Le recours au télétravail repose, par principe, sur le volontariat des salariés.
Ce principe fait obstacle à la mise en place par l’employeur d’un télétravail imposé aux salariés.
L’article L. 1222-11 du Code du travail prévoit toutefois des exceptions au principe du volontariat en disposant que :
« En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie (…), la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés. »
Un tel aménagement relève donc du pouvoir de direction et d’organisation de l’employeur et peut en conséquence être imposé aux salariés.
Or, dès le 29 février 2020, le Gouvernement a officialisé le passage stade 2 du plan de prévention et de gestion de la crise sanitaire engendrée par le coronavirus, de sorte qu’il n’est pas sérieusement contestable que la condition de « menace d’épidémie » prévue par le Code du travail pour la mise en place unilatérale du télétravail est aujourd’hui remplie.
La réalité de la menace épidémique est confirmée par la mise en place de mesures de confinement de la population depuis le 17 mars 2020.
Dans ces circonstances exceptionnelles, tous les employeurs de droit privé ont donc la faculté de mettre en place le télétravail obligatoire afin de faire face à l’épidémie de coronavirus.
Il est même permis de s’interroger sur le point de savoir si l’absence de mise en œuvre d’une telle mesure, quand elle est possible, ne pourrait pas être considérée, le cas échéant, comme un manquement de l’employeur et ce d’autant que, dès le 16 mars 2020, le Ministère du travail a publié sur son site internet les modalités d’organisation du travail qui doivent être adaptées en indiquant expressément que « le télétravail est la règle impérative pour tous les postes qui le permettent » .
Un salarié contaminé à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail pourrait en effet être tenté de soutenir une telle position et d’engager la responsabilité de son employeur.
Et pour cause, il pèse sur tout employeur une obligation de sécurité à l’égard de son personnel, l’article L. 4121-1 du Code du travail prévoyant ainsi qu’il doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé physique des travailleurs, parmi lesquelles des actions de prévention des risques et de mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
Or, face à la pénurie nationale de solution hydroalcoolique, les « moyens adaptés » sont, pour partie, impossibles à mettre en œuvre…
S’agissant de la mise en œuvre du télétravail obligatoire, le Ministère du travail indique, sans véritable justification juridique, qu’elle peut être réalisée sans formalisme particulier.
Cette position semble en réalité contestable, à tout le moins pour les entreprises pourvues d’un CSE (étant rappelé qu’en cas de litige, la communication du Ministère du travail ne lie pas le juge judiciaire, en raison de la règle constitutionnelle de séparation des pouvoirs).
En effet, le CSE ayant pour mission de promouvoir la santé, la sécurité et l’amélioration des conditions de travail, il a vocation à exercer un rôle de premier plan en cas de nécessité de gérer au sein de l’entreprise une crise épidémique.
En outre, le CSE doit être consulté dès lors que des modifications importantes de l’organisation du travail sont envisagées (art. L. 2312-8 du Code du travail).
Or, et bien que la mise en place du télétravail obligatoire en période épidémique ait vocation à n’être que temporaire, une telle mesure constitue manifestement une modification importante de l’organisation du travail.
En dépit de la position du Ministère du travail, les employeurs désireux d’instaurer le télétravail obligatoire pour faire face à l’épidémie de coronavirus seraient donc bien inspirés de consulter préalablement le CSE, si l’entreprise en est pourvue.
La consultation du CSE peut, dans ces circonstances exceptionnelles, être assurée par voie de visioconférence.
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