Dans un arrêt du 20 novembre 2020[1], la Cour d’appel de Paris a condamné la société Webedia, éditrice du site www.shopoon.fr, dénommé PureShopping, pour concurrence déloyale « en utilisant la marque Bonpoint afin d’attirer la clientèle et de lui proposer des articles d’autres marques pour tenter de générer du trafic sur le site qu’elle édite ».

En l’espèce, la société Webedia est éditrice de la marketplace PureShopping (https://www.shopoon.fr/), présentée comme un guide d’achat de mode et de décoration en ligne permettant la mise en relation des internautes avec des sites marchands de commerce en ligne.

La société Bonpoint, quant à elle, est spécialisée dans la confection et la vente de vêtements haut de gamme pour enfants et commercialise ses fins de série par le biais de distributeurs en ligne spécialisés.

La marketplace PureShopping mettait en avant sur son site des produits de la marque Bonpoint. Or, la société Bonpoint a constaté, comme le confirme un constat d’huissier, que 93% de ses produits présentés sur la marketplace PureShopping étaient indisponibles à la vente. Ainsi, l’internaute, cliquant sur les articles Bonpoint, était renvoyé sur des produits concurrents similaires.

Considérant que les pratiques d’affichage des produits de la société Webedia lui paraissaient être constitutives de concurrence déloyale, la société Bonpoint assigna la marketplace PureShopping devant le tribunal de commerce de Paris. Ses demandes ayant été rejetées, elle interjeta ensuite appel de ce jugement afin de voir condamner la société Webedia pour pratiques commerciales trompeuses et concurrence déloyale.

Ainsi, les problématiques alors soulevées sont les suivantes :

• La présentation des produits indisponibles et leur diffusion durant 30 jours sur le site www.shopoon.fr constitue-t-elle une pratique commerciale trompeuse ?

• Une marketplace qui renvoie l’internaute, amené à cliquer sur des articles indisponibles, à des articles concurrents, commet-elle un acte en concurrence déloyale ?

En premier lieu, la Cour confirme le jugement du Tribunal de commerce qui avait rejeté les demandes de la société Webedia fondées sur les pratiques commerciales trompeuses. A ce titre, la Cour rappelle qu’une pratique commerciale est trompeuse si « elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur » et portant notamment sur « l’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service » (L.121-2 2° Code de la consommation). La Cour estime donc que la présentation de la disponibilité réelle des produits sur le site www.shopoon.fr est « suffisamment claire et explicite » pour le consommateur, les articles disponibles étant distingués des articles indisponibles par la mention « voir l’offre », mention « écrite en lettres blanches dans un cartouche de couleur noire, inscrite juste en dessous de l’article. »                                       

Mais en second lieu, la Cour d’appel de Paris condamne la société Webedia pour avoir commis des actes de concurrence déloyale en présentant, en première page de son site www.shopoon.fr, 93 % des articles Bonpoint indisponibles et en renvoyant l’internaute désireux d’acheter ces derniers vers des produits concurrents similaires. La Cour estime donc que la société Webedia a utilisé « la marque Bonpoint afin d’attirer la clientèle et de lui proposer des articles d’autres marques pour tenter de générer du trafic sur le site qu’elle édite ». Il est important de noter que la société Webedia, éditrice de la place de marché PureShopping, est rémunérée sur la base des clics redirigés vers les sites marchands partenaires.

Ce que nous retenons de cette décision :

  • La pratique commerciale n’est pas caractérisée si le consommateur n’est pas induit en erreur et que la présentation et la disponibilité des produits (disponible/indisponible) sur le site ne sont pas susceptibles d’altérer son comportement,
  • Toutefois, l’acte de concurrence déloyale est caractérisé puisque la place de marché avait conscience de l’indisponibilité des produits de la marque Bonpoint et en a profité abusivement pour renvoyer l’internaute vers un autre site marchand concurrent qui lui génère (par le nombre de clics) une augmentation de sa rémunération.

[1] Cour d’appel de Paris, pôle 5 – ch. 2, arrêt du 20 novembre 2020

https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-paris-pole-5-ch-2-arret-du-20-novembre-2020/