Harcèlement, mise au placard, dénigrement... nombreuses peuvent être les mesures incitatives à la démission déployées par l’entreprise qui souhaite se séparer d’un salarié en faisant l’économie des indemnités de départ.

Les salariés seniors sont les premiers concernés, et ce, à l’heure où l’allongement de la durée du travail doit nous interroger sur leur préservation dans l’emploi.

Pourtant, lorsque les conditions de travail sont devenues à ce point délétères que la santé du salarié est directement en danger, la rupture de la relation de travail peut parfois représenter pour le salarié la seule perspective possible.

Or, l’unique mode de rupture du contrat à l’initiative du salarié prévu par le Code du travail est la démission, laquelle exclut toute indemnité de départ et n’ouvre pas droit au versement des allocations Pôle Emploi.

La démission est donc une décision lourde de conséquences, privative de tout droit pour le salarié. 

Comment alors obtenir la rupture du contrat de travail sans perdre l’intégralité de ses droits ? 

La rupture du contrat peut intervenir à l’initiative de l’employeur, dans le cadre d’un licenciement, ou sur décision de justice, dans le cadre d’une résiliation judiciaire prononcée par le Conseil de Prud’hommes.

Si en droit français le salarié ne peut jamais contraindre l’employeur à engager une procédure de licenciement, lorsque l’état de santé du salarié rend impossible son maintien dans l’emploi, une déclaration d’inaptitude du salarié impose à l’employeur d’engager une procédure de licenciement et, de facto, de verser l’indemnité légale de licenciement.

La reconnaissance d'inaptitude au poste peut ainsi constituer une alternative permettant au salarié en souffrance de quitter l'entreprise en bénéficiant des indemnités de départ, et lui permettant d'être élligible aux allocations Pole Emploi, ne serait-ce que le temps de se reconstruire. 

La déclaration d’inaptitude est une décision qui relève de l’appréciation du seul médecin du travail. Le salarié en situation de souffrance a donc intérêt à le tenir régulièrement informé de ses difficultés, de son état de santé et des soins suivis afin que, le cas échéant, le médecin soit le mieux à même d’apprécier son inaptitude dans l’entreprise.  

Un licenciement intervenu dans le cadre d’une procédure d’inaptitude n’interdit pas au salarié de travailler immédiatement après dans une autre entreprise et le salarié conserve par ailleurs la possibilité de contester la rupture, pendant un an, devant le Conseil de Prud’hommes s’il parvient à démontrer que l’inaptitude a été consécutive à des manquements de l’employeur.

Le salarié en situation de souffrance au travail a sinon également la possibilité de demander en justice la rupture du contrat aux torts de son employeur.

Il a en effet été jugé qu’un salarié peut saisir le Conseil de Prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire en cas de manquements de son employeur. Les manquements de l'employeur doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail (Cass. soc., 15 mars 2005, n°03-42.070 ; Cass. soc., 26 mars 2014, n°12-21.372).

L'appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. soc., 15 mars 2005, n°03-41.555).

Il s’agit ainsi de saisir le Conseil de Prud’hommes aux fins de faire valoir que les pratiques de l’employeur constituent des manquements suffisamment graves qu’ils rendent impossible la poursuite de la relation de travail.

Si ces manquements, souverainement appréciés par les juges, sont jugés suffisamment graves, le Conseil des Prud’hommes prononce la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur et sa condamnation aux versement de l’indemnité légale de licenciement ainsi qu’au versement d’une indemnité pour rupture abusive du contrat.

Cette procédure peut par ailleurs parfaitement être engagée dans le même temps qu'une éventuelle procédure en reconnaissance d’inaptitude, ce notamment pour permettre au salarié dont la santé est en danger une sortie plus rapide de l’entreprise.

En effet, si la procédure judiciaire présente l’intérêt majeur pour le salarié de faire reconnaitre la responsabilité de l’employeur, la principale réserve tient généralement aux difficultés de preuves dans ce type de contentieux et à la durée de la procédure judiciaire pendant laquelle le salarié demeure aux effectifs.