Aux termes d'un arrêt du 22 janvier 2020, la chambre criminelle de la Cour de Cassation estime que l’héritier de la victime d’un abus de faiblesse peut se constituer partie civile à raison de cette infraction dès lors qu’il est en mesure de se prévaloir d’un préjudice personnel et direct.
Elle reconnaît ainsi l'existence d'une reconnaissance des délits d’abus de faiblesse et d’abus de confiance même si les parents, victimes des actes délictueux, sont décédés et n’ont pas porté plainte de leur vivant.
Elle estime cependant que l'héritier plaignant doit être en mesure de faire valoir un préjudice direct (l’atteinte à ses droits d’héritier).
Les faits de l'espèce étaient les suivants:
« M. G… B…, fils des époux B… décédés, après avoir déposé une plainte classée sans suite par le procureur de la République, a porté plainte et s’est constitué partie civile le 11 septembre 2012 du chef d’abus de faiblesse et d’abus de confiance auprès du juge d’instruction, en faisant valoir que son père, affaibli physiquement et moralement dans les dernières années de sa vie par la maladie de sa mère, qui souffrait du syndrome d’Alzheimer, avait été victime des agissements de son frère, M. F… B…, qui, profitant d’une procuration générale, s’était immiscé dans les affaires de ses parents pour vendre à un prix inférieur à celui du marché leur galerie d’art, des statuettes et objets d’art premier, disperser leurs avoirs financiers et obtenir une partie importante de leur patrimoine ; qu’après réquisitions de non-lieu prises ab initio par le ministère public, le juge d’instruction a procédé à la mesure d’information ; qu’à son terme, il a prononcé le 25 août 2017 une ordonnance de non-lieu, estimant que les faits dénoncés n’apparaissaient pas caractérisés ; que sur l’appel de la partie civile, la chambre de l’instruction a, par arrêt du 5 juin 2018, invité les parties à faire valoir toute observation utile sur la recevabilité de la constitution de partie civile de M. G… B…, en considérant que celui-ci n’était que l’héritier des victimes désignées par la plainte et que le ministère public n’avait pas requis la mise en mouvement de l’action publique ; qu’un mémoire a été produit par la partie civile soutenant la recevabilité de la constitution de partie civile ; »
La chambre de l'instruction a déclaré , à l'issue des débats, l'action de l'héritier irrecevable estimant que les délits d'abus de faiblesse et d'abus de confiance dont il est fait état n'ont pu causer un préjudice personnel et direct qu'aux propriétaires des biens prétendument détournés.
L'héritier se pourvoit en cassation qui casse l'arrêt de la chambre de l'instruction estimant que celle-ci a méconnu les textes la partie civile ayant invoqué, dans sa constitution de partie civile et dans les mémoires déposés devant la chambre de l’instruction, un préjudice personnel et direct, résultant des infractions dénoncées et des agissements de son frère.
Cet arrêt qui se prononce à l'encontre de l'ancienne position de la chambre criminelle en cette matière doit être vu comme l'amorce d'un probable changement dans les litiges successoraux lorsqu’une procuration ou un testament causent à un héritier un préjudice majeur, soit en l’exhérédant (totalement ou partiellement), soit en faisant « disparaître » des sommes importantes du patrimoine du défunt.
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