« Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire. »

Assemblée nationale, André LAIGNEL, 13 octobre 1981.

 

Les emprunteurs semblent affectés d'un bien faible poids politique face au système bancaire qui obtient au fil des décrets, et parfois de la loi, des mesures de protection contre les actions en réduction du droit du prêteur aux intérêts contractuels.

Cette affirmation n'est pas gratuite:

  1. Le décret 2011-135 est venu réécrire l'article 3 du décret 2002-928 et imposer que le résultat du calcul du TEG s'exprime avec une exactitude d'au moins une décimale;
  2. Une loi du 29 juillet 2014 est venue légaliser les stipulations d'intérêts irrégulières au regard du TEG des prêts consentis aux administrations et réduire la restitution d'intérêts à la différence entre le TEG erroné et le TEG réel;
  3. L'ordonnance 2016-351 est venue doublement plafonner la déchéance des intérêts des prêts immobiliers aux particuliers à 30% des intérêts ou 30 000 € lorsque le TEG de l'offre de prêt est erroné.
  4. L'article 55 de la loi du 10 août 2018 confie au Gouvernement le soin de refondre le régime du TEG avec mission de clarifier et harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs.

Dans ce contexte la Cour de cassation résiste et maintient (pour combien de temps ?) la nullité de la stipulation d'intérêt avec application rétroactive du taux légal dès lors que le TEG du contrat de prêt est erroné de plus d'un dixième de point (Civ 1ère 11 janvier 2017 n°15-28100; Com 29 novembre 2017 n°16-17802) ou que l'intérêt est réellement calculé, pour un particulier, sur une année fictive de 360 jours dite "année lombarde" ou encore "année bancaire".

Les détracteurs du TEG soutiennent qu'il s'agit pour l'emprunteur de profiter d'un effet d'aubaine totalement disproportionné à l'erreur commise et contraire à la sécurité juridique des contrats.

Cette argumentation est artificielle:

  • Une banque est un professionnel des mathématiques financières rompu aux opérations exactes à 4 décimales;
  • Il n'y a pas erreur de calcul mais désinformation de l'emprunteur sur le coût effectif total du crédit (TEG) ou sur le montant réel des seuls intérêts (année lombarde),
  • de sorte que l'emprunteur n'a pas consenti au prix qui va lui être imposé de décaisser.

Cet article 55 de la loi du 10 août 2018 est censé contribuer à moderniser et simplifier l'action publique en faveur des administrés.

Il vise clairement à convertir un régime judiciaire de protection des consommateurs en régime juridique de complaisance envers les banques qui désinforment le public sur le coût des crédits mis sur le marché, et relève manifestement du "cavalier législatif" prohibé par le Conseil constitutionnel.

Tant que la Cour de cassation résistera, il y aura une justice pour protéger les emprunteurs contre les abus des puissants.