L'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 11 septembre 2024, n° 23-12.6956 risque bien de faire couler beaucoup d'encre du moins dans les prétoires.
Pour mémoire, il était acquis que la caution d'un compte courant de société pouvait être appelée sitôt le prononcée de la liquidation judiciaire de la société cautionnée.
Désormais, ce ne sera plus le cas, et la Cour de Cassation rappelle les fondamentaux de la procédure collective pour aligner le régime jurdique de la convention de compte sur le régime général des contrats.
L'arrêt se veut didactique, et la Cour prenant soin d'expliquer les raisons de son revirement :
6. Selon l’article L. 641-11-1, I, alinéa 1er, introduit dans le code de commerce par l‘ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d’un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l’ouverture ou du prononcé d’une liquidation judiciaire.
7. Ce texte, entré en vigueur le 15 février 2009, a transposé à la liquidation judiciaire les règles identiques résultant de l’article L. 622-13 du code de commerce édictées pour la sauvegarde et rendues applicables au redressement judiciaire par l’article L. 631-14 de ce code.
8. Un arrêt de la Cour de cassation a jugé que le compte courant d’une société étant clôturé par l’effet de sa liquidation judiciaire, il en résultait que le solde de ce compte était immédiatement exigible de la caution (Com., 13 décembre 2016, pourvoi n° 14-16.037, Bull.2016, IV, n° 156).
9. Cet arrêt, dont la solution n’a pas été reprise par la jurisprudence ultérieure, a suscité critiques et interrogations de la doctrine.
10. En effet, le compte courant non clôturé avant le jugement d’ouverture constitue un contrat en cours, de sorte qu’en l’absence de disposition légale contraire, les textes précités lui sont applicables.
11. Dès lors, la jurisprudence rappelée au paragraphe 8 doit être abandonnée. Il convient en conséquence de juger désormais que l’ouverture ou le prononcé d’une liquidation judiciaire n’a pas pour effet d’entraîner la clôture du compte courant du débiteur.
11. Après avoir énoncé à bon droit que le compte courant étant un contrat en cours, sa résiliation ne pouvait résulter de l’ouverture de la liquidation judiciaire, l’arrêt en a déduit exactement que la clôture du compte n’étant pas intervenue, le solde n’est pas devenu exigible, de sorte que la caution n’est pas tenue.
La portée de cet arrêt est importante pour les banques, lesquelles ne peuvent plus se prévaloir du simple prononcé d'une liquidation judiciaire pour appeler les cautions garantes du fonctionnement du compte courant.
Dans ces conditions, la banque devra s'assurer au préalable que le liquidateur a bien pris l'initiative de résilier le contrat en application des dispositions de l'article L.641-11-1 du code de commerce.
Elle pourra encore tenter de faire usage du paragraphe III de cet article :
"III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :
1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant au liquidateur et restée plus d'un mois sans réponse."
Enfin et à tout moment, elle pourra dénoncer les concours octroyés à la société sur le fondement de l'article L313-12 du code monétaire et financier, l'alinéa 2 la dispensant même de respecter le délai de préavis de 60 jours.
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