Les Français établis à l'étranger et la nationalité française – Panorama de jurisprudence concernant la perte de la nationalité française par non usage ou désuétude (articles 30-3 et 23-6 du Code civil)
La loi française instaure une limite à la transmission de la nationalité française dans le temps pour les Français établis à l'étranger :
- l’article 30-3 du Code civil prévoit une fin de non recevoir à l’action déclaratoire de nationalité
- l’article 23-6 du Code civil prévoit les modalités de la constatation de la perte de la nationalité dans le cas où cette fin de non recevoir serait retenue
Quelles sont les personnes concernées?
La désuétude ne concerne que les personnes de nationalité française par filiation – ne sont donc pas concernées les Français dont la nationalité aurait un autre fondement par exemple un titre (Cour d’appel de Paris, 6 mars 2008, RG 06/21913)
Quelles sont les conditions ?
La réunion de quatre conditions cumulatives est nécessaire. Deux concernent le demandeur, une ses ascendants et une celui de ses père et mère dont il tient la nationalité française.
- concernant le demandeur :
- il doit résider ou avoir résidé habituellement à l'étranger
- et ne pas avoir eu la possession d'état de Français
- concernant ses ascendants dont il tient la nationalité française : ils doivent être demeurés fixés à l'étranger depuis plus un demi siècle
- concernant celui de ses père et mère qui a été susceptible de lui transmettre la nationalité française : il ne doit pas avoir eu la possession d'état de Français
Quels sont les points discutés ?
- Le point de départ du délai de 50 ans
La jurisprudence considère que c'est le jour de fixation de l'ascendant à l'étranger - déménagement de France vers l'étranger ou accession à l'Indépendance des territoires anciennement français (voir, par exemple, Tribunal de Grande Instance de Paris, 27 avril 2017, RG 15/14626).
- Les conditions d'application de ce délai de 50 ans
Les personnes dont un ascendant a fixé sa résidence en France ou est décédé avant l'écoulement de la période de 50 ans ne peuvent se voir opposer la fin de non recevoir tirée de la désuétude (Cour d’appel de Paris, 21 juin 2016, RG 15/16104 et Cour d’appel de Paris, 21 juin 2016, RG 15/16092).
La question plus difficle à résoudre est de savoir si la condition de l’écoulement du délai de cinquante ans s’applique seulement à l’absence de résidence en France ou également à la possession d’état de français.
Cette question vient de faire l'objet de revirement de jurisprudence particulièrement rapide de la Cour de cassation :
- Par un arrêt du 13 juin 2019 (Civ 1ère, 13 juin 2019, 18-16.843, Publié au bulletin), la Cour de cassation a indiqué que le texte de l’article 23-6 du Code civil interdit, dès lors que les conditions qu’il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude.
- La Cour de cassation avait auparavant considéré, au visa des articles 30-3 du code civil et 126 du Code de procédure civile, que le juge doit apprécier les conditions d’application de la fin de non-recevoir au moment où il statut (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 février 2018, 17-14.239, Publié au bulletin).
Cette question a une incidence pratique particulièrement importante : une personne dont un ascendant a la possession d'état de Français (par exemple, un passeport, un carte nationale d'identité ou un inscription consulaire, en particulier suite à une décision de justice) postérieurement à la période de 50 ans qui suit sa fixation à l'étranger est-elle recevable à apporter la preuve qu'elle est française par filiation.
L'importance pratique de cette question avait d'ailleurs conduit les élus de l'Assemblée des français de l'étranger à interroger le Ministère de la Justice qui avait répondu en 2012 : « Il en résulte que le délai de cinquante ans ne s’applique pas à la possession d’état de Français de l’ascendant. La condition de perte de la nationalité française par désuétude relative à l’écoulement d’un délai de cinquante ans ne s’applique qu’à l’absence de résidence en France de l’ascendant. » voir Question écrite de l’Assemblée des Français de l’étranger session de juin 2012 Question 9
On peut donc s'interroger sur la valeur de l'obligation d’information du public des dispositions en vigueur en matière de nationalité prévu par l'article 21-7 alinéa 2 du Code civil.
Il sera observé que l’article 21-14 du Code civil permet à la personne dont la nationalité française est tombée en désuétude d’effectuer une déclaration pour réclamer la nationalité française, en apportant la preuve :
- soit qu’elle a conservé ou acquis avec la France des liens manifestes d’ordre culturel, professionnel, économique ou familial,
- soit qu’elle a accompli des services militaires ou combattu dans les armées françaises ou alliées par temps de guerre
Pouvez-vous m'accorder une réponse, s'ils vous plaît?
Cordialement
BM