Par un arrêt rendu le 6 mars 2019, la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc. 6-3-2019 n° 17-24.701 F-D ) dit que le licenciement pour faute grave n’est pas fondé lorsque la salariée poursuivie pour vols a bénéficié d’une décision de relaxe définitive.

 

Les faits

Une employée engagée en qualité de caissière à compter du 1er février 1979, qui exerçait en dernier lieu les fonctions de directrice de magasin, a été licenciée pour faute grave par lettre du 13 janvier 2012 précisant notamment : « Le jeudi 22 décembre 2011, M. D... a constaté que vous mettiez dans votre coffre de voiture de la marchandise du magasin. Or, après vérification, il s'avère que cette marchandise n'avait fait l'objet d'aucun paiement de votre part. »

Le sac de marchandises contenait un certain nombre d’articles avec des dates limites de consommation situées entre le 18 et le 22/12/2011 pour un montant total de 51,21 €.

« Vous n'avez pas respecté l'article 26 du règlement intérieur de la société Mazagran qui stipule que « Toute marchandise sortie du magasin doit faire l'objet d'un passage en caisse préalablement à leur sortie de l'établissement ».

Cet article ne fait aucune distinction entre la marchandise retirée de la vente et celle toujours en vente. En tant que directrice de magasin, vous ne pouviez ignorer ce règlement intérieur.

Le 22 décembre 2011, vous avez d'ailleurs reconnu ne pas avoir payé ces marchandises devant M. D.... En agissant de la sorte, vous n'avez pas respecté les procédures de caisse en vigueur et le règlement intérieur de l'entreprise.

Compte tenu de votre statut, nous ne saurions tolérer un tel comportement au sein de notre établissement.

En effet, celui-ci s'avère extrêmement préjudiciable au bon fonctionnement et à l'image de notre magasin. »

Son employeur a déposé une plainte à la gendarmerie mais la salariée a été relaxée des faits de vol pour lesquels elle était poursuivie.

La cour d'appel de Dijon a néanmoins estimé dans un arrêt du 6 juillet 2017 que le licenciement était fondé sur une faute grave et a débouté la salariée de l'ensemble de ses demandes retenant que cette dernière a sorti du magasin, pour se les approprier, sans les avoir préalablement payés des articles dont il n'est pas, au moins pour certains d'entre eux, établi qu'ils aient été impropres à la consommation ou périmés.

 

La décision de la Cour de cassation

Vu le principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal, la Haute Cour casse et annule cet arrêt, en toutes ses dispositions.

«  Qu'en statuant ainsi alors que la décision de relaxe devenue définitive dont avait bénéficié la salariée, poursuivie pour vols, était motivée par le fait que les articles en cause, qui étaient les mêmes que ceux visés dans la lettre de licenciement, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l'attente de leur destruction, car impropres à la consommation, la cour d'appel a violé le principe sus visé. »

Les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Besançon.

La Cour de cassation confirme ainsi sa jurisprudence : lorsque la juridiction pénale décide que les faits dont elle est saisie ne sont pas établis ou ne sont pas imputables au salarié, l’autorité de la chose jugée au pénal s’impose au juge prud’homal.

En conséquence, ces mêmes faits ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc. 7-11-1991 n° 90-42.645 D : RJS 12/91 n° 1304 ; Cass. soc. 20-3-1997 n° 94-41.918 P : RJS 5/97 n° 530) et le salarié peut prétendre à des dommages-intérêts.