Directrice du C.N.G. le 2 novembre 2010 et contre laquelle il avait introduit un recours en annulation devant la juridiction administrative qui avait été rejeté [30].

 

Dans son arrêt du 26 octobre 2017, la Cour a estimé que l’un des manquements à ses obligations professionnelles, à savoir le fait pour le praticien hospitalier en cause de ne pas tenir compte pour chacun de ses patients des avantages, inconvénients et conséquences en privilégiant une option opératoire, était établi et constituait bien une faute disciplinaire.

 

Toutefois, dans l’exercice de son contrôle de proportionnalité, les magistrats de Nancy ont estimé que la sanction disciplinaire de révocation du corps des praticiens hospitaliers était disproportionnée au vu du manquement reproché au praticien hospitalier poursuivi. La Cour a donc annulé cette sanction.

 

Cette décision doit être saluée car elle oblige la Directrice générale du C.N.G. dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, en particulier lorsqu’elle doit apprécier des manquements commis par un praticien hospitalier à ses obligations professionnelles, à veiller à infliger une sanction proportionnée au vu des seuls manquements réellement établis.

 

Notes

[1] Article L4123-2 du Code de la santé publique

[2] Cour administrative d’appel de Nancy, 26 octobre 2017, n°17NC00853

[3] Article 2 8° du décret n°2007-704 du 4 mai 2007, organisme créé le 1er mai 2007

[4] Article R6152-74 du code de la santé publique

[5] Article R6152-75 du code de la santé publique

[6] En cas d’enquête complémentaire ordonnée par le conseil de discipline, ce délai est porté à six mois. En cas de poursuites pénales, le conseil de discipline peut sursoir à statuer jusqu’à la décision de la juridiction pénale.

[7] Article R6152-76 du Code de la santé publique

[8] Cour administrative d’appel de Bordeaux, 14 novembre 2008, n°06BX02521

[9] Article R6152-318 du Code de la santé publique

[10] Article R6152-75 du Code de la santé publique

[11] Le droit pour un praticien hospitalier de présenter des observations notamment écrites au conseil de discipline constitue un principe général des droits de la défense et constitue une garantie substantielle dont le non-respect entache d’illégalité la sanction prise par le Directeur général du C.N.G. : Cour administrative d’appel de Marseille, 8 décembre 2015, n°13MA05034

[12] Article R6152-313 du Code de la santé publique. Le rapporteur est choisi parmi les membres ou anciens membres de l’Inspection générale des affaires sociales, les docteurs en médecine n’appartenant pas au conseil de discipline soit parmi les médecins ou pharmaciens exerçant dans une agence régionale de santé autre que celle dont dépend le praticien hospitalier concerné.

[13] Conseil d’Etat, 31 mars 2017, n°388099, T. Leb. : « ces dispositions relatives à la procédure disciplinaire ne font pas obstacle à ce que le rapporteur auprès du conseil de discipline exprime, tant dans son rapport ou dans les observations qu’il formule verbalement en présence du praticien poursuivi et de son défenseur qu’au cours de la délibération du conseil, une appréciation sur les éléments que l’instruction a permis de dégager ; qu’ainsi, dès lors que le rapporteur n’a pas manifesté envers l’intéressé une animosité particulière révélant un défaut d’impartialité, la circonstance qu’il a fait état de son opinion sur l’opportunité de prononcer une sanction et, le cas échéant, sur la sanction qui lui paraissait adaptée aux faits n’est pas de nature à entacher d’irrégularité l’avis du conseil de discipline »

[14] Article R6152-314 du Code de la santé publique

[15] Cour administrative d’appel de Paris, 25 juin 1998, n°95PA03848

[16] Article R6152-315 du code de la santé publique

[17] Article R6152-77 du Code de la santé publique, sauf poursuites pénales

[18] Voir, par exemple, Cour administrative d’appel de Nancy, 18 décembre 2014, n°13NC01483

[19] La jurisprudence estime que le directeur du centre hospitalier tient cette prérogative de l’article L6143-7 du Code de la santé publique ; voir, Conseil d’Etat, 6 mars 2006, Centre hospitalier d’Alès, n°261517 ; Cour administrative d’appel de Marseille, 1er octobre 2013, n°12MA02273

[20] Décret n°84-135 du 24 février 1984

[21] Article L952-22 du Code de l’éducation

[22] Décret n°86-1053 du 18 septembre 1986

[23] Article 19 du décret du 24 février 1984

[24] Article 25 du décret du 24 février 1984

[25] Conseil d’État, Section, 16 avril 2008, n°286585

[26] Voir, par exemple, Conseil d’État, 30 décembre 2011, n°342576 ; Cour administrative d’appel de Marseille, 5 avril 2011, n°08MA02517

[27] Conseil d’État, Section, 9 juin 1978, Lebon, n°05911, Leb. p. 245

[28] Conseil d’État, Assemblée, 13 novembre 2013, n°347704, Leb. : « Considérant qu’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes  »

[29] Conseil d’État, 2 février 2015, n°373259 : « Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l’exonération de l’impôt sur le revenu s’appliquait à l’ensemble des agents publics titulaires ou non titulaires ; que, les praticiens hospitaliers à temps plein ou à temps partiel qui ont la qualité d’agent public, entraient donc dans le champ de cette exonération de l’impôt sur le revenu, alors même qu’ils ne sont pas régis par la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière  »

[30] Jugement du tribunal administratif de Strasbourg, 3 juin 2013, n°1100219 confirmé par Cour administrative d’appel de Nancy, 18 décembre 2014, précité

 

 

03/01/2018