L’apport de cet arrêt est très important : en effet, la Cour de cassation affirme que :

 

  • Apport 1 : toute délibération ou décision du conseil de l’ordre peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel à la diligence du procureur général ou de tout avocat, qu’il soit ou non membre dudit conseil, à condition pour ce dernier d’avoir été lésé dans ses intérêts professionnels ;

 

  • Apport 2 : les intérêts professionnels à agir d’un ou plusieurs avocats, sont appréciés in concreto, et peuvent être financiers et/ou moraux ;

 

  • Apport 3 :qu’après avoir procédé à une analyse précise et détaillée des informations remises aux membres du conseil, la Cour d’appel de Paris a souverainement estimé qu’elles étaient insuffisantes et qu’elle en a exactement déduit que cette carence, de nature à vicier les suffrages exprimés, devait être sanctionnée par l’annulation des résolutions litigieuses. 

Par délibération du 18 juin 2013, le conseil de l’ordre des avocats au barreau de Paris a adopté un certain nombre de résolutions et a, notamment, approuvé les comptes de l’exercice 2012, donné quitus au bâtonnier pour sa gestion et procédé à l’affectation du résultat.

Trois de ses membres, M. Bitton et Mmes Oster et Cauly (les requérants), après avoir voté contre ces résolutions, ont formé un recours tendant à leur annulation.

Dans un arrêt du 11 février 2016, la Cour d’appel de Paris a déclaré les requérants recevables en leur recours et a annulé les résolutions approuvant les comptes de l’exercice 2012.

L’ordre des avocats de Paris s’est pourvu en cassation.

Par arrêt du 4 octobre 2017 (arrêt consultable en pdf), la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’ordre des avocats de Paris.

1) L’ordre des avocats de Paris contestait l’annulation des résolutions approuvant les comptes de l’exercice 2012

Par ailleurs, l’ordre des avocats au barreau de Paris faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris d’annuler les résolutions approuvant les comptes de l’exercice 2012 et procédant à l’affectation du résultat.

La Cour de cassation rejette également le pourvoi.

La Cour de cassation relève « en premier lieu, qu’en vertu de l’article 17, 6o, de la loi du 31 décembre 1971 précitée, le conseil de l’ordre détient le pouvoir de gérer les biens de l’ordre, de préparer le budget, de fixer le montant des cotisations des avocats, d’administrer et d’utiliser ses ressources pour assurer les secours, allocations ou avantages quelconques attribués à ses membres ou anciens membres, à leurs conjoints survivants ou à leurs enfants, de répartir les charges entre ses membres et d’en poursuivre le recouvrement ; que le règlement intérieur du barreau de Paris, dans le respect de ces attributions légales, a confié le soin à une commission d’élaborer et de soumettre à l’approbation dudit conseil le budget et l’arrêté des comptes annuels de l’ordre ; qu’en conséquence, c’est à bon droit que la cour d’appel a jugé qu’il ne peut être suppléé à un défaut d’informations des membres du conseil de l’ordre par les travaux de la commission des finances ».

La Cour de cassation ajoute que « s’agissant de l’approbation des comptes et de l’affectation des résultats, il n’incombait pas à la cour d’appel de substituer son appréciation en opportunité à celle du conseil de l’ordre ; qu’elle avait pour seul pouvoir de prononcer la nullité des délibérations irrégulièrement prises par ledit conseil ; qu’après avoir procédé à une analyse précise et détaillée des informations remises aux membres du conseil, elle a souverainement estimé qu’elles étaient insuffisantes ; qu’elle en a exactement déduit que cette carence, de nature à vicier les suffrages exprimés, devait être sanctionnée par l’annulation des résolutions litigieuses ».

2) L’ordre des avocats de Paris contestait la recevabilité du recours des requérants

L’ordre des avocats contestait la recevabilité du recours des requérants.

La Cour de cassation rejette le moyen.

La Cour de cassation affirme notamment « qu’il résulte de l’article 19 de la loi du 31 décembre 1971 précitée que toute délibération ou décision du conseil de l’ordre peut faire l’objet d’un recours devant la cour d’appel à la diligence du procureur général ou de tout avocat, qu’il soit ou non membre dudit conseil, à condition pour ce dernier d’avoir été lésé dans ses intérêts professionnels ; que la cour d’appel a justement retenu que ces intérêts, dont l’existence doit être appréciée in concreto, peuvent être financiers et/ou moraux ».

L’arrêt retient également que « la cour d’appel a souverainement estimé qu’en dénonçant des conditions de vote ne permettant pas au conseil de l’ordre d’exercer réellement la mission de gestion et d’administration à lui conférée par l’article 17 de la loi précitée, les requérants, avocats et en cette qualité membres du conseil, avaient un intérêt financier et moral à agir ; que, pour le caractériser, elle a retenu que le contrôle budgétaire participe directement de cette mission de gestion et d’administration et que toute atteinte avérée au fonctionnement normal des institutions ordinales, en raison de la méconnaissance même des règles régissant leur fonctionnement, est d’ordre moral ».

La décision de la Cour de cassation doit être approuvée.

C’est un cinglant revers pour l’ordre des avocats de Paris.

Cette décision de la Cour de cassation va obliger probablement l’ordre des avocats à faire preuve de plus de transparence faute de quoi, ce dernier risque de se faire annuler des résolutions prises en Conseil.

Par ailleurs, il est possible que cet arrêt donne des idées et des ailes aux avocats (membres du conseil de l’ordre ou pas) pour demander l’annulation de décisions prises par leur ordre.

Frédéric CHHUM Avocat à la Cour (Paris et Nantes)

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