Le forfait jours du manager est privé d’effet, ce dernier obtient 46 000 euros d’heures supplémentaires devant la Cour d’appel de Versailles.
Le salarié est débouté de sa demande de prise d’acte de rupture.
1) Faits et procédure
Par jugement du 6 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section
encadrement) a :
- dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. Marc X s'analyse en une démission et en produit les effets,
- débouté M. X de toutes ses demandes,
- débouté la société Codilog Elliance de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. X aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 14 octobre 2019, M. X a interjeté appel de ce jugement.
La société Codilog Eliance a pour activité principale la mise en place de logiciels de gestion d’entreprise. Depuis 2002, elle appartient au groupe Neurones.
M. X a été engagé par la société Codilog Eliance, en qualité de manager, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 9 janvier 2017. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective dite Syntec.
M. X percevait une rémunération fixe brute mensuelle de 7 083,34 euros, à laquelle s'ajoutait une part variable calculée en fonction de ses performances commerciales.
L'effectif de la société était de plus de 10 salariés.
Le 3 septembre 2018, M. X a été placé sous la subordination de Mme D.
Le 8 octobre 2018, M. X a fait l'objet d'un blâme par lequel lui étaient reprochés des problèmes relationnels et une opacité dans son travail.
Le 15 novembre 2018, M. X a contesté le blâme.
Par lettre du 10 janvier 2019, M. X a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Codilog Eliance dans les termes suivants :
«
(...)
Je donne suite à mon courrier du 15 novembre 2018 aux termes duquel je dénonçais les
manquements graves de la société dans l'exécution de mon contrat de travail.
Du fait de ces manquements, j'ai été en arrêt de travail du 12 novembre 2018 au 1er décembre
2018.
Le 27 novembre 2018, durant mon arrêt maladie, vous m'avez adressé un courrier aux termes duquel vous contestez ma mise à l'écart, le harcèlement dont je suis victime ainsi que l'illicéité de mon forfait jours.
Je conteste fermement vos propos qui ne reposent sur aucun élément concret qui viendraient justifier l'acharnement dont je fais l'objet.
Par ailleurs, depuis ma reprise du travail le 3 décembre 2018, ma situation au sein de
CODILOG ELIANCE est extrêmement difficile et affecte directement mon état de santé.
Aussi, et pour l'ensemble de ces raisons, je vous informe que je suis contraint, par la présente, de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts exclusifs de CODILOG
ELIANCE pour les raisons ci-dessous :
- Ma mise à l'écart depuis l'arrivée de Madame D. en septembre 2018;
- Le blâme injustifié dont j'ai fait l'objet le 9 octobre 2018;
- Le harcèlement moral dont je suis victime;
- L'illicéité de mon forfait jours et le non-paiement de mes heures supplémentaires.
Cette prise d'acte prendra effet à réception de la présente.
Concernant mon préavis, je vous remercie de bien couloir m'indiquer si vous souhaitez ou non que je l'exécute.
Je vous informe par ailleurs que je vais demander que cette prise d'acte, aux torts exclusifs de
CODILOG, produise les effets d'un licenciement nul devant le Conseil de prud'hommes. »
Le 4 février 2019, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins d'obtenir la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul, annuler le blâme du 9 octobre
2019 et obtenir le paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
2) Arrêt du 25 mai 2022 de la Cour d'appel de Versailles
Dans son arrêt du 25 mai 2022, la Cour d’appel de Versailles :
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Codilog Elliance à payer à M. X :
. 36 289,19 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires outre 3 628,91 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,
. 3 627,56 euros au titre des repos compensateurs outre 362,56 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du de la réception, par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,
. 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur au respect des dispositions relatives à la durée quotidienne maximale du travail et à la durée hebdomadaire maximale de travail, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DONNE injonction à la société Codilog Elliance de remettre à M. X un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,
REJETTE la demande d’astreinte,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,
CONDAMNE la société Codilog Elliance à payer à M. X la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de première instance
et en cause d'appel,
CONDAMNE la société Codilog Elliance aux dépens.
. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été
préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du
code de procédure civile.
. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée
MARCINEK, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat
signataire.
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https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/forfait-jours-prive-effet-manager-35135.htm
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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