La page blanche, tous les auteurs l’ont connue.

Faut il alors céder aux sirènes du mauvais goût et de la copie ?

C’est à cette question que les Juges du Tribunal de Grande Instance de Paris ont du répondre dans leur Jugement du 23 novembre 2017.

Plus exactement, le Tribunal a eu à s’interroger sur la qualification juridique de la reprise quasi-servile effectuée.

S’agissant du mauvais goût chacun est appelé, en conscience, à s’interroger sur la portée du parallèle qui a été fait entre une femme et un animal, un enfant et un animal, … mais là n’est pas l’intérêt du présent article.

 

Le contexte :

A compter du 18 avril 2016, la SPA a diffusé une campagne nationale de lutte contre la maltraitance animale.

Elle a, pour le lancement de cette campagne, investi la somme totale de près de 200.000 euros pour une campagne reposant sur trois type d’affiches avec chacune un thème présenté avec le signe hashtag (#) suivant : « Abattoirs », « Expérimentation animale » et « Corrida ». Les trois affiches mentionnent la question suivante : « La torture …c’est légal ? » et un encadré comportant les termes : « Monsieur le Président#JeVousFaisUneLettre » illustrée chacune par la photo d’un agneau, un lapin et un taureau, ainsi que le logo de la SPA.

La SPA avait décidé de mettre en place une campagne dite « participative » incitant chaque citoyen à prendre directement contact avec ses élus via le réseau Twitter.

La Manif Pour Tous a repris quasi-servilement les codes visuels de sa campagne ainsi que l’expression « Monsieur le Président #JeVousFaisUneLettre », concept de la campagne initiée par la SPA, incitant le public à interpeller les politiques pour les sensibiliser à une cause à travers Twitter, et à utiliser le même hashtag « #JeVousFaisUneLettre », et donc le même fil de conversation Twitter.

Par ordonnance du 20 mai 2016, le juge des référés avait déjà  interdit sous astreinte à LA MANIF POUR TOUS et à l’Association LEJEUNE de poursuivre l’utilisation des visuels litigieux, leur avait ordonné la publication d’un communiqué sur leur site Internet tout en octroyant à titre de provision un euro de dommages-intérêts à la SPA.

Par Jugement du 23 novembre dernier le Tribunal de Grande Instance de Paris tranche la question de fond.

Le Tribunal écarte tout d’abord le recours à la liberté d’expression :

En l’espèce, les causes défendues par La Manif Pour Tous et par la Fondation Jérôme Lejeune traitent de sujets éthiques cruciaux dans le débat social, pour autant, les associations défenderesses n’expliquent pas en quoi il leur était nécessaire pour véhiculer leur discours de choisir de copier les affiches de la SPA en les détournant à leur profit.

 

Le Tribunal écarte ensuite l’exception de parodie :

Le tribunal ne peut que constater que les thèmes tels que « enfermée pour enfanter », l’ « exploitation des femmes » « arrachée à sa mère dès la naissance » ne sont pas exploités dans les visuels litigieux dans le but de provoquer le rire ou de manière humoristique.

 

L’affirmation de l’existence d’actes de parasitisme

Le Tribunal, après avoir analysé l’ensemble des éléments retient la faute de l’association LA MANIF POUR TOUS et de l’association LEJEUNE en ces termes :

Il est démontré que La Manif Pour Tous et la Fondation Jérôme Lejeune ont sans bourse déliée copié le travail intellectuel et profiter indument des investissements engagés par la SPA pour financer sa campagne nationale d’avril 2016.

Le parasitisme est donc caractérisé en ce qu’il est justifié de l’intention des défenderesses de promouvoir leur propre activité en se plaçant dans le sillage d’autrui et en profitant gratuitement du fruit des efforts et des investissements de ce dernier.

 

Guillaume BARDON

Avocat Associé 

Cabinet CM&B AVOCATS ASSOCIES