Dans le contexte exceptionnel d’urgence sanitaire, de très nombreuses entreprises ont eu recours au dispositif d’activité partielle – appelé également chômage partiel, ou technique – qui permet à un employeur de dispenser d’activité tout ou partie des salariés d’une entreprise.  

Afin de limiter les conséquences économiques de l’épidémie de Covid-19 sur l’activité des entreprises, l’Etat a assoupli la procédure de dépôt des demandes d'activité partielle. Au 1er avril 2020, le Ministère du Travail recensait ainsi 3,6 millions de salariés couverts par le chômage partiel.

Cette période de dispense exceptionnelle d’activité interroge les conditions d’exécution de la relation de travail. On pense notamment aux commerciaux et VRP dont le chômage technique rend impossible la réalisation des objectifs unilatéralement définis par l’employeur en début d’exercice.

 

La rémunération variable est-elle intégrée dans l’indemnité de chômage partiel ?

L'article R.5122-18 du code du travail prévoit que : 

« Le salarié placé en activité partielle reçoit une indemnité horaire, versée par son employeur, correspondant à 70 % de sa rémunération brute servant d'assiette de l'indemnité de congés payés telle que prévue au II de l'article L. 3141-24 ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat de travail. »

Or, l'indemnité prévue au II de l'article L. 3141-24 du code du travail est équivalente « au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler ». 

Il ressort de ces textes que le salarié au chômage partiel doit percevoir, sur les heures non travaillées, 70% de la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler, soit environ 84% de son salaire horaire net. 

Se pose alors la question de savoir si les primes et commissions doivent être inclues dans l'assiette de référence pour le calcul de cette rémunération maintenue à 70%. 

De jurisprudence constante, la part variable de la rémunération du salarié doit être incluse dans l'assiette de calcul de l'indemnité de congés payés lorsqu’elle est assise sur des résultats produits par le travail personnel du salarié, peu important son paiement à l'année et son calcul en fonction des résultats de la société. (soc. 24 sept. 2014 n° 12-28.965).

De même, la circulaire DGEFP n° 2013-12 du 12 juillet 2013, relative à la mise en oeuvre de l'activité partielle, rappellait que l'assiette des  indemnités de congés payés inclut « les primes et indemnités versées en complément du salaire si elles sont versées en complément du travail et si elles ne rémunèrent pas déjà la période des congés (primes annuelle assise uniquement sur le salaire des périodes de travail, primes compensant une servitude de l’emploi, primes liées à la qualité du travail).»

Face au recours massif à l’activité partielle, l’assiette de calcul de l’indemnité d’activité partielle a été précisée par décret. 

Le décret n°2020-435 du 16 avril 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle prévoit ainsi en son article 2 : 

" Pour les salariés qui bénéficient d'éléments de rémunération variables ou versés selon une périodicité non mensuelle, notamment ceux prévus à l'article 1er, le salaire de référence servant au calcul de l'indemnité et de l'allocation d'activité partielle tient compte également de la moyenne des éléments de rémunération variables, à l'exclusion des frais professionnels et des éléments mentionnés à l'article 3, perçus au cours des douze mois civils, ou sur la totalité des mois travaillés si le salarié a travaillé moins de douze mois civils, précédant le premier jour de placement en activité partielle de l'entreprise. " 

L'article 3 ajoute :

"Sont exclus de l'assiette de calcul de l'indemnité et de l'allocation d’activité partielle les sommes représentatives de frais professionnels et les éléments de rémunération qui, bien qu’ayant le  caractère de salaire, ne sont pas la contrepartie du travail effectif ou ne sont pas affectés par la réduction ou l’absence d’activité et sont alloués pour l’année. Lorsque la rémunération inclut une fraction de rémunération correspondant au paiement de l’indemnité de congés payés, cette fraction est déduite pour la détermination de l’assiette permettant le calcul de l’indemnité et de l’allocation d’activité partielle, sans préjudice du paiement par l’employeur de l’indemnité de congés payés " 

Partant, seuls sont exclus de l'assiette de l'indemnité d'activité partielle les frais professionnels et les éléments de rémunération, qui bien qu'étant du salaire, ne sont pas la contrepartie du travail effectif ou ne sont pas affectés par la réduction ou l'absence d'activité et sont alloués pour l'année (certaines primes variables pourraient être concernées, il faut vérifier au cas par cas). 

Devraient ainsi être intégrées les primes et commissions qui rémunèrent la qualité du travail et être exclues les primes non-affectées par la période d'inactivité. 

L’employeur ne peut donc limiter l'indemnité de chômage partiel à hauteur de 70% du salaire de base, sans rechercher qu'elle aurait été le montant du variable que le salarié aurait perçu s'il avait continué à travailler.

A toutes fins utiles, il est rappelé que l’Ordonnance n° 2020-346 du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle, impose à l'employeur de faire figurer sur le bulletin de paie le taux appliqué pour le calcul de cette l'indemnité. (art. R. 5122-18 du code du travail)

 

Quelles conséquences de la crise sanitaire sur la rémunération variable des salariés ?

A l’issue de la crise, l’activité de nombreux salariés aura été bouleversée, et ce dans des conditions rendant pour certains irréalisables les objectifs qui auront été fixés en début d’année.

Une tentation des entreprises sera de considérer que les objectifs n’ayant pu être atteints la rémunération assise sur ces objectifs sera directement affectée.

Sur ce point, il est rappelé que les objectifs peuvent être unilatéralement définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, sous réserve du respect de plusieurs règles dégagées par la jurisprudence :

  • les objectifs doivent être indépendants de la volonté de l'employeur, ne pas faire pas porter le risque d'entreprise sur le salarié, ni avoir pour effet de réduire sa rémunération en-dessous des minima légaux et conventionnels (Cass. soc., 20 avril 2005, n° 03-43.696 ; soc., 2 juillet 2002, n° 00-13.111) ;
  • les objectifs doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d'exercice (Cass. soc., 2 mars 2011, n° 08-44.977).

Le non-respect de l’une de ces règles entraîne l’inopposabilité des objectifs fixés par l’employeur et l'expose au paiement de l’intégralité de la rémunération variable (Cass. soc., 10 juillet 2013, n° 12-17.921 ; Cass. soc., 29 juin 2011, n° 09-67.492 ; Cass. soc., 2 juillet 2002, n° 00-13.111).

Rappelons enfin que l’appréciation de la validité des objectifs relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Aussi, quand bien même la situation actuelle est évidemment indépendante de la volonté des employeurs, on peut s’interroger sur la position qu’adopteront les juges dans les entreprises qui auraient décidé de fermer sans autorisation de l'administration, ou celles qui auraient décidé de recourir à de l'activité partielle quand des alternatives étaient possibles.

A défaut pour ces employeurs de redéfinir des objectifs réalistes, s’il était notamment établi que la définition des objectifs fait reposer sur le salarié le risque de l’entreprise, les objectifs pourraient être jugés inopposables au salarié et l’entreprise condamnée aux versements de l’intégralité des commissions et primes sur objectifs.