Le premier Code civil chinois a été adopté en mai 2020 et entré en vigueur le 1er janvier 2021. Bien que ce Code s’adresse essentiellement aux Chinois et aux relations entre les ressortissants chinois, il pourrait avoir des impacts sur les étrangers ou les entreprises étrangères, lors que la loi chinoise est désignée par les règles de conflit dans une affaire ayant un élément d’extranéité.

Face à cet événement, plusieurs questions se posent : Pourquoi un premier Code civil en 2020 ? Y a-t-il des nouveautés ? Quelles sont les particularités notamment en matière civile et commerciale ?

 

Pourquoi un premier Code civil en 2020 ?

Historiquement, dans la Chine impériale, il n’y avait pas une codification au sens strict. Chaque dynastie a promulgué un code qui comprenait tous les textes légaux civils et pénaux et qui était essentiellement destiné à l’administration du pays.

Sous l’influence de l’Occident, les premiers travaux de codification commencèrent pendant la République de Chine (1912-1949).

Au début de la République populaire de Chine, les tentatives de codification ont toutes échoué pour des raisons politiques. Afin de fixer rapidement un moyen d’action au profit de l’économie, en 1986 le gouvernement avait adopté les Principes généraux du droit civil, au fur et à mesure de nombreuses règles d’applications ont été promulguées, mais ces diverses sources de droit manquaient souvent de cohérence et de continuité.

Aujourd’hui, la Chine s’ouvre à une économie de marché de plus en plus mondialisée et numérisée. La volonté d’avoir un droit civil plus cohérant et accessible et l’intention d’accélérer et d’approfondir l’ouverture économique pourraient être considérées comme les raisons principales de cette codification.

L’élaboration du Code civil a été décidée en mars 2015. Après des années de travail, les principes généraux ont été adoptés le 15 mars 2017 et sont entrés en vigueur le 1er octobre 2017 ; les autres livres ont été adoptés le 28 mai 2020, avec une entrée en vigueur le 1er janvier 2021.

 

Des nouveautés

Une structure inspirée du droit allemand mais à la chinoise

Composé de 1260 articles, le Code civil chinois se structure en sept livres : partie générale, droits réels, contrats, droits de la personne, mariage et famille, successions et responsabilité.

Ce Code distingue clairement les principes généraux des règles d’application. La partie générale est consacrée à toutes les institutions qui jouent le rôle général dans l’ensemble du droit privé, notamment la personne physique, la personne morale, les règles générales des actes juridiques pour les délais, les prescriptions, les responsabilités civiles et pour la représentation.

Ensuite, les livres sur les biens, les contrats, les droits de la personne, le mariage et la famille, les successions et la responsabilité se trouvent tous dans la deuxième partie.

C’est une structure qui est proche du droit allemand, bien que le Code civil chinois ne contienne pas de livre sur les obligations comme c’est le cas dans le Code civil allemand.

Par souci de cohérence des décisions judiciaires avant et après l’entrée en vigueur du Code, les obligations ont été incorporées dans le livre du contrat. Cela a bien entendu suscité de nombreux débats.

Le développement durable, les donnés privées et le numérique

Le Code civil chinois présente certain niveau de modernité, notamment sur le développement durable, sur la protection des données privées et sur le rôle du numérique.

Ainsi, au cours de l’exécution du contrat, les parties doivent éviter le gaspillage, la pollution environnementale ou la destruction écologique (article 509).

Dans le domaine numérique, le Code aborde pour la première fois la notion de « données privées » :  il est interdit à une entreprise et au gouvernement d’accéder à des informations de données privées sans un consentement préalable (article 1034).

Ainsi, dans la hiérarchie des preuves, le Code civil chinois reconnait le rôle du numérique : échange de courriel vaut preuve littérale (article 469).

 

Des particularités en matière familiale

Sous l’influence du Confucianisme qui est le socle de la civilisation chinoise, en matière familiale, le Code civil chinois présente des particularités assez traditionnelles.

D’abord sur le mariage, le mariage et la famille sont protégés par l’État. Cette protection est essentiellement pour mission de promouvoir les vertus familiales qui se traduisent par le respect, l’entraide, la compassion et la discrétion (article 1041).

Il convient de noter que le mariage défini par le Code est une union entre deux personnes de sexe opposé, le mariage homosexuel n’est donc pas reconnu par le droit chinois.

Le Code a fixé les âges des époux pour le mariage : 20 ans pour les filles et 22 ans pour les garçons. Dans la famille, la femme est égale de l’homme. Les époux sont indépendants et ils ne doivent pas s’immiscer dans la vie professionnelle ou la vie sociale de l’autre. L’enfant naturel est égal de l’enfant légitime. Les demi-frères et demi-sœurs sont égaux.

Le régime matrimonial est une communauté. Le partage de la communauté est librement convenu par les époux. Le bien se partage par la moitié, mais les époux peuvent le décider autrement.

En cas de divorce, contrairement à la loi française qui exige que l’enfant soit entendu par le juge, les enfants chinois ne doivent pas être impliqués dans le divorce de leurs parents.

L’adoption est purement contractuelle, l’intervention du juge n’est donc pas nécessaire. Tant que l’enfant est mineur, la famille biologique et la famille adoptive peuvent mettre fin à l’adoption par convention. Une fois que l’enfant devient majeur, un accord entre la famille adoptive et l’adopté est suffisant pour rompre leur relation adoptive. 

En cas de la succession, en principe, un enfant adopté est exclu de la succession dans sa famille d’origine, mais si l’adopté s’est occupé des parents adoptifs et aussi des parents biologiques, en plus d’hériter de l’héritage des parents adoptifs, il peut également hériter de l’héritage des parents biologiques.

 

Des particularités en matière contractuelle

Au service de l’économie, la modernisation du droit des contrats est un des motifs principaux de la codification. Le livre III sur le contrat a donc une importance capitale. Cela se traduit par la quantité des articles et par le périmètre du texte.

Tout d’abord il est intéressant de constater que parmi les 1260 articles du Code civil chinois, 526 articles, c’est-à-dire presque la moitié du texte, sont consacrés au contrat.

En la forme, la matière est répartie en deux partie. La première partie est consacrée à la théorie générale des contrats. La deuxième partie comprend une série de dispositions propres à des contrats spéciaux : la vente, la donation, le prêt, le cautionnement, le bail, le contrat de prestation de service et quelques contrats commerciaux.

Puisqu’il n’y a pas de distinction du code civil et du code de commerce. Les contrats commerciaux tels que le contrat de courtage, le contrat d’agent commercial, le contrat de crédit-bail, etc. figurent dans le Code civil. Par ailleurs, des contrats administratifs sur l’eau et sur l’électricité se trouvent également dans le nouveau Code civil.

Sur le fond, la formation du contrat obéit au principe du consensualisme. Selon les premiers articles, le contrat n’a pas besoin d’être conclu dans une forme prédéfinie pour accéder à la forme juridique. Les négociations contractuelles sont dominées par l’impératif de bonne foi et par le principe de respect de la confidentialité.

Le texte du contrat peut être rédigé en une ou plusieurs langues. Dans le cas où les parties ont accordé à chaque version la valeur officielle, les mots et les phrases utilisés dans chaque version sont présumés avoir le même sens. En cas de désaccord sur la signification d’une clause, l’interprétation se réfèrera aux clauses ayant un lien étroit avec cette clause, à la nature et à l’objet du contrat et au principe de bonne foi (article 466).

Au sujet de l’exécution du contrat, une exécution doit respecter le principe de la force obligatoire des conventions et le principe de loyauté contractuelle. La loyauté perdure même après l’extinction des obligations entre les parties.

Le Code chinois se soucie beaucoup de l’équilibre contractuel. La clause abusive dans les contrats d’adhésion est nulle, lorsqu’elle crée un déséquilibre trop flagrant entre les droits et obligations des parties. Et elle doit être interprétée contre celui qui l’a imposée à l’autre partie (article 496).

Par rapport à la théorie générale française des obligations, compte tenu de la différence culturelle, une des particularités encore plus remarquable est la place de l’État dans la sphère contractuelle.

En cas d’ambiguïté du contrat, le contrat sera exécuté suivant les standards recommandés par l’État. Alors qu’en France, le contrat serait interprété suivant les usages de la profession.

Les parties peuvent se référer au prix recommandé par le gouvernement en cas de désaccord dans la détermination du prix (article 511).

Lorsque les parties effectuent des actes attentatoires à l’intérêt de l’État ou à l’intérêt général de la société, le département chargé de la surveillance et de la régulation du marché doit les surveiller ou les réguler conformément aux lois et règlements (article 534).

 

Bien évidemment, il y a beaucoup de spécificités du nouveau Code mériteraient d’être développées davantage. Les exemples mentionnés ici montrent déjà que le Code civil chinois présente un caractère à la fois traditionnel et moderne et que l’état de droit chinois évolue rapidement. Garder un œil attentif sur ce Code, nous permettrait de nous adapter mieux à l’évolution du droit civil et du droit des affaires en Chine.