Si besoin était, la récente Coupe du Monde de football l’a encore démontré. Les paris sportifs se sont développés de manière considérable. Au-delà de la stricte émotion procurée par le jeu, la perspective de gains financiers constitue une source évidente de motivation des parieurs. Si les espoirs sont importants, les déceptions peuvent également être conséquentes. Au point d’amener le parieur déçu à rechercher une forme de compensation…. y compris par le biais de procédures judiciaires.
C’est ce qui est arrivé à un parieur français qui, par le biais du jeu « Lotofoot » avait misé sur les résultats de 14 matchs de football. Avec un mélange de flaire et de chance, ce parieur avait anticipé 13 bons résultats, seul le résultat de la rencontre ayant notamment concerné le club de Lille n’avait pas été pronostiqué avec succès. En passant proche du « grand chelem », ce parieur avait ainsi vu s’échapper un gain important.
Des circonstances de jeu particulières
Le parieur déçu s’était estimé lésé par les circonstances particulières du match litigieux. En effet, alors qu’il avait parié sur un match nul, le club de Lille l’avait emporté un but à zéro. Or, le but vainqueur avait été marqué par un joueur se trouvant en position de hors-jeu, ce qui constitue une infraction aux règles de jeu. Ce résultat avait finalement été validé.
Pour surmonter, et tenter de compenser, sa déception, le parieur déçu a voulu faire porter la responsabilité de son (relatif) échec au buteur et à son club en estimant que la rencontre avait été faussée par ce but inscrit en position de hors-jeu. Il a donc engagé à leur encontre une procédure en responsabilité visant à les faire condamner à lui verser des dommages-intérêts.
Le parieur déçu a été débouté de ses demandes, tant en première instance qu’en appel. En effet, la Cour a notamment estimé que « (…), le score de la rencontre fût-il l’enjeu d’un pari sportif, la simple transgression de la règle sportive, survenue dans le cours du jeu et non contre le jeu ne saurait, à elle seule, constituer une faute civile de nature à fonder l’action en responsabilité engagée par un parieur mécontent » (Cour Appel Riom, 19 avril 2017, n° 15/03 002).
Manifestement combatif, le parieur déçu a souhaité poursuivre le « match judiciaire » en formant un pourvoi devant la Cour de Cassation. A l’appui de son recours, il soutenait notamment que « dans le domaine du pari sportif, toute faute résultant d’une transgression de la règle sportive commise par un joueur dans le cours du jeu, fût-elle sans influence sur la sécurité des pratiquants ou sur la loyauté de l’affrontement sportif, engage sa responsabilité et celle du club dont il dépend dès lors qu’elle a indûment faussé le résultat de la rencontre et causé la perte de chance d’un parieur de réaliser un gain ».
La préservation de l’aléa sportif
Cet argument, quelque peu novateur, vient d’être rejeté au motif que « seul un fait ayant pour objet de porter sciemment atteinte à l’aléa inhérent au pari sportif est de nature à engager la responsabilité d’un joueur et, le cas échéant, de son club, à l’égard d’un parieur » (Cour de Cassation, 14 juin 2018, n° 17-20.046).
Il ne peut être déduit que, en enfreignant la règle de jeu, le joueur ait volontairement et consciemment eu l’intention de porter atteinte à l’aléa sportif (et ainsi fausser le résultat de la compétition).
En s’érigeant en défenseur de l’aléa sportif, la Cour de cassation met ainsi à l’abri les joueurs contre de telles actions en responsabilité.
Elle ne semble toutefois pas viser tous les cas de figure. En effet, qu’en serait-il en cas de faute intentionnelle d’un joueur « contre le jeu » pour reprendre la précision de la Cour d’Appel précédemment saisie de ce dossier ? De même, quelle pourrait être la responsabilité d’un club ou de ses dirigeants dont le comportement aurait faussé le résultat ?
Enfin, en cas de matchs truqués, tous les parieurs floués seraient-ils recevables à obtenir un dédommagement en raison de l’atteinte porté à l’aléa sportif ?
Pour le savoir, il faudra sans doute l’audace et la ténacité d’autres parieurs déçus.
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