Selon la Cour de cassation, la faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié. (Cass.soc., 20 mars 2019 n°17-26.999)

Dès lors, si le contrat de travail prévoit un préavis, en cas de rupture du contrat du fait de l'une ou de l'autre des parties, sans l’exclure en cas de faute grave voire de faute lourde, le préavis est dû au salarié en toute hypothèse, quel que soit le motif de la rupture.

Il convient de rappeler que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (Cass. soc. 27-9-2007 n° 06-43.867) et qu’elle entraîne, en principe, la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. 

Le Code du travail prévoit que lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.  ( Article L1234-5 )

 

Les faits et arguments du salarié

La société Faurecia sièges d'automobile  a licencié pour faute grave et donc sans indemnités, le directeur de la stratégie des achats pour avoir frauduleusement obtenu un remboursement de frais et avoir pris des congés sans en informer l’employeur. 

Le salarié a contesté son licenciement et réclamé notamment le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents en faisant valoir que le contrat de travail stipule en son article 7 qu'en cas de rupture du contrat de travail du fait de l'une ou l'autre des parties, le préavis sera de six mois, sans l'exclure en cas de faute grave.

Un enjeu non négligeable qui portait sur la somme de 150 000 € ; le salarié avait un peu plus de 3 ans d’ancienneté.

 

La cour d’appel de Versailles ne fait pas droit aux demandes du salarié

Pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents, l'arrêt rendu 20 septembre 2017 par la cour de Versailles retient que si le contrat de travail mentionnait un préavis de six mois, celui-ci n'est pas dû en application de l'article L. 1234-1 du code du travail lorsque le licenciement est motivé par une faute grave.

Ce texte dispose, en effet, que lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave le salarié a droit à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois.

Le préavis est porté à un mois si l’ancienneté de services continus est comprise entre six mois et moins de deux ans et à deux mois si l’ancienneté est d'au moins deux ans. Toutefois, ces dispositions ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

En l’espèce, un préavis de 6 mois était particulièrement favorable au salarié qui se pourvoit en cassation, reprochant à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement pour faute grave est justifié, de l’avoir débouté de ses demandes tendant à obtenir le paiement d'un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d'une indemnité de préavis, d'une indemnité de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'avoir condamné à payer à la société une somme de 22.225,85 euros à titre de remboursement de frais, outre le paiement d'une amende civile et une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

La Cour de cassation s’en tient à la rédaction du contrat de travail

C’est au visa de l'article 1134 du code civil dans sa version alors en vigueur qui disposait notamment que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et qu’elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise, que la Haute Cour décide de casser l’arrêt de la Cour d’appel qui a dénaturé les termes clairs et précis du contrat de travail.

« Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant au paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents l'arrêt retient que si le contrat de travail mentionnait un préavis de six mois, celui-ci n'est pas dû en application de l'article L. 1234-1 du code du travail lorsque le licenciement est motivé par une faute grave ;

Qu'en statuant ainsi alors que la faute grave n'est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié et que l'article 7 du contrat de travail prévoyait un préavis, en cas de rupture du contrat du fait de l'une ou de l'autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat. »

La Haute Cour casse et annule l’arrêt de la cour de Versailles mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes en paiement de la somme de 136 494 euros au titre de l'indemnité de préavis et de celle de 13 649,40 euros au titre des congés payés afférents et le condamne au paiement de la somme d'un euro en application de l'article 32-1 du code de procédure civile.

Elle renvoie les parties pour être fait droit devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, qui devrait accorder au salarié les sommes réclamées, sans revenir sur la faute grave qui a justifié le licenciement.

 

Conclusion

Il convient de porter une attention toute particulière à la rédaction du contrat de travail dont les termes doivent impérativement être clairs, précis, sans ambiguïté et exprimer clairement la volonté des parties.

Si l’employeur entend exclure le préavis en cas de faute grave voire lourde, il lui appartient de le mentionner expressément dans la clause relative au préavis.

En l’absence de toute restriction ou exclusion, l’indemnité compensatrice de préavis sera due quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail.