Le petit monde de la défense en droit bancaire et de la contestation des contrats de crédit s'est agité dans une ambiance de "fin de récré".

Un tir croisé de belle précision, a envoyé la pompe funèbre en cortège : Cour de cassation, Chambre civile 1, 14 novembre 2019, 18-18.246 et Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 octobre 2019, 18-12.255, Publié au bulletin, lesquels avaient été précédés, il est vrai, d'un "coup de semonce" : Cour de cassation, Chambre civile 1, 4 juillet 2019, 17-27.621, Publié au bulletin.

Un enterrement de grande classe !

On se passera donc de la clause 30/360 sur le terrain de la nullité, puisque cette clause est notoirement abusive (Voir mon post : https://www.avocat-taeg.com/post/ann%C3%A9e-lombarde-coup-de-tonnerre-pour-les-banques).

On se souviendra des arrêts, devenus célèbres : Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 juin 2015, n° de pourvoi: 14-14326. Publié au bulletin : " Le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l'année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel ", qui confirmait Cass. Civ. 1ère 19 juin 2013, Bull. civ. 1, n° 132.

Qu'enseignent ces récentes décisions ?

Celle, non publiée, du 14 novembre : " Mais attendu qu’ayant relevé, d’abord, que, s’agissant d’un prêt remboursable par mensualités, le calcul des intérêts prenant pour base le mois normalisé ou la fraction d’année aboutissait au même résultat que le rapport 30/360, et retenu, ensuite, que le calcul effectué par l’emprunteur, sur la base d’une année de 12,66666667 mois, ne pouvait être accueilli, faisant ainsi ressortir qu’il n’était pas démontré que la clause litigieuse avait eu pour effet de majorer les intérêts conventionnels ".

Celle du 24 octobre, Publiée au Bulletin, (et plus abrégée) : " Attendu, ensuite, que, si le rapport entre une année civile et un mois normalisé de 30,41666 jours équivaut à celui prohibé entre une année de trois-cent soixante jours et un mois de trente jours, une telle équivalence ne suffit pas à déduire le calcul des intérêts conventionnels sur une autre base que celle de l’année civile ".

En synthèse : alléguer ne suffit pas. Pour gagner, il faut calculer !

1 - Quel revirement ?

Si un revirement est opéré, c'est sur l'automaticité de la sanction.

La Cour de Cassation l'affirme, la stipulation d'une convention de calcul 30/360 est "prohibée" ... mais elle n'entraîne aucun effet néfaste pour l'emprunteur lorsque du moins, la mensualité d'intérêts est bornée par une paire de quantièmes identiques, puisque 30,41666/365 = 30/360.

L'arrêt rendu le 4 juillet 2019 était annonciateur de ce revirement : la stipulation de la convention de calcul 30/360 est plus favorable à l'emprunteur lorsque la durée du mois compris entre les deux quantièmes identiques est de 31 jours.

Il n'y a donc plus de sujet.

Ce sont (dans une vision Sartrienne des choses) les nuisances qui seront sanctionnées "pour-soi", et non plus la pratique bancaire déviante"en-soi".

Exit les invocations en annulation aux seuls motifs que cette clause "prohibée" serait présente dans le contrat, à moins que l'emprunteur ne parvienne à démontrer que l'application de cette stipulation s'est opéré en sa défaveur.

Ce qu'il ne parviendra pas à faire.

Punto final.

Retour en classe (de maths). Calculer en base 360 ou en base 365 ... c'est donc la même chose ... Mince alors !

Après tout, pourquoi pas ! dès lors qu'on sais que 6-3=6. (Voir mon post à ce sujet : https://www.avocat-taeg.com/post/les-teg-ils-sont-tous-faux-6-3-6-pauvre-k).

Les résultats du "tir croisé"ont été immédiats : Revirement de la Cour d'appel de Toulouse, 2ème chambre, 27 novembre 2019, n° 18/03157 : " L’éventuel différentiel résultant d’intérêts calculés sur une échéance incomplète étant d’une part minime, d’autre part, pas nécessairement au détriment de l’emprunteur. Aucune sanction ne peut donc être appliquée du fait de la clause litigieuse ".

L'invitation qu'adresse toutefois la Haute Cour aux plaideurs s'est néanmoins glissée ailleurs, dans les plis des regrets qu'exprime la motivation de l'arrêt publié du 24 octobre.

Cette invitation est celle de revenir aux fondamentaux du Droit des Contrats.

Ce dont l'emprunteur devra justifier, c'est la transgression par le prêteur de la force obligatoire du contrat, puisque l'équivalence "ne suffit pas" à démontrer que la clause aurait opéré à son préjudice.

« Pacta sunt servanda ».

Dans quelles hypothèses est-il possible d'y parvenir ?

2 - Quels calculs ?

À l'école des sorciers, Harry Potter apprit à manier sa baguette. A l'école de Gérard Biardeaud *, le plaideur apprendra à vérifier des taux et à utiliser un tableur.

[* Gérard Biardeaud, Magistrat-mathématicien, Président de Tribunal, auteur de l'indispensable "les calculs financiers du juriste" - Berger-Levrault éditeur].

Il découvrira que les taux utilisés par le prêteur sont presque toujours inexacts dans les deux hypothèses suivantes :

2.1 - Le recours systématique à une convention implicite d'arrondis et de troncature du taux de base.

On trouve cette "stipulation" (jamais écrite) dans presque la totalité des crédits, qu'il s'agisse de crédits immobiliers ou de crédits à la consommation.

Le taux conventionnel (le taux stipulé du crédit), n'est jamais exactement appliqué par le prêteur pour calculer les échéances d'intérêts, qui sont systématiquement très légèrement majorées.

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