Il y a un consensus pour reconnaître que les RPS sont protéiformes et multifactoriels.
En FRANCE, les RPS font leur entrée officielle, en 2008, avec le rapport NASSE et LEGERON :
I - Définir et limiter les risques psychosociaux II - Les indicateurs existants ou améliorables III - Propositions d'actions
« La grande variété des thèmes mis sous le vocable de risques psychosociaux est source d'une grande confusion. Ces termes recouvrent en effet les déterminants et les effets, sans distinguer entre les causes et les conséquences.
Cette confusion tient non seulement à la diversité de ces risques mais aussi à la complexité des liens qui les unissent et qui ne relèvent pas toujours de la causalité linéaire... » (rapport NASSE et LEGERON)
« En définitive, jamais sans doute, dans l'histoire récente, un objet scientifique n'a donné matière à une telle prolixité, voire à une telle illisibilité. » (Dict. RPS, Avant-propos).
1) Le qualificatif « psychosocial »
« Née dans les années 1930, la psychosociologie a pour champ d'investigation et d'action l'articulation entre champ social, conduites humaines et vie psychique. » (Dic. RPS, Psychosociologie du travail)
« Psychosocial » qualifie, le développement psychologique de l'individu en interaction avec son environnement social.
Isolé, il ne concerne pas que les environnements de travail et il est neutre, sans être relié aux notions de danger ou de risque.
« Un facteur psychosocial est neutre. Il n'est ni un facteur de risque, ni un facteur de protection. Par exemple, en admettant que la charge de travail est un facteur psychosocial, il ne prend le statut de facteur de risque ou de facteur de protection qu'en fonction de la quantification qui en est faite. Ainsi, la surcharge de travail ou la sous-charge de travail pourront éventuellement devenir des facteurs de risques ou de protection, mais la charge de travail seule ne peut pas être un risque psychosocial » (Dic. RPS, Facteurs psychosociaux).
2) Le substantif « risque »
Plusieurs dictionnaires proposent « risque » comme un synonyme de « danger », pourtant :
- - un danger est une menace, une source potentielle de dommage, de préjudice ou d'effet nocif à l'égard d'une chose ou d'une personne dans certaines conditions ;
- un risque est la probabilité qu'une personne subisse un préjudice ou des effets nocifs pour sa santé en cas d'exposition à un danger.
Ainsi,
- le danger du tabagisme, serait le cancer du poumon ;
- le risque du tabagisme, serait la probabilité de contracter la maladie.
Le danger peut exister sans le dommage, alors que le risque serait la probabilité de la survenance du dommage.
Si le risque est une notion connue du droit depuis longtemps, celle de RPS est particulièrement imprécise.
Les médecins du travail ont pu rendre des avis d'inaptitude dès la première visite, en invoquant un « risque de danger immédiat... », alors que le code du travail évoquait :
« Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen. »
soc 6 février 2008, n° 06-45 551
« que, déclaré inapte par le médecin du travail le 5 mai 2003, à l'issue d'un examen médical mentionnant "absence de deuxième visite pour risque de danger immédiat"... »
Typologie des dangers, par leur nature et la nature de leurs effets.
Il peut y avoir des dangers :
1. de nature physique susceptibles de causer des pathologies physiques ; 2. de nature physique susceptibles de causer des pathologies psychologiques ; 3. de nature psychologique susceptibles de causer des pathologies psychologiques, ou même physiques par somatisation ; 4. des interactions et des renforcements en boucle, entre des causes multiples et diverses, de nature physique et psychologique, d'origine personnelle ou professionnelle.
« Bien qu'encore peu usité, le vocable de « trouble psychosocial » présente sur celui de « risque psychosocial » plusieurs avantages. Il clarifie l'interprétation terminologique du risque et facilite l'analyse des situation de travail en distinguant clairement les effets de leurs causes... » (Dic. RPS, Troubles psychosociaux).
3) Les RPS au travail
Les RPS sont-ils spécifiques au travail (d'autres groupes sociaux, d'autres causes...) ?
Le stress au travail, Regards pluridisciplinaires (rapport introductif, Alexis Bugada) :
« d'autres périmètres sociaux, tout aussi importants, sont laissés pour compte : famille, école, environnement, logement, voisinage, mode de vie... »
D'un point de vue historique et épidémiologique, comme d'un point de vue étiologique et individuel, les effets se révèlent en premier, la recherche de leurs causes n'intervient, généralement, qu'ultérieurement.
Les RPS au travail constituent un risque émergent.
L 'Agence européenne pour la Sécurité et la Santé au Travail a défini la notion de risque émergent :
« Un risque émergent en termes de SST est un risque à la fois nouveau et croissant.
Nouveau signifie :
que ce risque n'existait pas auparavant et qu'il est provoqué par de nouveaux processus, de nouvelles technologies, de nouveaux types de lieux de travail ou des changements sociaux ou organisationnels ; ou encore qu'un problème de longue date est désormais considéré comme un « risque » à cause de nouvelles connaissances scientifiques ou de l'évolution de la perception du public.
Un risque est croissant : :
le nombre de dangers entraînant ce risque est croissant ; la probabilité d'exposition aux dangers est croissante ; ou l'impact des dangers sur la santé des travailleurs s'aggrave. » (L'état de santé du salarié, de la préservation de la santé à la protection de l'emploi, Sylvie Bourgeot/Michel Blatman, éditions Liaisons, Collection droit vivant, 2009)
La reconnaissance du stress comme conséquence anormale du travail est l'une des deux entrées, avec le harcèlement moral, dans le système des RPS.
Remarques :
- le harcèlement peut causer du stress, mais pas nécessairement...
- …un stress anormal n'est pas nécessairement causé par un harcèlement moral.
Le point commun des deux notions est principalement d'être utilisées pour combler l'absence de la prise en compte de la dimension psychologique du salarié au travail.
Les RPS sont une notion en devenir qui a vocation à rationaliser et théoriser ces approximations historiques, après des errements inévitables.
La psychopathologie du travail a été découverte après la seconde guerre mondiale et pose principalement deux questions :
- le travail peut-il être à l'origine de maladie mentale ,
- le travail peut-il être thérapeutique ?
(Vulnérabilités au travail. Naissance et actualité de psychopathologie du travail. Claude VEIL, présentation par Dominique LUILIER, édition ERES, collection clinique du travail, 2012)
Cette ambivalence du rôle du travail n'est pas neutre.
Pourtant, durant presque 50 ans, le travail ne sera pas véritablement reconnu comme pouvant être une cause de maladie mentale.
En 1998, publication, de « Harcèlement moral, la violence perverse au quotidien » futur best-seller du psychiatre, Marie-France HIRIGOYEN.
« un mot est mis sur les maux, au risque de la confusion (…) mais il est certain que l'explosion du thème du harcèlement moral au tournant du siècle tient en grande partie au fait qu'il a répondu à des attentes et des difficultés des salariés peu ou pas prises en compte » (Dic. RPS Harcèlement moral)
Le Docteur HIRIGOYEN tend à limiter son étude au harcèlement moral causé par les pervers narcissiques.
Pourtant, il est dorénavant admis que les cas sont relativement rares dans l'entreprise.
Le pervers narcissique fonctionne en utilisant les trois modalités de séduction/manipulation/emprise :
« Le processus est souvent difficile à identifier car le pervers narcissique joue avec les limites (…), manie habilement le dénigrement et l'humiliation » (Dic. RPS Pervers narcissique)
En 2002, entrée dans le droit positif de la notion de harcèlement moral, avec la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002.
C'est véritablement la prise en considération de la dimension psychologique du salarié.
Les développements ultérieurs, notamment jurisprudentiels, s'inscrivent dans la continuité.
En 2005, mention des RPS 2008 dans le premier Plan de Santé au Travail (PST)
Ultérieurement, les PST II et III reprendront le thème des RPS.
En 2008, rapport sur la détermination, la mesure et le suivi des RPS au travail de Philippe NASSE (magistrat honoraire) et Patrick LEGERON (psychiatre)
Ce rapport a été demandé par le ministre du travail suite à l'épidémie de suicides intervenus dans certaines grandes entreprises.
Il préconise une étude pour obtenir des sources statistiques fiables.
Depuis, les études et références aux RPS se succèdent... et, simultanément, la jurisprudence découvre et applique l'obligation de sécurité dite de résultat... aux RPS.
En raison de cette évolution historique, non conceptualisée, il règne une confusion généralisée entre les causes et les effets des RPS :
« Ces risques psychosociaux font référence à de nombreuses situations : stress, harcèlement moral, violence, souffrance, suicide, dépression, troubles musculo-squelettiques etc. Cette pluralité justifierait peut être qu'on utilise le singulier, le risque psychosocial, comme on parle du risque cardiovasculaire en se référant au modèle médical.» (rapport NASSE et LEGERON)
A l'identique, tout en admettant une grande difficulté à définir les RPS, la majorité des ouvrages mélangent les causes et facteurs de risques avec les syndromes : harcèlement moral, harcèlement sexuel, stress, burn out (syndrome d'épuisement professionnel), incivilités, violences, addictions, dépression, suicide, syndrome anxieux, syndrome dépressif, syndrome anxio-dépressif...
Bien souvent, les médecins ne sont pas en reste et mélangent aussi ces notions dont certaines correspondent à des qualifications médicales, d'autres à des qualifications juridiques... et d'autres à aucune qualification précise.
Prévenir la santé et la sécurité au travail (Hervé Lanouzière, Lamy) :
« De plus en plus de voix suggèrent qu'il serait préférable d'aborder la question des RPS de manière positive, c'est-à-dire par la promotion d'une politique de bien-être au travail plutôt que sous l'angle de la prévention d'un risque (la souffrance au travail). (...) Rappelons en premier lieu que l'approche des RPS sous l'angle exclusif de la santé au travail est une réalité à laquelle les entreprises sont confrontées et qu'il ne servirait par conséquent à rien de la nier en la qualifiant différemment... ».
Dernières évolutions du droit en lien avec les RPS :
L 2242-8 : « La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte sur :
1° L'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés... »
Loi 2016-1088 ajoute le droit à la déconnexion en vigueur à compter du 1er janvier 2017
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques, en vue d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. A défaut d'accord, l'employeur élabore une charte, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Cette charte définit ces modalités de l'exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction, d'actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques ».
Le rapport GOLLAC est intervenu à la suite du rapport NASSE et LEGERON :
« La liste des facteurs de risques est longue et leur hiérarchisation diffère selon les sources. (…) ...le collège d'expertise mené par M. GOLLAC a, en octobre 2009, retenu à titre provisoire six dimensions de risques à caractère psychosocial : les exigences de travail, la charge émotionnelle, l'autonomie et les marges de manœuvres, les rapports sociaux et relation de travail, les conflits de valeur et l'insécurité socio-économique. (...) A vrai dire, les interférences entre la vie personnelle du salarié et sa vie au travail ne sont pas une nouveauté et chacun sait que de nombreuses pathologies professionnelles sont multifactorielles, associant parmi leurs causes, celles liées aux habitudes de vie et celles en rapport avec l'activité du salarié.
S'agissant des RPS, la complexité est accentuée par le fait que les causes professionnelles et les causes personnelles peuvent réagir les unes sur les autres et tantôt se renforcer (ainsi, un salarié qui vit au travail des situations caractéristiques du stress et qui se trouve confronté dans sa vie de tous les jours à des difficultés familiales ou de santé), tantôt se compenser ( ce n'est pas une vue de l'esprit que de penser qu'un salarié peut trouver dans son travail un équilibre que sa vie personnelle met en péril). » (Les RPS, Identifier, prévenir, traiter, ouvrage collectif, Lamy, Axe Droit)
Cependant, deux catégories de facteurs (psycho / sociaux) :
- les facteurs collectifs, sociologiques, sociétaux, historiques : mutation des organisations, et pas seulement celle du travail, perte de la sécurité de l'emploi, incertitude de l'avenir, perte du lien social en général ;
- les facteurs individuels, psychologiques, ponctuels : les difficultés personnelles d'ordre privé, le terrain psychologique, la résilience, les conditions de travail etc.
L'entreprise est le point de rencontre de ces facteurs : elle génère et/ou protège des RPS
> elle protège quand elle procure une activité épanouissante, des revenus, de la sécurité du lien social et, de ce point de vue, doit répondre à beaucoup d'attentes ;
> elle génère des RPS et pour l'essentiel quand elle amplifie ou ajoute des difficultés.
Que les facteurs soient individuels ou collectifs, un part revient à l'entreprise, une part aux modes de vie collectif, une part au salarié.
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