Par arrêt du 6 décembre 2024, la Cour d'Appel de PARIS a condamné le Centre de Formation des Journalistes pour faute inexcusable de l'employeur, à l'origine de l'état dépressif d'un de ses enseignants

 

Notre client enseignait depuis de nombreuses années au CFJ, comme responsable de la formation montage. Il était parallèlement élu du personnel.

 

Après le rachat du CFJ en 2011 par un société d'investissement appartenant à la famille MULLIEZ, notre client a souffert d'une grave dégradation de ses conditions de travail, due, entre autres, aux propos dénigrants dont il a fait l'objet, et au retrait progressif de ses responsabilités.

 

La CPAM a reconnu une maladie professionnelle due à un « état anxio-dépressif réactionnel à situation de souffrance au travail ».

 

Notre client a ensuite été licencié, pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Nous avons fait juger que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

 

Comme c’est malheureusement souvent le cas, il n'existait pas, dans ce dossier, de témoin direct des dénigrements subis par notre client. La PDG de l’entreprise avait toujours pris soin de l'isoler pour lui tenir, d'après lui, des propos du type :

 

« Vous nous chiez dans les bottes ! » ;

 

« Vous travaillez comme il y a vingt-cinq ans » ;

 

« Dites à vos petits camarades que s'ils ont quelque chose à demander, qu'ils ne passent surtout pas par vous ; à vous, on n'a même pas envie de donner un morceau de sucre ».

 

 

C'est la raison pour laquelle, en suivant l'argument de l'employeur sur le manque de preuves d'un harcèlement moral, le pôle social du Tribunal Judiciaire de PARIS ayant rejeté notre demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

 

Notre client a suivi notre conseil et a bien voulu faire appel, malgré son découragement.

 

Devant la Cour d'Appel, nous avons souligné que c'était une erreur, de la part du Tribunal, de rechercher s'il y avait eu ou non harcèlement moral.

 

La faute inexcusable de l'employeur répond à des règles spécifiques, très différentes de celles en vigueur en droit du travail.

 

La Cour d'Appel relève que : « la présente cour ne saurait être tenue par les constatations faites par la juridiction prud’homale saisie d'une demande de reconnaissance d'un harcèlement moral dans le cadre du présent litige en demande de reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur en raison d'une maladie professionnelle qui repose sur des critères différents ».

 

Ainsi, les obligations de l'employeur vont bien au-delà de la prévention du harcèlement moral. Il doit agir en prévention de toute situation de risques psycho-sociaux, quelle que soit leur nature.

 

L'article L.4121-1 du Code du Travail inclut la protection de la santé mentale dans le champ de l'obligation de sécurité de l'employeur : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

 

L'article L.4121-2 du même Code met à la charge de l'employeur l'obligation d'« éviter les risques », de les « combattre à la source » et surtout de : « Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ».

 

Les critères de la faute inexcusable de l'employeur peuvent donc être réunis sans qu'il y ait nécessité de démontrer au juge un harcèlement moral.

 

Il suffit de prouver que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du risque auquel était exposé le salarié, et l'absence de mesures prises pour l'en préserver.

 

Nous avons pu établir que l'employeur ne pouvait pas ignorer la dégradation de l'état de santé de notre client.

 

La Cour d'Appel nous suit sur ce point : « Il en ressort que quelle que soit la teneur exacte propos tenus lors de ces trois entretiens qui se sont tenus hors la présence de témoins, que la direction n'a pas pris en compte l'impact de leur déroulement et du climat de tension existant sur la santé de M. X ».

 

Nous avons aussi plaidé que l'employeur n'avait rien fait pour protéger la santé de son salarié. Dans ses différents courriers, le CFJ s'est toujours contenté de dénégations, ou d'indiquer ne pas partager sa « vision des choses concernant votre situation ».

 

Débiteur d'une obligation de sécurité de résultat, il ne pouvait se contenter de rabrouer une personne qui alertait sur la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

 

Ainsi, quand bien même le CFJ estimait n'être pour rien dans l'état dépressif de son salarié il avait l'obligation légale de mettre en place des mesures de nature à protéger sa santé.

 

Comme cela doit être fait en cette matière, la Cour d'Appel a ordonné la majoration de la rente de notre client, et ordonné une expertise médicale pour l'évaluation de son préjudice.