Le domaine de l’habitation et de la construction est particulièrement concerné par les phénomènes d’origine naturelle.
Seront ici évoquées quelques règles de prévention, ainsi que de responsabilité et d’assurance relatives à ce domaine.
Les risques naturels représentent pour les acteurs de la construction et de l’assurance une préoccupation de premier plan.
La Fédération Française de l’Assurance a publié, en 2015, une étude intitulée « Impact du changement climatique sur l’assurance à l’horizon 2040 », laquelle faisait état d’un risque d’augmentation, à l’horizon 2040, des dégâts causés par les aléas naturels à hauteur de 90 %.
Seront ici évoquées quelques règles de prévention relative aux risques naturels, la question des responsabilités encourues, ainsi que celle du système d’assurance des catastrophes naturelles.
La prévention
Dans le cadre de la réforme de l’assurance des catastrophes naturelles, l’accent devrait être mis sur la prévention.
Ce souci de prévention n’est cependant pas absent du droit existant.
- Le droit à l’information sur les risques majeurs
L’impératif de prévention se traduit tout d’abord par l’information donnée aux citoyens sur les risques de catastrophes naturelles.
En effet, selon l’article L 125 – 2 du code de l’environnement, « les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concerne ».
Les modalités de cette information et son contenu sont définis par les articles R 125 – 9 et suivants du code de l’environnement, dans une section de ce code intitulée « droit à l’information sur les risques majeurs ».
Par ailleurs, l’article L 125 – 5 du code de l’environnement prévoit une information des acquéreurs ou locataires de biens immobiliers situés dans certaines zones à risques.
Cette disposition prévoit qu’à cet effet un état des risques naturels et technologiques est établi à partir des informations mises à disposition par le préfet.
- Les Plans de Prévention des Risques Naturels Prévisibles
L’instrument essentiel de la prévention des risques naturels est le Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles (PPRNP), régi par les articles L 562-1 à L562-9 du code de l’environnement.
Ce document d’urbanisme a pour objet de délimiter les zones pouvant être affectées par des catastrophes naturelles, et notamment de définir dans ces zones les règles de construction, d’aménagement, ainsi que les règles d’exploitation applicable dans ces zones.
Ce souci de prévention s’est traduit récemment par l’introduction par la loi ELAN (loi n° 2018 — 1021 du 23 novembre 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) d’une obligation pour le vendeur de fournir, en cas de vente d’un terrain non bâti constructible une étude géotechnique, laquelle devra ensuite être transmise pour certaines constructions, aux constructeurs, au sens de l’article 1792 — 1 du Code civil, intervenant sur cet ouvrage (les règles légales relatives à cette étude de géotechnique figurent dans les articles L 112-21 à L 112-25 du code de la construction et de l’habitation. Ces dispositions légales doivent prochainement être complétées par un décret).
Des règles propres aux différents risques majeurs ont été prévues par le législateur.
Pour certains risques, tels que les risques sismiques, où les risques d’inondation, des règles particulières de construction, applicables dans les zones concernées, sont prescrites.
Sera ici également évoquée l’expropriation des biens soumis à des risques de phénomènes d’origine naturelle.
- L’expropriation peut être poursuivie à l’encontre de propriétaires de biens soumis à certains risques naturels.
Selon l’article L 561 – 1 du code de l’environnement l’expropriation peut être poursuivie à l’encontre de propriétaires de biens soumis à certains risques naturels énumérés par cette disposition.
Cette expropriation est soumise à la condition que le risque en cause « menace gravement des vies humaines » et que « les moyens de sauvegarde et de protection des populations s’avèrent plus coûteux que les indemnités d’expropriation ».
Pour en terminer en ce qui concerne la prévention, il convient d’évoquer la règle posée par l’article L 121 – 17 du code des assurances. Lequel prévoit que les indemnités versées en réparation d’un dommage causé à un immeuble bâti doivent être utilisées pour la remise en état de cet immeuble ou pour la remise en état du terrain sur lequel il est situé.
Les responsabilités.
- Les fondements juridiques de la responsabilité
En cas de dommages affectant un ouvrage de construction, après que celui-ci ait été réceptionné, en ce qui concerne la responsabilité contractuelle, les règles prévues par les articles 1792 et suivants du Code civil trouveront application.
Le droit commun de la responsabilité contractuelle, issu de l’article 1231 – 1 du Code civil demeure toutefois applicable sous certaines conditions, et notamment pour certains dommages ne présentant pas un caractère de gravité suffisant pour relever des dispositions de l’article 1792 du Code civil.
En effet, pour les dommages les plus graves affectant un ouvrage, à savoir les dommages « qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui…/… le rendent impropre à sa destination » il est prévu par l’article 1792 du Code civil un régime de responsabilité dérogatoire du droit commun (il convient toutefois que les dommages subis soient imputables aux travaux réalisés).
Selon cette disposition, la responsabilité des constructeurs d’un ouvrage au sens de l’article 1792-1 du Code civil est engagée « de plein droit », c’est-à-dire sans qu’il soit nécessaire de prouver leur faute, et du seul fait de la présence de dommages de la gravité ci-dessus indiquée.
Selon l’article 1792 du Code civil, cette responsabilité est encourue même si les dommages résultent d’un vice du sol.
Pour échapper à cette responsabilité le constructeur doit prouver que les dommages qui affectent l’ouvrage proviennent d’une cause étrangère.
Ceci correspond notamment à l’hypothèse où les dommages sont imputables à un cas de force majeure.
- L’état de catastrophe naturelle n’est pas pour les constructeurs une cause exonératoire de responsabilité
La force majeure est définie par l’article 1218 du Code civil.
Un événement de force majeure est un événement imprévisible.
Il doit de surcroît être irrésistible :
Selon l’article 1218 du Code civil, l’événement de force majeure est un événement « qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées ».
Il a été jugé que certains dommages imputables à des phénomènes d’origine naturelle n’exonèrent pas un constructeur de sa responsabilité, et ne peuvent s’analyser en des cas de force majeure, dès lors qu’ils n’étaient ni imprévisibles ni irrésistibles.
De surcroît, en la matière, il est indiqué par l’article 1792 du Code civil que les constructeurs d’un ouvrage sont également responsables des dommages résultant d’un vice du sol.
Ainsi, nombre de décisions ont exclu que le constructeur d’un ouvrage puisse s’exonérer de la responsabilité prévue par l’article 1792 du Code civil dans l’hypothèse de la sécheresse.
Ceci vaut même si un arrêté de catastrophe naturelle a été rendu.
En effet, selon la Cour de cassation, même en présence d’un arrêté de catastrophe naturelle, les conditions d’existence de la force majeure peuvent ne pas être réunies.
À titre d’exemple, sera cité sur ce point un arrêt rendu par la Cour de cassation le 28 novembre 2001 (Civ. 1ère, 28 novembre 2001, n° 00-14. 320).
Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision de la Cour de cassation étaient en cause des fissurations aggravées du fait de mouvements de terrain consécutifs à un phénomène de sécheresse.
Les premiers juges avaient retenu la responsabilité de l’architecte, de la société ayant réalisé l’étude de béton, ainsi que de leurs assureurs.
Ceux-ci avaient formé un pourvoi en cassation à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel au motif que l’imputabilité même partielle, d’un désordre de construction à une catastrophe naturelle déclarée comme telle est de nature à exclure la garantie due au maître de l’ouvrage par les constructeurs, alors qu’en dépit des dispositions prises par eux ils ne pouvaient en prévenir les effets.
La Cour de cassation rejette cette argumentation, et approuve la cour d’appel d’avoir « retenu que les constructeurs ne pouvaient justifier que l’état de sécheresse avait constitué pour une cause d’exonération qui leur soit étrangère ».
En dehors des hypothèses de force majeure, en présence de dommages imputables à des phénomènes d’origine naturelle, si les conditions de cette responsabilité sont réunies, la responsabilité décennale des constructeurs pourra être recherchée.
En application de l’article L 241-1 du code des assurances, celle-ci est obligatoirement assurée.
Si en revanche, la responsabilité décennale des constructeurs de l’ouvrage en cause ne peut être engagée, et si leur assurance de responsabilité ne peut jouer, les dommages en cause peuvent relever de l’assurance des catastrophes naturelles.
L’assurance des catastrophes naturelles
- Le régime de l’assurance des catastrophes naturelles
L’assurance des catastrophes naturelles est régie par les articles L 125-1 et suivants du code des assurances.
Cette garantie est obligatoirement adjointe aux contrats d’assurance garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France.
Le jeu de l’assurance des catastrophes naturelles est subordonné à certaines conditions, qui sont les suivantes :.
1. En premier lieu, l’état de catastrophe naturelle doit être constaté par un arrêté interministériel ;
2. En second lieu, les dommages pour lesquels est sollicitée l’indemnisation de l’assureur doivent avoir eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel ;
Il appartiendra à l’assuré de prouver que les dommages matériels qu’il subit, et dont il entend obtenir l’indemnisation auprès de l’assureur, ont une catastrophe naturelle pour cause déterminante.
Une cour d’appel ne peut donc considérer que la publication d’un arrêté reconnaissant l’état de catastrophe naturelle suffit, et qu’il découle de celui-ci une présomption sur le caractère déterminant de la catastrophe naturelle (Civ. 2ème, 15 décembre 2011, n° 10 – 27 564)
Si, une catastrophe naturelle doit être la cause déterminante des dommages, pour que soit mise en œuvre l’assurance des catastrophes naturelles, il n’est toutefois pas nécessaire qu’elle en soit la cause exclusive.
Ainsi, il a été reconnu que devait s’appliquer l’assurance des catastrophes naturelle, en dépit d’un vice de construction affectant les fondations du bâtiment sinistré, dès lors qu’il était par ailleurs établi que les désordres « trouvaient leur cause directe et déterminante dans [un] épisode de sécheresse exceptionnelle classé en catastrophe naturelle ».
Pour ce faire, la Cour de cassation affirme préalablement que « l’article L 125 – 1 du code des assurances n’exige pas que l’agent naturel constitue la cause exclusive des dommages » (Civ. 2ème, 29 mars 2018, ° 17 – 15 017).
À l’inverse, l’assurance relative aux catastrophes naturelles ne jouera pas, si les dommages, bien que survenus à l’occasion d’un phénomène reconnu comme étant une catastrophe naturelle, préexistaient à celui-ci, et n’ont été révélés qu’à cette occasion (Civ. 3ème, 17 février 2019, n° 17 – 31 083).
Les faits soumis à la Cour de cassation portaient sur l’effondrement de murs de soutènement à l’occasion de pluies importantes.
3. En troisième lieu, Selon la loi, les dommages pris en compte au titre de l’assurance des catastrophes naturelles sont ceux qui sont survenus alors que « les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises ».
Les dommages subis doivent donc être inévitables.
4. Enfin, selon l’article L 125 – 1 du code des assurances, seuls les dommages « matériels directs » seront pris en charge au titre de l’assurance des catastrophes naturelles.
Les dommages réparés au titre de cette assurance sont donc des dommages matériels.
Il doit de surcroît, selon l’article L 125 – 1 du code des assurances, s’agir de dommages « directs », c’est-à-dire de dommages ayant la catastrophe naturelle pour cause immédiate.
Ainsi, il a été jugé que ne constitue pas un dommage matériel direct, réparable au titre de l’assurance des catastrophes naturelles, la démolition d’immeubles en application de décisions de l’administration, elles-mêmes consécutives à une crue (Civ. 1ère 7 mai 2002, n° 99 – 11 174).
Néanmoins, un auteur constatait, en 2015, la « disparition progressive » de la condition relative au caractère "direct" du dommage, dans les arrêts rendus par la Cour de cassation (« Du caractère direct du dommage matériel résultant d’une catastrophe naturelle » — Anne Pélissier — Revue Générale de Droit des Assurances, juin 2015, page 310).
Quel avenir pour l’assurance des catastrophes naturelles ?
Le système actuel d’assurance des catastrophes naturelles, mis en place en 1982, a fait ses preuves.
Toutefois, pour répondre aux défis qui s’annoncent, une réforme de l’assurance des catastrophes naturelles a été annoncée par le Président de la République à l’automne dernier.
Dans ce cadre, l’accent devrait être mis sur la prévention.
En ce qui concerne l’assurance, une étude établie par la Fédération Française de l’Assurance suggère, entre autres, de transférer l’indemnisation de certain sinistre au régime de l’assurance de responsabilité décennale des constructeurs, laquelle peut être mise en jeu pendant le délai de 10 ans à compter de la réception d’un ouvrage (Etude intitulée « Pour une meilleure prévention et protection contre les aléas naturels » 2016).
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