Lorsque le licenciement d’un salarié est envisagé pour des faits d'une gravité telle qu'ils justifient sa mise à l'écart immédiate de l'entreprise, l'employeur peut prononcer une mise à pied dans l'attente de la sanction à intervenir.

On parle alors de mise à pied conservatoire, laquelle doit être strictement distinguée de la mise à pied disciplinaire, qui est une sanction en elle-même et purge donc le droit dont dispose l’employeur de sanctionner, en application de l’adage non bis in idem.

L’article L. 1332-2 du Code du travail autorise expressément une telle mesure conservatoire, sous réserve que la procédure disciplinaire soit respectée par l’employeur (convocation en entretien préalable, assistance du salarié, délai de notification, etc.)

De jurisprudence constante, pour revêtir un caractère conservatoire, la mise à pied doit être préalable ou tout du moins concomitante à la procédure disciplinaire.

Elle peut ainsi être prononcée :

  • avant la convocation en entretien préalable, si elle est immédiatement suivie d’une telle convocation (20 mars 2013 n°12-15707)
  • à l'issue de l'entretien préalable, dans l'attente de la lettre de licenciement (4 mars 2015 n°13-23228)

En pratique, l’information du salarié sur sa mise à pied conservatoire est le plus réalisée par une mention contenue dans la lettre de convocation en entretien préalable.

En cas d’erreur de l’employeur lors de la convocation en entretien préalable et d’envoi d’une nouvelle convocation, une nouvelle mise à pied conservatoire peut-elle prononcée ou, à tout le moins, la mise à pied initiale peut-elle être maintenue ?

Dans un très récent arrêt, non encore publié sur son site, la Cour de cassation répond par la négative en procédant à une application rigoriste de l’exigence de concomitance entre mise à pied conservatoire et engagement de la procédure disciplinaire.

Les faits sont simples : une salariée, Directrice d’une association, a été convoquée, par lettre du 23 novembre 2012, à un premier entretien préalable fixé au 6 décembre 2012, avec mise à pied conservatoire. A la suite d'une erreur dans le visa des textes conventionnels applicables à la convocation, la salariée a fait l'objet d'une nouvelle convocation, le 5 décembre 2012 ,pour un entretien fixé au 17 décembre 2012, avec maintien de la mise à pied. Elle a été licenciée pour faute grave par lettre du 26 décembre 2012.

Ce licenciement a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par la Cour d’appel de Lyon, dont l’analyse a été validée par la Cour de cassation dans les termes suivants :

« l'engagement de la procédure disciplinaire résulte de la convocation à un entretien préalable à un licenciement ou toute autre sanction disciplinaire ;

…ayant relevé (..) que l'employeur avait par lettre du 5 décembre 2012 annulé le premier entretien préalable auquel la salariée avait été convoquée par lettre du 23 novembre 2012 et qu'il l'avait reconvoquée à un nouvel entretien préalable fixé au 17 décembre 2012, de sorte que l'employeur avait ainsi mis à néant la première procédure disciplinaire, la cour d'appel a pu en déduire que la mise à pied notifiée le 23 novembre 2012 lors de la première convocation à entretien préalable et maintenue par la seconde convocation n'était pas concomitante à l'engagement de la procédure disciplinaire fixé au 5 décembre 2012 et qu'elle devait, à défaut de tout délai justifié par la nécessité de procéder à des investigations, être requalifiée en mise à pied disciplinaire. »

En d’autres termes, en tentant, par une nouvelle convocation, de régulariser une erreur matérielle contenue dans la lettre de convocation en entretien préalable, l’employeur a purgé son droit à sanctionner le salarié et a ainsi torpillé la procédure de licenciement pour faute grave qu’il a engagée.

Sans doute eut-il été préférable pour l’employeur, une fois l’erreur constatée, d’accepter d’encourir une sanction pour irrégularité de la procédure de licenciement au lieu de se priver de son droit à licencier, par une mesure hasardeuse destinée à régulariser la procédure.

Cette seconde erreur a scellé le sort d’une procédure de licenciement initialement mal engagée.

Cette décision rappelle que l’engagement d’une procédure de licenciement est un acte important et que le recours à un professionnel du droit devrait systématiquement être envisagé en amont par l’employeur et non après réception d’une convocation devant le Conseil de prud’hommes !

 

Sources :

Article L. 1332-3 du Code du travail

Cass. soc., 17 octobre 2018, n°16-28.773 (arrêt non publié au jour de publication du présent article)

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