L’enregistrement des paroles à l’insu d’une personne constitue un moyen de preuve illicite pénalement répréhensible

L’article 9 du Code de Procédure Civile dispose: « Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention »; il s’en déduit la prohibition des stratagèmes, des mode de contrôle à l’insu des personnes non-informées de l’existence du moyen de contrôle ou d’enregistrement sonore ou visuel.

La loyauté des débats invite les parties, en matière civile, à ne produire que des enregistrements réalisés avec le consentement de l’auteur des propos : en conséquence tout enregistrement, quels qu’en en soient les motifs et supports, d’images ou de paroles saisis à l’insu d’une personne constitue un mode de preuve illicite.

Cour d’appel, Nîmes, Chambre sociale, 18 Avril 2017 – n° 15/03079

Les dispositions des articles 226-1 et 226-2 du code pénal érigent en délit toute atteinte volontaire, au moyen d’un procédé quelconque, à l’intimité de la vie privée d’autrui, notamment par l’enregistrement et la conservation, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, ainsi que les dispositions des articles 8-1. de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil, dont il résulte que toute personne, quelle que soit sa notoriété, sa position sociale ou la nature de ses fonctions, a droit au respect de sa vie privée.

Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 2, 3 Juillet 2014 – n° 14/05704

L’article 226-1 du code pénal dispose qu’est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée, en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel.

L’article 226-2 du même code précise qu’est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1

Enregistrement vocal par le salarié d’une réunion à l’insu des personnes présentes

Pour justifier du bien-fondé de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, Frédéric T. produit aux débats un CD-ROM, et sa retranscription effectuée par huissier, reprenant « l’enregistrement vocal de la réunion du CHSCT du 8 juin 2016, dans les locaux de la SA L., au

[…] ».

 

Si, comme le soutient Frédéric T., en matière sociale, la preuve est libre, encore faut-il, par application des dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, que cette preuve soit obtenue loyalement. S’agissant d’un enregistrement, qu’il soit téléphonique ou visuel, produit en justice, cette loyauté impose qu’il ne soit pas obtenu à l’insu de la partie à laquelle il est opposé comme mode de preuve. En l’espèce, Frédéric T. n’établit pas qu’il avait avisé les autres membres du CHSCT et le représentant légal de l’entreprise que cette réunion allait être enregistrée.

Par application des dispositions de l’article 9 précité, le CD-ROM et sa retranscription, produits aux débats à hauteur d’appel par Frédéric T. doivent en être écartés, comme constituant un moyen de preuve irrecevable. Seront de même écartés, dans les conclusions transmises par la partie appelante, les développements y afférent.

Cour d’appel, Nancy, Chambre sociale, 26 Avril 2017 – n° 15/03179

H. demande que soit produite aux débats la transcription opérée par un huissier de justice, de l’enregistrement d’une conversation qui a eu lieu entre M. C. et lui-même à l’occasion d’une réunion qui s’est tenue le 1er octobre 2009 entre les représentants de la société et ceux de la société Microsoft.

La SAS O. s’oppose à cette production en faisant valoir que l’enregistrement effectué à l’insu de son employeur constitue un procédé déloyal rendant irrecevable la preuve ainsi obtenue.

Une telle preuve n’est pas conforme à l’égalité des armes entre les parties et aux règles d’un procès équitable. Elle viole ainsi les dispositions de l’article 9 du code civil et celles de l’article 6al1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme.

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile’ il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention’.

Il en résulte que seules peuvent avoir valeur de preuve, les documents obtenus par des moyens légalement admissibles.

L’enregistrement de propos effectué à l’insu de leur auteur constitue un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue.

Il convient dés lors d’écarter des débats le constat d’huissier établi à partir de l’enregistrement des propos de M. C. Directeur de l’Industrialisation de la société T., recueillis à l’insu de celui-ci.

Cour d’appel, Orléans, Chambre sociale, 24 Novembre 2016 – n° 15/03146

Il n’est pas discuté que les enregistrements litigieux ont été effectués par Monsieur Adrien V., pendant le temps et sur les lieux du travail, à l’insu des autres personnes dont les paroles ont été enregistrées, et au moyen d’un appareil dissimulé.

S’agissant de la portée de l’article 9 du code civil, celle-ci ne se limite pas à la teneur des propos enregistrés mais vise à protéger les personnes contre toute immixtion dans leur vie privée caractérisée par la mise en œuvre de procédés tendant à les épier, les surveiller et à recueillir à leur insu des propos ou paroles destinées à être utilisés à leur encontre.

Il relève en outre incontestablement du procès équitable et du principe d’égalité des armes que les preuves susceptibles d’être produites devant un juge soient recueillies loyalement, l’enregistrement d’une conversation réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constituant un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve.

S’il est vrai que tout droit comporte nécessairement des limites, et qu’il y a lieu d’arbitrer lorsque différents droits entrent en conflit (ici le respect de la vie privée et les besoins de la défense) c’est cependant en vain que Monsieur Adrien V. fait valoir qu’en l’espèce, l’enregistrement litigieux serait légitimé par les fins poursuivies, sa situation particulière, et la faculté pour la partie à laquelle cet élément de preuve est opposé, d’en débattre contradictoirement dans le cadre de la procédure judiciaire.

Il importe en effet de constater que Monsieur Adrien V. qui n’était pas isolé dans l’entreprise et prétendait subir les agissements de son supérieur depuis plusieurs mois disposait d’autres moyens de preuve – tels que plainte pénale, attestations de collègues de travail, communication de courriels… – pour établir les faits dont il se prétendait victime. En l’occurrence cette possibilité était d’autant plus établie que selon Monsieur Adrien V. plusieurs salariés auraient quitté l’entreprise dans une période contemporaine de celle de son propre départ de l’entreprise, en sorte que ces personnes ne se trouvaient plus soumises à l’autorité hiérarchique et donc aux pressions éventuelles de l’employeur.

Ainsi Monsieur Adrien V. ne démontre pas que le mode de preuve litigieux était le seul dont il disposait pour établir les faits dont dépendaient ses droits. Il n’établit pas non plus qu’il avait été contraint d’y recourir en raison du comportement de la partie adverse.

Dès lors, conformément à la demande de la SCA C, et par application des articles 9 du code civil et du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales , il y a lieu d’écarter des débats les pièces 35-1 à 35-4 de Monsieur Adrien V..

Cour d’appel, Pau, Chambre sociale, 10 Mars 2016 – n° 13/03689

Enregistrement par le salarié d’une conversation téléphonique à l’insu de son employeur

L’article 9 du code de procédure civile précise qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits qui sont nécessaires à ses prétentions.

L’enregistrement d’une communication téléphonique par une partie à l’insu de l’auteur des propos tenus n’est pas un procédé de preuve régulièrement recueilli et constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve.

Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 4, 13 Avril 2016 – n° 14/23927

La retranscription d’un enregistrement téléphonique sans l’accord de la personne enregistrée est un moyen de preuve est illicite qui doit être écartée des débats.

Cour d’appel, Angers, Chambre sociale, 28 Avril 2015 – n° 13/00188

Le moyen de preuve qui consiste à enregistrer des propos à l’insu de la personne qui les tient est illicite, la pièce produite n’a aucune valeur probante, dès lors qu’il n’est pas possible d’authentifier la voix de la personne enregistrée.

Cour d’appel, Grenoble, Chambre sociale, 2 Juillet 2013 – n° 11/02338

La retranscription d’un enregistrement téléphonique sur une clef USB, lequel fut réalisé par une salariée, à l’insu de l’interlocuteur dont elle affirme qu’il était son employeur, constitue une preuve illicite à l’égard de ce dernier.

Cour d’appel, Nîmes, Chambre sociale, 22 Février 2011 – n° 09/04773

 

Enregistrement par l’employeur d’une conversation téléphonique à l’insu du salarié

Il résulte des dispositions des articles L2323-32 et L1222-4 du code du travail que la mise en œuvre de moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité du salarié doit obligatoirement être précédé d’une consultation du comité d’entreprise et avoir été préalablement porté à la connaissance du salarié.

La loi du 6 janvier 1978 exige, en cas de mise en place d’un dispositif d’écoute et d’enregistrement d’appels téléphoniques, une déclaration préalable auprès de la CNIL.

Il en découle que tout enregistrement réalisé au mépris de ces exigences légales doit être considéré comme ayant été réalisé à l’insu de son correspondant et constitue dès lors un procédé déloyal rendant la preuve ainsi obtenue irrecevable en justice.

 Cour d’appel, Paris, Pôle 6, chambre 6, 24 Février 2016 – n° 15/06909

 

Enregistrement par l’employeur de paroles à l’insu du salarié

Si un employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite.

Cour d’appel, Grenoble, Chambre sociale, section A, 1er Mars 2016 – n° 14/02916

Tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles, à l’insu des salariés, est illicite et ne peut d’ailleurs servir de moyen de preuve.

Cour d’appel, Toulouse, 4e chambre sociale, 2e section, 18 Septembre 2015 – n° 13/03166

Si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant leur temps de travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite

Cour d’appel, Colmar, Chambre sociale, 15 Septembre 2015 – n° 13/04872

Aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. A cet égard, si l’employeur a la droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles, à leur insu, constitue un mode de preuve illicite.

Une clé USB sur laquelle ont été enregistrés et filmés les séquences de l’altercation intervenue entre deux salariés. Ce mode de preuve doit être déclaré irrecevable, l’employeur ne rapportant pas concomitamment la preuve d’avoir informé ses salariés de l’existence du dispositif d’enregistrement de leurs activités au sein de l’entreprise.

Cour d’appel, Basse-Terre, Chambre sociale, 13 Juin 2016 – n° 15/00048

 

Enregistrement des paroles laissées par un salarié ou un employeur sur un répondeur téléphonique

 L’enregistrement téléphonique d’un appel téléphonique privé, par un système d’enregistrement d’un téléphone portable et dont l’auteur laisse volontairement son message après l’annonce selon laquelle la ligne appelée n’est pas disponible pour le moment, ne se fait pas à l’insu de l’auteur mais au contraire, à son initiative et selon sa seule volonté, de sorte que sa transcription par un huissier de justice constitue un moyen de preuve licite, peu important que la transcription dont il s’agit n’ait pas été faite en la présence de l’auteur.

Cour d’appel, Toulouse, 4e chambre sociale, 2e section, 21 Décembre 2012 – n° 11/01615

L’enregistrement téléphonique d’un appel téléphonique privé par un système d’enregistrement d’un téléphone portable, et dont l’auteur volontairement laisse son message après l’annonce que la ligne appelée n’est pas disponible pour le moment, ne se fait pas à l’insu de l’auteur, mais bien au contraire, à son initiative, selon sa seule volonté.

Ainsi donc sa transcription par un huissier de justice constitue un moyen de preuve licite.

Cour d’appel, Angers, Chambre sociale, 9 Septembre 2008 – n° 07/02017

 

Éric ROCHEBLAVE Avocat au Barreau de Montpellier Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale http://www.rocheblave.com

Consultations par téléphone http://www.rocheblave.fr

L’Actualité du Droit du Travail et du Droit de la Sécurité Sociale http://www.droit-du-travail.org