Par un arrêt rendu le 30 mai 2018 la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc. 30 mai 2018 n°16-25426 PB) fait une interprétation extensive d’une clause de renonciation générale contenue dans la transaction, privant le salarié de toute contestation ultérieure relative à l’exécution et la rupture du contrat de travail.

Il convient de rappeler que la transaction a pour objet de mettre un terme à un litige relatif à la rupture d'un contrat de travail. Pour être valable, elle doit être  conclue postérieurement à la rupture définitive du contrat et doit comporter des concessions réciproques et réelles.

 

Les faits de l’espèce

Un directeur administratif a conclu une transaction avec son employeur, suite à son licenciement pour motif économique en 2005.

Dans l’article 5 du protocole transactionnel, intitulé : RENONCIATION, il est stipulé : « Moyennant le paiement de cette indemnité transactionnelle et du solde de tout compte, les parties considèrent que tous les comptes, désaccords, différends, litiges, sans exception et réserve pouvant exister entre elles à quelque titre que ce soit sont définitivement réglés et éteints".

Cependant, ayant pris sa retraite en 2012, il a sollicité la société aux fins d'obtenir le versement d'une retraite supplémentaire, ce qui lui a été refusé; il a alors saisi la juridiction prud'homale.

La question se posait donc de savoir si ce salarié pouvait remettre en cause la transaction signée 7 ans auparavant par laquelle il renonçait de manière générale à toute réclamation, aux fins d’obtenir une retraite supplémentaire alors qu’il n'existait aucun litige entre les parties concernant la retraite.

 

La cour d’appel de Paris condamne l’employeur

Elle déclare son action recevable et fait droit aux demandes du salarié, estimant que la transaction avait pour objet de régler les conséquences du licenciement, qu'il n'était pas fait mention dans le protocole du cas particulier de la retraite supplémentaire, et qu'il n'existait aucun litige entre les parties concernant la retraite supplémentaire dont la mise en oeuvre ne devait intervenir que plusieurs années plus tard.

Le salarié a obtenu la (lourde) condamnation de la société à lui payer une rente annuelle de 12.569 euros à compter du 30 mai 2016, payable trimestriellement à terme civil échu, ainsi qu'à lui payer les sommes de 52.412,73 euros au titre des arrérages échus, et 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral, sommes assorties des intérêts, outre 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

La Cour de cassation retient une interprétation large de la clause de renonciation  

La chambre sociale casse cette décision et reprend la jurisprudence de l’assemblée plénière (Cass. ass. plén. 4 juillet 1997 n° 93-43375 )  qui a posé en principe qu’un salarié ayant signé une clause générale de renonciation n'est plus recevable à saisir le juge d'une demande en lien avec l’exécution ou la rupture de son contrat de travail. Il s’agissait dans cette affaire d’une prime d'intéressement.

« Mais attendu qu'ayant relevé qu'aux termes de la transaction " forfaitaire et définitive " constatée par le procès-verbal du 8 juillet 1986, " la partie demanderesse renonce à toutes réclamations de quelque nature qu'elles soient à l'encontre de la partie défenderesse relatives tant à l'exécution qu'à la rupture de son contrat de travail ", le conseil de prud'hommes a fait l'exacte application tant des textes susvisés que de l'article 2044 du Code civil. »

Elle a également été amenée à trancher en ce sens plus récemment s’agissant d’une demande en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour perte de salaire (Cass. soc. 5-11-2014 n° 13-18.994) ou encore d’une demande en réparation au titre du préjudice d’anxiété lié à l’amiante (Cass. soc. 11-1-2017 n° 15-20.040).

C’est au visa des articles 2044 et 2052 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048 et 2049 du même code  qu’elle rend sa décision.

« La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit. » (Article 2044 ancien du code civil)

« Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. Elles ne peuvent être attaquées pour cause d'erreur de droit, ni pour cause de lésion. » (Article 2052 ancien du code civil)

Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. » (Article 2048 du code civil)

Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. » (Article 2049 du code civil)

« Qu'en statuant ainsi, alors qu'aux termes de la transaction, le salarié déclarait avoir reçu toutes les sommes auxquelles il pouvait ou pourrait éventuellement prétendre au titre de ses relations de droit ou de fait existant ou ayant existé avec la société et renonçait à toute réclamation de quelque nature que ce soit, née ou à naître ainsi qu'à toute somme ou forme de rémunération ou d'indemnisation auxquelles il pourrait éventuellement prétendre à quelque titre et pour quelque cause que ce soit du fait notamment du droit commun, des dispositions de la convention collective, de son contrat de travail et/ou de ses avenants et/ou tout autre accord, ou promesse et/ou découlant de tout autre rapport de fait et de droit, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

L’arrêt est cassé et les parties sont renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

 

Conclusion

Est pleinement libératoire pour l’employeur et prive le salarié de toute possibilité de réclamation ultérieure, le protocole transactionnel qui précise que :

  1. le salarié déclare avoir reçu toutes les sommes auxquelles il pouvait ou pourrait éventuellement prétendre au titre de ses relations de droit ou de fait existant ou ayant existé avec la société ;
  2.  renonce généralement à toute réclamation de quelque nature que ce soit, née ou à naître ainsi qu'à toute somme ou forme de rémunération ou d'indemnisation auxquelles il pourrait éventuellement prétendre à quelque titre et pour quelque cause que ce soit en application notamment des dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles.

Il convient, à nouveau, d’attirer l’attention toute particulière qui doit être portée à la rédaction du protocole d’accord transactionnel dont les termes doivent impérativement être clairs, précis, sans ambiguïté et exprimer clairement la volonté des parties. (Cf notre article du 24 avril 2018 : Les indemnités de rupture non visées à l’article 80 duodecies du CGI mais qui indemnisent un préjudice peuvent désormais échapper aux cotisations )