Votre entreprise emploie des salariés dont la période d’essai est en cours et vous vous demandez en tant qu’employeur si vous pouvez renouveler la période d’essai et/ou rompre la période d’essai de vos salariés pour pallier au ralentissement voir à l’arrêt de vos activités dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19 ?

Vous êtes salarié et vous vous demandez si votre employeur a le droit de mettre fin à votre période d’essai à cause des difficultés financières rencontrées par l’entreprise dans le cadre de la crise sanitaire du COVID-19 ?

 

- Si vous êtes employeur, sachez que l’objet de la période d’essai est de vous offrir la possibilité d’apprécier les capacités professionnelles et l’expérience du salarié conformément aux dispositions de l’article L.1221-20 du code du travail.

Par conséquent, si vous entendez renouveler la période d’essai de l’un de vos salariés, (renouvellement limité à une seule fois, et dont les conditions dépendent des stipulations des conventions collectives et accords de branches), vous ne pouvez le faire légalement que si votre décision est motivée par la nécessité d’apprécier les compétences du salarié.

Notez par ailleurs que le renouvellement de la période d’essai ne peut en aucun cas être imposé au salarié ni être une pratique systématique au sein d’une entreprise.

En effet, la Chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que « constatant que le renouvellement de la période d'essai du salarié n'avait pas eu pour objet d'apprécier ses compétences et avait été détourné de sa finalité, a pu décider que la rupture du contrat de travail en cours d'essai s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse » (Cass. Soc. 27 juin 2018 n° 16-28.515).

Ainsi, ni le ralentissement de vos activités ni les difficultés financières de votre entreprise survenus à cause du COVID-19 ne peuvent justifier le renouvellement de la période d’essai d’un salarié. Vous ne pouvez donc pas renouveler la période d’essai d’un salarié pour ensuite envisager de rompre la période d’essai.

Au vu de la jurisprudence constante en la matière et des mesure prises actuellement par le gouvernement notamment dans le cadre de la loi d’urgence n°2020-290 du 23 mars 2020 visant notamment à limiter les ruptures des contrats de travail, les juridictions qui seront éventuellement saisies de la question apprécieront la situation et les possibilités s’offrant à vous dans leur ensemble et ne seront certainement pas dupes notamment si une même entreprise a rompu simultanément les périodes d’essais de plusieurs salariés.

 

Ainsi, et afin d’éviter des condamnations futures par les juridictions de votre entreprise déjà affaiblie par la situation actuelle, à verser des indemnités à vos salariés, il vous est conseillé de privilégier le télétravail de vos salariés lorsque cela est possible.

A défaut, vous avez la possibilité de recourir au dispositif de chômage partiel et d’organiser les congés payés de vos salariés dans la limite de 6 jours ouvrable par salarié pendant la période de confinement (ordonnances à paraître dans les prochaines heures) afin de conserver vos effectifs et préparer la reprise de votre activité à plein régime dès la fin du confinement.

Sachez également que vous pouvez naturellement suspendre la période d’essai de vos salariés en chômage partiel, qui continuera à courrir à compter de la reprise effective du travail par le salarié, de manière à ce que la période d’essai puisse servir pleinement à son objectif : « La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent » (article L.1221-20 du code du travail).

 

N’hésitez pas à consulter un avocat qui pourra vous conseiller sur la mise en place des différentes mesures nécessaires au sein de votre entreprise.

 

- Si vous êtes salarié et que votre employeur vient de rompre votre période d’essai à cause de la crise du Covid-19, sachez que la jurisprudence constante de la chambre sociale de la Cour de Cassation en la matière est claire : les causes non inhérentes aux capacités professionnelles du salarié ne peuvent justifier la rupture de la période d’essai.

Ainsi, par exemple, dans un arrêt du 15 décembre 2010, la chambre sociale a décidé au visas des articles L. 1221-20, L. 1242-10, L. 1242-11 du code du travail et 1382 du code civil que : « Attendu que la période d'essai est destinée à permettre à l'employeur d'apprécier les qualités et capacités professionnelles du salarié ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'employeur faisait valoir qu'il avait dû fermer l'hôtel le 8 janvier en raison de l'absence de neige, ce dont elle aurait dû déduire que la rupture en période d'essai, pour un motif non inhérent à la personne de la salariée, était abusive, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; » (Cass. Soc. 15 déc.2010 n° 09-42273).

De plus, concernant l’application du droit du travail, les épidémies ne sont a priori pas considérées par les juridictions comme des cas de force majeures qui justifieraient les ruptures de contrats de travail : ainsi, ni le virus Chikungunya aux Antilles  ni  l’épidémie de Dengue en Martinique n’ont pas été qualifiés de cas de force majeure par la Cour d’Appel de Basse Terre (CA Basse-terre, 17 décembre 2018, RG n° 17/00739) et la Cour d’appel de Nancy (CA Nancy, 22 novembre 2010, RG n°09/00003).

 

Ainsi, si vous vous trouvez dans cette situation, n’hésitez pas à consulter un avocat qui vous orientera sur les démarches à entreprendre en vue de faire valoir vos droits.

 

Maître Hermine MKHITARIAN