Dans quelles conditions une peine d’emprisonnement ferme doit être prononcée ?
Quelle que soit la situation de l’intéressé qui comparaît devant une juridiction répressive, celle-ci ne peut pas le condamner à une peine d’emprisonnement ferme si elle ne respecte pas les conditions de l’article 132-19 du Code pénal.
Ce texte indique que le juge ne peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme qu’à la condition qu’il en justifie au regard :
de l’affaire,
de la gravité de l’infraction,
de la personnalité de l’intéressé,
de sa situation matérielle, familiale et sociale
ainsi qu’au regard du caractère inadéquat de toute autre sanction (c’est à dire que toute autre peine autre que l’emprisonnement ferme ne peut pas être prononcée).
Ainsi, c’est en respectant ces conditions que le juge peut prononcer une peine d’emprisonnement ferme.
Mais attention, le jugement doit être motivé (c’est-à-dire qu’il doit comporter les explications relatives à tous ces éléments pour que soit justifiée la peine d’emprisonnement ferme).
Si le Tribunal prononce une peine d’emprisonnement ferme, sans faire référence à aucun de ces éléments, la peine d’emprisonnement ferme n’est pas justifiée. Il est donc possible d’exercer un recours pour critiquer un tel jugement.
Supposons maintenant que le Tribunal a bien motivé sa décision judiciaire et qu’une peine d’emprisonnement ferme a bien été prononcée : Cela ne suffit pas puisque le Tribunal doit vérifier si cette peine d’emprisonnement ferme est aménageable ou non.
En effet, l’article 132-19 du Code pénal ajoute que :
« S’il décide de ne pas aménager la peine, le juge doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ».
Ainsi, pour que la peine d’emprisonnement ferme soit prononcée à l’encontre de l’intéressé, le juge doit spécialement motiver sa décision judiciaire en indiquant pour quelles raisons cet emprisonnement ne peut pas être aménagé (bracelet électronique, semi-liberté, ).
Là encore, si le jugement fait juste mention de la condamnation à une peine d’emprisonnement ferme, sans faire référence à l’impossibilité d’aménager cette peine, un telle décision est sujet à critique et à être remise en cause dans le cadre d’un recours.
Ces règles s’appliquent aussi bien au prononcé d’une peine d’emprisonnement ferme qu’au prononcé d’une peine mixte (une partie ferme et une partie avec sursis ou avec sursis avec mise à l’épreuve).
Pour exemple :
Une personne est déclarée coupable pour plusieurs infractions et est condamnée à 3 ans d’emprisonnement dont 18 mois avec sursis.
Cette personne est âgé de 50 ans, divorcé, vivant avec sa nouvelle compagne sans avoir d’enfants, bénéficiant d’une allocation adulte handicapée en raison d’une sclérose en plaques, et présente un casier judiciaire vierge.
Cette personne a fait six victimes dont les traumatismes sont avérées par leurs expertises psychologiques.
Elle renouvelle ses infractions malgré son interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction et son placement sous contrôle judiciaire.
Lors de l’instruction comme à l’audience de jugement, son comportement ne dénote aucune évolution.
Compte tenu de la gravité des infractions et de la personnalité de l’individu, il est donc condamné à une partie d’emprisonnement ferme.
Cependant, en le condamnant à une peine d’emprisonnement ferme, les juges n’ont pas motivé leur décision en indiquant en quoi cette peine ferme ne peut pas être aménagée.
Dès lors, en ne remplissant pas les conditions, la décision judiciaire est cassée sur le fondement de l’article 132-19 du Code pénal.
Cet arrêt en date du 10 février 2016 n’est pas nouveau et n’est que la consécration logique de l’application de la loi. Plusieurs arrêts ont été rendus sur ce fondement et rappelant l’obligation pour le juge de motiver l’emprisonnement ferme au regard des critères rappelés plus haut et de motiver spécialement sur les raisons de l’impossibilité de l’aménagement de cette peine ferme.
Par Jamel Mallem
Avocat au Barreau de Roanne
Source : Cass. Crim. 10 février 2016, N° 15-81649
J. MALLEM
www.mallem-avocat.com
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