La Cour fédérale de Justice a récemment eu l’occasion de rappeler les importantes différences subsistant entre la France et l’Allemagne dans le traitement des affaires familiales et en particulier s’agissant de l’audition des mineurs dans les procédures les concernant.

Par une décision du 31 octobre 2018 (XII ZB 411/18), la Cour fédérale de Justice allemande a fait droit à la demande de suspension provisoire d’une ordonnance réglant un droit de visite et d’hébergement, dans l’attente de la décision rendue au fond. La Cour fédérale a en effet jugé que la décision rendue par la Cour d’appel de Brunswik (Basse-Saxe) était critiquable dans la mesure où l’enfant, même âgé de 4 ans, aurait dû être entendu personnellement par les magistrats. Par exception, le tribunal ne peut renoncer à cette audition que pour des motifs graves, par exemple lorsque celle-ci conduira à un préjudice important de l’état de santé physique ou mental du mineur. Le juge est dès lors invité à confronter les intérêts en présence et aussi à recueillir des informations auprès des tiers (parties à la procédure, Jugendamt) pour savoir si les règles de droit de visite et d’hébergement sont adaptés au bien être de l’enfant.

L’âge de 4 ans peut surprendre, notamment en comparaison avec les standards internationaux et la pratique française. Dans l’affaire « Maumousseau et Washington c/ France » (n°39388/05) du 6 décembre 2007, la Cour européenne des Droits de l’Homme n’avait pas sanctionné l’absence d’audition d’une enfant âgée de 4 ans, jugeant celle-ci comme « non décisive » dans le cadre de la résolution du conflit familial. Il est vrai que la parole de l’enfant avait pu être recueillie par des tiers.

En France et en l’état de la jurisprudence, la capacité de discernement – critère nécessaire à l’audition du mineur au sens de l’article 388-1 du code civil - est rarement reconnue à un enfant âgé de moins de 7 ans. Certaines juridictions nient cette capacité à des mineurs âgés de 10 ans et plus (CA Agen, 30.07.2008, n°08/00163).

Dans le cadre d’un litige familial franco-allemand et afin d’assurer l’efficacité outre-Rhin des décisions rendues par les juridictions françaises, il importe de veiller particulièrement aux conditions d’application de l’article 388-1 du code civil et de privilégier l’audition de l’enfant par le juge lui-même. A défaut, il convient de s’assurer que la décision justifie précisément cette absence d’audition, notamment au regard de l’intérêt de l’enfant et des éventuels risques encourus, sous peine de rendre inapplicables en Allemagne les règles relatives au droit de visite et d’hébergement arrêtées par le juge français.

 

Franck Heurtrey

Avocat & Rechtsanwalt

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