Le fait pour un supérieur hiérarchique d’envoyer de manière répétée et pendant 2 ans des SMS à caractère pornographique à une salariée par l'intermédiaire de son portable professionnel qualifie-t-il un harcèlement sexuel ?

C’est la question posée à la Cour de cassation dans cette affaire.

Les faits et arguments du salarié

Un responsable d'exploitation, engagé en avril 2000, licencié pour faute grave le 31 juillet 2014 pour des faits de harcèlement sexuel, a formé un pourvoi contre une décision de la Cour d’appel de Versailles du 11 octobre 2017 qui a considéré que son licenciement était fondé non sur une faute grave mais sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Selon lui, constitue un fait relevant de la vie personnelle du salarié faisant obstacle à la qualification de faute par l'employeur, l'utilisation par un salarié de son téléphone professionnel pour procéder à des échanges de messages téléphoniques SMS privés avec un autre salarié.

Le Code du travail

Pour le Code du travail, le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.

Sont assimilés au harcèlement sexuel les faits consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. (Article L1153-1 )  

L'employeur a l’obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir, de mettre un terme et de sanctionner les faits de harcèlement sexuel, le cas échéant en procédant au licenciement du salarié auteur de tels agissements. (Article L1153-5 )

Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire. (Article L1153-6 )

L’arrêt du 25 septembre 2019

Dans un arrêt de rejet du 25 septembre 2019 (Cass. soc., 25 septembre 2019, nº 17-31.171 F-D) , la Cour de cassation approuve les juges du fond et considère que les faits, en l’espèce, ne constituent pas un harcèlement sexuel.

Elle relève d’une part, que la salariée se plaignant de harcèlement sexuel avait répondu aux SMS du salarié, sans que l'on sache lequel d'entre eux avait pris l'initiative d'adresser le premier message ni qu'il soit démontré que ce dernier avait été invité à cesser tout envoi.

Et que, d'autre part, la salariée avait adopté sur le lieu de travail à l'égard du salarié une attitude très familière de séduction ce qui avait amené la cour d'appel à faire ressortir l'absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l'encontre de la salariée, et à en déduire que « l'attitude ambiguë de cette dernière qui avait ainsi volontairement participé à un jeu de séduction réciproque excluait que les faits reprochés au salarié puissent être qualifiés de harcèlement sexuel ».

Pour la Haute Cour, la faute grave n’est pas caractérisée mais pour autant, le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse.

En effet, il a été constaté que le salarié, qui exerçait les fonctions de responsable d'exploitation d'une entreprise comptant plus de cent personnes, avait, depuis son téléphone professionnel, de manière répétée et pendant deux ans, adressé à une salariée dont il avait fait la connaissance sur son lieu de travail et dont il était le supérieur hiérarchique, des SMS au contenu déplacé et pornographique.

Il avait ainsi, adopté un comportement lui faisant perdre toute autorité et toute crédibilité dans l'exercice de sa fonction de direction et dès lors incompatible avec ses responsabilités.

La cour d'appel a donc pu en déduire que ces faits se rattachaient à la vie de l'entreprise et pouvaient justifier un licenciement disciplinaire.

La Cour de cassation avait déjà exclu la qualification de harcèlement sexuel et la faute grave dans une espèce où les seuls actes établis à l'encontre du salarié s'inscrivaient dans le cadre de relations de familiarité réciproques avec la personne qui s'en plaignait. (Cass. soc., 10 juillet 2013, nº 12-11.787 D)

Conclusion

La salariée ne pouvait se plaindre d’agissements tels que l’envoi régulier de SMS à caractère pornographique pendant 2 ans alors même qu’elle y a répondu, n’a jamais demandé à leur auteur de cesser tout envoi et qu’elle a adopté sur le lieu de travail à l'égard de ce dernier une attitude très familière de séduction.

Le comportement ambigu de la salariée qui participe volontairement à un jeu de séduction réciproque est exclusif du harcèlement sexuel en l'absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à son encontre.

La salariée qui s’estime victime d’un harcèlement sexuel doit donc nécessairement avoir un comportement clair, non équivoque et prendre toutes dispositions utiles pour tenter de faire cesser une situation inacceptable.

Il n’est pas vain de rappeler à cet endroit, que les faits de harcèlement sexuel sont constitutifs d’un délit et sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

Ces peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis notamment par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. (Article 222-33 Code pénal)