Est-ce qu'un expatrié pense à sa sucession? Probablement pas, mais il devrait!

Le 17 août 2015 est entrée en vigueur le Règlement Européen sur les successions internationales (Règlement UE n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (JOUE du 27 juillet 2012 – L 201/107)

Ce Règlement a été signé par tous les pays de l’Union Européenne à l’exception du Danemark, du Royaume-Uni et de l’Irlande.

La succession devient internationale lorsqu’un élément d’extranéité existe dans une succession. C’est notamment le cas lorsqu’une personne décède dans un pays où elle a sa résidence habituelle et qu’elle détient des biens (meubles ou immeubles) à l’étranger.

Jusqu’à l’entrée en vigueur de ce règlement, les règles appliquées en France étaient différenciées selon la nature des biens. Ainsi, pour les biens meubles (comptes bancaires, parts de société, œuvres d’art, mobilier...), c’était la loi du dernier domicile du défunt qui s’appliquait. Pour les biens immobiliers, on se référait à la loi du pays dans lequel ils étaient situés. Dans ce dernier cas, la loi française renvoyait à l’application d’une loi étrangère.

•    Qu’est ce qui a changé en matière de succession le 17 août 2015 ?

Les biens du défunt (mobiliers et immobiliers) ne sont plus scindés en deux ensembles : ils seront régis par la même loi.

Cette loi sera celle de l'Etat dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, ou celle de la nationalité du défunt s’il l’avait désignée avant son décès comme loi applicable au règlement de sa succession.

A titre d’exemple, on peut citer le cas de la succession d’un Français qui a décidé de s’installer au Portugal.

S’il n’a pas pris la précaution, avant son changement de résidence, de désigner la loi française pour régir sa succession, ce sera alors la loi portugaise qui s’appliquera pour l’ensemble de ses biens, quel que soit le lieu où ils se trouvent.

Pour renvoyer à la loi française, il est donc nécessaire qu’elle soit explicitement désignée dans le cadre de dispositions de dernières volontés, notamment d’un testament.

Le Règlement ayant une application universelle, la loi de la résidence habituelle pourra être celle d’un Etat non partie au Règlement Européen.

Il convient de rappeler que la protection du conjoint et des enfants varie d’un Etat à l’autre. Il est donc fortement conseillé de se renseigner auprès d’un notaire sur les lois en vigueur dans le pays d’accueil.

•    Qu’en est-il des incidences fiscales ?

La fiscalité des successions internationales n’est pas modifiée par la réforme.

Il faut bien faire la distinction entre le règlement civil de la succession et le règlement fiscal (droits de mutation)

Par le règlement civil il faut comprendre : la désignation des héritiers, leur part dans la succession et le partage. Tandis que pour le règlement fiscal, il faut comprendre : déclaration de succession et paiement des droits aux services fiscaux.

Le principe est que l’Etat où le défunt avait son domicile est en droit de taxer l'ensemble des biens présents dans le patrimoine mondial du défunt au jour de son décès.

En France, ce principe est rappelé par l’article 750 ter du Code Général des Impôts qui dispose que le patrimoine du défunt sera soumis aux droits de mutation en France :

1°) lorsque le défunt avait son domicile en France

2°) Lorsque le défunt possédait des biens en France

3°) Lorsque les héritiers ou légataires ont été domiciliés en France pendant au moins 6 ans lors des 10 dernières années précédant celle au cours de laquelle il reçoit les biens.

Compte tenu de ces règles, il est possible que certains biens soient taxés dans plusieurs pays. Aussi, l’article 784 du Code Général des Impôts prévoit que dans les 1° et 3° sus-énoncés, l’impôt payé à l’étranger pourra être déduit de l’impôt payé en France.

Sur le terrain fiscal, si les droits de succession portugais, en ligne directe ou entre conjoint, ont été abrogés depuis 2003 (décret n°287/2003 du 12/11/2003), il n’en demeure pas moins que l’administration fiscale française sera susceptible de taxer la succession.

En effet, les biens situés à l’étranger seront taxés en France, alors même qu’ils ne le seront pas au Portugal.

Ainsi, les héritiers résidant en France subiront donc la fiscalité successorale française comme si le défunt n’avait jamais quitté le territoire.

Dès lors, choisir de s’installer dans un pays tiers sans avoir à l’esprit toutes ces questions, peut être source de difficultés, si elles ne sont pas anticipées.