LA PRIME DE RESTRUCTURATION ET SES INDEMNITES ASSOCIEES

Note sous jugement rendu par Tribunal administratif de Bordeaux n°1701962 du 1er avril 2019

Mme P., secrétaire administrative du Ministère de la défense, s’est estimée privée à tort du bénéfice du plan d’accompagnement restructuration (PAR) et des indemnités qui y sont attachées. Dans le cas d’espèce le refus de l’administration a été considéré comme fautif par le Tribunal administratif de Bordeaux au regard de la restructuration de son service l’ayant écartée de son poste. L’administration a ainsi été condamnée à lui verser plus de 30 000 euros au titre de la prime de restructuration de service avec intérêt au taux légal et capitalisation de ceux-ci, du complément spécifique de restructuration, de l’aide financière à la location, du préjudice moral subi et des frais de justice engagés. C’est la première fois qu’est accordé à un agent des armées le bénéfice du plan d’accompagnement des restructurations contre l'avis du Ministère et du rapporteur public.

Mme P., secrétaire administrative de classe normale du ministère de la défense exerçait ses fonctions au groupement de soutien de la base de défense dans le centre de la France.

 

Son service a fait l’objet d’une restructuration par arrêté ministériel.

 

A la suite de dissensions avec une de ses collègues, elle a demandé à être affectée à compter du 1er octobre 2015, au groupement de soutien d’une base de défense située dans une autre Région.

 

Sa hiérarchie a accepté mais lui a refusé dans le même temps le bénéfice de la prime liée au plan d’accompagnement restructuration (PAR) et des indemnités qui y sont attachées.

 

Cet arrêté a été annulé pour défaut de motivation par un jugement du 12 mai 2016 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la mutation de Mme P. a été finalement prononcée par arrêté du 6 septembre 2016 sans pour autant qu’elle puisse bénéficier du PAR.

 

S’estimant de nouveau privée à tort, du bénéfice du PAR et des indemnités qui y sont attachées, elle a sollicité l’indemnisation de son préjudice résultant de l’absence de versement des indemnités liées à sa mutation.

 

Sa demande ayant été implicitement rejetée, Mme P. a demandé au Tribunal administratif de son nouveau lieu affectation de condamner l’Etat à lui verser la prime de restructuration et les indemnités qui y sont attachées, ainsi qu’une indemnisation du préjudice moral et remboursement de ses frais de justice pour faire valoir sa cause avec l’assistance d’un avocat obligatoire.

 

L’article 1er du décret du 17 avril 2008 instituant une prime de restructuration de service et une allocation d’aide à la mobilité du conjoint dispose que :

« En cas de restructuration d'une administration de l'Etat, (…) une prime de restructuration de service peut être versée (…) aux fonctionnaires (…). Les opérations de restructuration de service ouvrant droit à la prime sont fixées par arrêté ministériel, pris après avis des comités techniques compétents. Cette prime peut, le cas échéant, être complétée par une allocation d'aide à la mobilité du conjoint. ».

 

Un décret du 30 mai 1997 modifié avait également prévu un complément spécifique de restructuration en faveur de certains agents du ministère de la défense.

 

En cas de restructuration d’un service, le ministre de la défense fixe par arrêté les bases de défense au sein desquelles les opérations de restructuration ou de réorganisation de service ouvrent droit à la prime de restructuration de service, à l’allocation d’aide à la mobilité du conjoint et au complément spécifique de restructuration.

 

Dans notre affaire un arrêté du 4 décembre 2014 a inclus la base de défense d’origine de la requérante comme base où peut s’appliquer la prime de restructuration de service et des indemnités qui y sont attachées.

Le Ministère a conclu en défense au rejet de la requête au motif que l'attribution de la prime de restructuration de service est exclue dans l'hypothèse où le poste occupé par l’agent n’est pas supprimé. Selon le ministère seuls les agents occupant un emploi supprimé dans le cadre des opérations de restructuration peuvent bénéficier des primes.

 

Le rapporteur public a conclu pour sa part au rejet de la requête au motif que l’arrêté ministériel qui précise le décret permet à l’autorité administrative de préciser les conditions de l’octroi de la prime par arrêté.

 

Selon lui, l’attribution des primes n’est pas automatique mais laissée à l’appréciation de l’autorité administrative qui pouvait fort bien en limiter l’octroi aux seules hypothèses dans lesquelles le déplacement de l’agent permet l’économie à laquelle tend l’opération de restructuration.  C’est selon lui toujours en ce sens que s’est prononcée la seule juridiction administrative d’appel qui a eu à connaître de la question : CAA Marseille N° 14MA01788 22 décembre 2015.

 

Or, le Tribunal n’a pas interprété en ce sens les textes et a correctement fait droit à la requérante.

 

Le Tribunal juge que la prime de restructuration de service et le complément spécifique de restructuration sont attribués aux agents qui font l’objet d’une mutation ou d’un déplacement dans le cadre d’une opération de restructuration y ouvrant droit, sous réserve, dans l’hypothèse où ils ont formulé une demande, que celle-ci soit intervenue alors que l’opération de restructuration était déjà prévue par arrêté ministériel.

 

Aucune disposition du décret du 17 avril 2008, ni du décret du 30 mai 1997 ne subordonne l’octroi des primes qu’ils instituent à une condition autre que l’inscription sur la liste fixée par arrêté ministériel, notamment à une condition de suppression des emplois occupés par les agents qui les demandent ou à la condition que la réorganisation du service dans lequel travaillent ces agents se traduise par des suppressions d’emplois nettes.  

 

La prime de restructuration de service et le complément spécifique de restructuration sont ainsi attribués aux agents qui font l’objet d’une mutation ou d’un déplacement dans le cadre d’une opération de restructuration y ouvrant droit, sous réserve, dans l’hypothèse où ils ont formulé une demande, que celle-ci soit intervenue alors que l’opération de restructuration était déjà prévue par arrêté ministériel.

 

Dès lors, la décision refusant à un agent qui a présenté sa demande de mutation, dans le cadre d’une opération de restructuration et après qu’elle ait été prévue par arrêté ministériel, le bénéfice de la prime de restructuration de service et le complément spécifique de restructuration, est illégale. L’agent est, par suite fondée, à demander la réparation de cette illégalité fautive.

 

Le Tribunal a donc condamné l’Etat au paiement de plus de 30 000 euros tous postes de préjudices confondus, préjudice moral compris.

 

Une première en France.