La prestation compensatoire tend à compenser la disparité de niveau de vie entre les époux créée par le divorce.
Il peut être tentant pour un époux de dissimuler tout ou partie de ses revenus pour éviter ou limiter le paiement d’une prestation compensatoire ou au contraire pour le créancier en augmenter le montant.
La Cour de Cassation a récemment rappeler que le juge doit, lorsqu’il y est invité, rechercher si le conjoint ne bénéficie pas de sources de revenus occultes.
Dans le cas d’espèce, les juges auraient du rechercher si un époux ne continuait pas à exercer une activité productive de revenus.
Références : Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2020, 18-26.012, Inédit
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mai 2018), un jugement a prononcé le divorce de M. G… et de Mme R….
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
2. Mme R… fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande de prestation compensatoire alors « que, pour apprécier le droit d’un époux à une prestation compensatoire, le juge doit, notamment, prendre en considération les revenus de chacun des époux ; qu’en énonçant, pour dire n’y avoir lieu à prestation compensatoire à la charge de M. G… au profit de Mme R…, que les droits de M. G… à l’allocation de retour à l’emploi arrivaient à terme au mois de janvier 2018, qu’il ne pourrait plus prétendre ensuite qu’à l’allocation de solidarité spécifique, soit à la somme de 490 euros par mois, de sorte qu’il ne pouvait faire face à ses charges incompressibles et devait demander à sa mère de l’aider financièrement et matériellement, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par cette dernière, si, contrairement à ses allégations, M. G… ne continuait pas à avoir une activité occulte de courtage d’oeuvres d’art qui lui procurait des revenus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 270 et 271 du code civil :
3. Il résulte du premier de ces textes que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Selon le second, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
4. Pour rejeter la demande de prestation compensatoire, l’arrêt retient que l’épouse, qui suit une formation, n’est pas rémunérée, que le mari ne peut plus prétendre qu’à l’allocation de solidarité spécifique d’un montant mensuel de 490 euros et que les parties sont propriétaires d’un bien immobilier commun qui doit être vendu et dont le prix devra être partagé.
5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, offre de preuve à l’appui, si M. G… ne continuait pas à exercer une activité professionnelle productive de revenus, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
6. Mme R… fait grief à l’arrêt de suspendre le versement de la contribution due par M. G… pour l’entretien et l’éducation des enfants alors « que
chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses capacités contributives et des besoins des enfants ; qu’en énonçant, pour suspendre provisoirement la contribution paternelle à l’entretien et à l’éducation des enfants jusqu’à ce que M. G… revienne à meilleure fortune, que M. G… ne pouvait temporairement s’acquitter de la contribution financière mise à sa charge au titre de l’entretien des enfants en l’état de sa situation financière particulièrement obérée tant que l’immeuble commun ne sera pas vendu et les crédits soldés, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par Mme R…, si, contrairement à ses allégations, M. G… ne continuait pas à avoir une activité occulte de courtage d’oeuvres d’art qui lui procurait des revenus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 371-2 et 373-2-2 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 371-2 et 373-2-2 du code civil :
7. Il résulte du premier de ces textes que chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant. Selon le second, en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et à son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.
8. Pour suspendre le versement de la contribution du père à l’entretien et à l’éducation des enfants, l’arrêt retient qu’il ne peut s’en acquitter temporairement dans la mesure où sa situation financière est particulièrement obérée, tant que l’immeuble commun n’aura pas été vendu et les emprunts soldés.
9. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, offre de preuve à l’appui, si M. G… ne continuait pas à exercer une activité professionnelle productive de revenus, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il rejette la demande de prestation compensatoire de Mme R… et en ce qu’il suspend le versement de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants due par M. G…, l’arrêt rendu le 24 mai 2018, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. G… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formé par M. G… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour Mme R….
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt, sur ce point, infirmatif attaqué D’AVOIR dit n’y avoir lieu à prestation compensatoire à la charge de M. S… G… au profit de Mme O… R… ;
AUX MOTIFS QUE « l’article 270 du code civil prévoit que l’un des époux peut être tenu à verser à l’autre une prestation compensatoire, destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. / L’article 271 du code civil précise que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. / Le juge prend en considération notamment : – la durée du mariage ; – l’âge et l’état de santé des époux ; – leur qualification et leur situation professionnelles ; – les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et le temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ; – le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; – leurs droits existants et prévisibles ; – leurs situations respectives en matière de retraite. / Le déséquilibre retenu ne saurait être celui résultant des fortunes et qui découle du jeu normal du régime matrimonial, notamment en régime séparatiste ou en communauté légale si la fortune provient de la succession, mais seulement celui résultant des conditions de vie respectives pendant le mariage, notamment quand un des époux a sacrifié son avenir professionnel en faveur du ménage. / Il ne s’agit pas davantage, au travers de la prestation, de maintenir indéfiniment le niveau de vie de l’époux créancier au niveau qui était le sien durant le mariage. / En l’espèce, les époux se sont mariés le 31 juillet 2004. Mme R… a déposé une requête en divorce le 3 avril 2015, après onze ans de vie commune. / Le couple a eu deux enfants, âgés de 9 et 14 ans. / M. G…, né en 1975, a 43 ans. Il revient sur son parcours professionnel. Durant la vie commune, il travaillait depuis le 1er juillet 2009 comme commercial salarié dans la galerie F… G… à Cannes que dirige son père (et non à titre libéral). Il communique le montant de ses ressources de 2009 à 2014. / Il explique avoir été fortement éprouvé par le départ de son épouse et la séparation et avoir connu une période de dépression, qui a conduit, après plusieurs arrêts de travail, à une rupture conventionnelle avec une indemnité de rupture de 15 000 euros, puis à la perception des allocations versées par Pôle Emploi après une période de carence de trois mois. / Il indique avoir suivi des formations et maintenu des relations dans le monde de l’art pour pouvoir plus tard créer sa propre affaire. Mais il devra présenter des garanties et pour cela, il ne disposera que du produit de la vente de la maison située à Mandelieu la Napoule, acquise en 2011.Sur ce point, il déplore que Mme R… ait longtemps refusé de signer le mandat de vente et qu’elle ait attendu le 27 mars 2018 pour le faire. / Il explique avoir sollicité et obtenu jusqu’en janvier 2018 la suspension des remboursements des prêts immobiliers en cours d’un montant mensuel de 1 565, 36 euros qu’il ne pouvait plus honorer. / Ses droits à l’allocation retour emploi ouverts en janvier 2016 arrivent également terme en janvier 2018. Il ne pourra plus prétendre ensuite qu’à l’ASS, soit 490 euros par mois, de sorte qu’il ne peut faire face à ses charges incompressibles et doit demander à sa mère de l’aider financièrement et matériellement. Ainsi, celle-ci l’héberge à titre gratuit. / Mme R…, née en mars 1976, a 42 ans. / Elle n’a pas travaillé pendant les dix années de mariage. À la séparation du couple, elle s’est rapprochée de Pôle Emploi. / Elle a suivi une formation en vue de l’obtention du brevet professionnel de la jeunesse et du sport qu’elle a échoué en août 2015. / Elle a ensuite préparé en 2016 le concours d’entrée à l’école d’infirmière, qu’elle a réussi. Elle suit par conséquent depuis septembre 2016 jusqu’en juin 2019 l’enseignement dispensé à l’institut de formation en soins infirmiers à Cannes. Elle a travaillé parallèlement dans le cadre d’un contrat à durée déterminée comme conseillère de vente avec un salaire mensuel brut de 1 802 euros. Mais elle a perdu cet emploi à la suite d’un accident de la circulation survenu en juin 2016 et de l’attitude harcelante de l’intimé qui ne cessait, selon elle, d’intervenir auprès de son employeur. / Elle indique percevoir les allocations familiales d’un montant de 129 euros par mois et avoir bénéficié d’une aide individuelle du conseil régional de 3 924 euros au titre de l’année scolaire 2016 / 2017 et de 3 218 euros au titre de l’année scolaire 2017 / 2018. / Elle ne s’explique pas davantage sur ses ressources, mais dément vivre avec M. K… et soutient qu’il lui est impossible de travailler en parallèle de ses études. / Elle évalue ses charges à plus de 1 700 euros par mois, sans s’expliquer comment elle parvient à les assumer. / Compte tenu de l’âge respectif des époux, de leur état de santé, ainsi que de leurs ressources et de leurs charges qui ne laissent pas apparaître de réelle disparité dans leurs niveaux de vie respectifs, il convient de réformer le jugement dont appel, en considérant qu’il n’y a pas lieu à prestation compensatoire. / Il appartient aux parties de vendre au plus vite le bien immobilier commun, afin de procéder au partage et améliorer ainsi peu à peu leur situation respective » (cf., arrêt attaqué, p.6 et 7) ;
ALORS QUE, de première part, les allocations familiales sont destinées à l’entretien des enfants, et non à procurer des revenus à l’époux qui en reçoit le versement, de telle sorte qu’elles ne constituent pas des revenus bénéficiant à un époux, et, partant, ne doivent pas être prises en considération pour apprécier le droit d’un époux à une prestation compensatoire ; que prenant, dès lors, en considération, pour dire n’y avoir lieu à prestation compensatoire à la charge de M. S… G… au profit de Mme O… R…, les allocations familiales d’un montant de 129 euros par mois perçues par Mme O… R…, la cour d’appel a violé les dispositions des articles 270 et 271 du code civil ;
ALORS QUE, de seconde part, pour apprécier le droit d’un époux à une prestation compensatoire, le juge doit, notamment, prendre en considération les revenus de chacun des époux ; qu’en énonçant, pour dire n’y avoir lieu à prestation compensatoire à la charge de M. S… G… au profit de Mme O… R…, que les droits de M. S… G… à l’allocation de retour à l’emploi arrivaient à terme au mois de janvier 2018, qu’il ne pourrait plus prétendre ensuite qu’à l’allocation de solidarité spécifique, soit à la somme de 490 euros par mois, de sorte qu’il ne pouvait faire face à ses charges incompressibles et devait demander à sa mère de l’aider financièrement et matériellement, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par cette dernière, si, contrairement à ses allégations, M. S… G… ne continuait pas à avoir une activité occulte de courtage d’oeuvres d’art qui lui procurait des revenus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 270 et 271 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt, sur ce point, infirmatif attaqué D’AVOIR suspendu provisoirement la contribution paternelle à l’entretien et à l’éducation des enfants jusqu’à ce que M. S… G… revienne à meilleure fortune ;
AUX MOTIFS QU’« en application des dispositions de l’article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses capacités contributives et des besoins des enfants. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur. / En cas de séparation des parents, cette contribution prend la forme, en vertu de l’article 373-2-2 du code civil, d’une pension alimentaire versée selon le cas par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant est confiée, ou entre les mains de l’enfant s’il est majeur. / La pension peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement dans la situation de l’une ou l’autre des parties ou des besoins de l’enfant. / En l’espèce, il est constant que le père ne peut temporairement s’acquitter de la contribution financière mise à sa charge au titre de l’entretien des enfants en l’état de sa situation financière particulièrement obérée tant que l’immeuble commun ne sera pas vendu et les crédits soldés. / La contribution paternelle à l’entretien des enfants sera par conséquent provisoirement suspendue jusqu’à ce que M. G… revienne à meilleure fortune et le jugement réformé de ce chef également » (cf., arrêt attaqué, p. 7 et 8) ;
ALORS QUE chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses capacités contributives et des besoins des enfants ; qu’en énonçant, pour suspendre provisoirement la contribution paternelle à l’entretien et à l’éducation des enfants jusqu’à ce que M. S… G… revienne à meilleure fortune, que M. S… G… ne pouvait temporairement s’acquitter de la contribution financière mise à sa charge au titre de l’entretien des enfants en l’état de sa situation financière particulièrement obérée tant que l’immeuble commun ne sera pas vendu et les crédits soldés, sans rechercher, ainsi qu’elle y avait été invitée par Mme O… R…, si, contrairement à ses allégations, M. S… G… ne continuait pas à avoir une activité occulte de courtage d’oeuvres d’art qui lui procurait des revenus, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 371-2 et 373-2-2 du code civil.ECLI:FR:CCASS:2020:C100040
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