En cas de faillite d'une société de panneaux solaires et d'annulation de la vente et du crédit, que devient l'installation ? Si le vendeur fait faillite, doit-on tout de même rembourser le crédit ?!




Deux arrêts définitifs des Cours d’appel de Toulouse (7 août 2017) et de Bordeaux (21 septembre 2017) mettent fin à une problématique : lorsqu’un contrat de vente de panneaux photovoltaïques est annulé, ainsi que le contrat de crédit lié à cette vente, et que le vendeur est en faillite, l’emprunteur ne pourra restituer l’installation !

Est-il dans l’obligation de rembourser le crédit et peut-il conserver le matériel ?!

Les présents arrêts offrent une réponse.





Résumé (classique) des faits.

Les faits dans ces deux affaires sont identiques : une personne signe un bon de commande avec une société pour l’installation d’un système solaire photovoltaïque.

Le même jour, elle signe une offre de crédit affecté émanant de la banque Solfea proposée par les vendeurs de l’équipement de production d’énergie renouvelable.

Le prix indiqué dans chaque contrat est financé en totalité par le prêt Solfea remboursable sur 10 années.

Les travaux ont fait l’objet de déclarations préalables déposées en mairie et ont fait l’objet d’arrêtés favorables.

EDF informait les acquéreurs du coût du raccordement de son installation au réseau électrique et qu’ils ne pourraient pas bénéficier d’une majoration du prix de vente, le dispositif de production ne remplissant pas les conditions prévues par l’arrêté du 14 mars 2011.

Dans l’affaire de la Cour d’appel de Toulouse, l’acheteur récupère son dossier auprès de Solfea et constate que sa signature a été falsifiée sur le bon de commande, la fiche de solvabilité, l’exemplaire de l’offre de crédit destiné au prêteur et la date portée sur la déclaration de fin des travaux.

Dans l’affaire de la Cour d’appel de Bordeaux, l’acheteur se plaint d’abus de faiblesse et de pratique commerciale agressive, ainsi que d’un bon de commande trop succinct.

Dans les deux affaires, les vendeurs sont assignés avec la SA Banque Solfea et les acheteurs réclament l’annulation des ventes et la restitution des sommes déjà versées et des dommages intérêts.

Le tribunal d’instance de Toulouse reconnaît la falsification de signatures et prononce donc l’annulation de la vente et du crédit, et ordonne à la SA Banque Solfea de rembourser l’acheteur.

A Bordeaux, les juges annulent la vente et le crédit pour carence du bon de commande.

Solfea interjette appel dans les deux cas.





POSITION DES COURS D'APPEL DE TOULOUSE ET BORDEAUX

Mais les Cours d’appel de Bordeaux et Toulouse confirment dans les deux affaires le fait que la banque a commis des négligences en accordant le financement et le déblocage des fonds, ce qui la prive de réclamer aux emprunteurs le remboursement des crédits. Quid du sort de l’installation en cas de faillite du vendeur ?

Dans les deux affaires, les vendeurs (EuroFrance Solaire et Groupe solaire de France) sont tombés en faillite.

Dès lors, la SA Banque Solfea soutient que la liquidation judiciaire du vendeur fera obstacle à la récupération chez l’acquéreur des panneaux photovoltaïques.

En effet, l’emprunteur ne peut, dans le même temps, bénéficier de l’installation photovoltaïque et ne pas en payer le prix.

Ainsi, le prêteur subirait un préjudice indéniable en n’étant pas remboursé du capital versé à l’installateur au moment de l’installation des panneaux photovoltaïques.

Aussi, les Cours d’appel de Toulouse et de Bordeaux auraient pu statuer dans la droite ligne d’un jugement du Tribunal de commerce de Toulouse du 20 février 2017 (aff. n° 2015J00588, aff. Pantalacci c/ SARL Universel Energie) ayant condamné les emprunteurs à rembourser le prêteur avec intérêts, puisque le liquidateur ne revenant pas sur les lieux, ils conserveraient nécessairement l’installation.

Mais les juges d’appel de Toulouse et de Bordeaux ont un raisonnement parfait : selon eux, on ignore si le liquidateur judiciaire reprendra ou non l’installation !

Plus simplement, peu importe la probabilité ou non d’un retrait effectif de l’installation.

En conséquence, de cette probabilité ou improbabilité, la SA Banque Solfea ne peut réclamer aux emprunteurs de rembourser le crédit.





Que retenir de ces arrêts ?

Les juridictions prennent en considération le contexte de chaque dossier : on ne rembourse pas d'office le crédit en cas de faute de la banque et on ne restitue pas d'avantage systématiquement l'installation, car une remise en l’état de la toiture induit de multiples problèmes techniques, administratifs, fiscaux, la rendant particulièrement aléatoire, alors même que l’installation fonctionne.

Il serait logique pour les banques que si l’acheteur ne rend pas le matériel, il doit tout de même régler le crédit. Mais il n'en est rien car on ignore si l’acheteur s'exécutera ou non, si bien que le doute empêche certains juges de condamner l’emprunteur au profit de la banque.

En résumé, le doute profite au justiciable !





Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS

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